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Les radars sont morts, vite une police de la route !

Dans Pratique / Radars

Jean Savary

Les dégradations de radars se poursuivent, et comme on pouvait s'y attendre les nouveaux modèles "tourelles" ne sont pas plus épargnés. Pour contrôler la vitesse, il va falloir trouver autre chose, mais quoi ?

Les radars sont morts, vite une police de la route !

Ils ont disparu !

Ceux que j'avais vus au printemps brûlés, enturbannés, peinturlurés ne sont plus là. Le fameux panneau les annonce encore, mais on ne les voit plus. Il faut rouler tout doucement pour apercevoir le socle en béton déjà à demi mangé par la verdure.

Par quoi va-t-on les remplacer ? Ah oui, par le fameux radar tourelle perché sur son mat à 3 mètres du sol, hors de portée des malintentionnés. Aux dernières nouvelles, comme l'explique Olivier Pagès dans son article "Les radars tourelles, nouvelle cible des casseurs", ces malandrins ont trouvé la réplique : au fusil, au chalumeau, à la tronçonneuse ou avec des pneus incendiés, ils les abattent. En Savoie, à peine installées, voire en cours d'installation, trois des six nouvelles tourelles ont déjà été neutralisées. Dans l'Aude, c'est huit sur quatorze.

 

La jacquerie au pied des tourelles

Le radar tourelle, c'est - ou faut-il écrire "c'était" ? - bien plus qu'un moyen de sanctionner les excès de vitesse. Avec sa caméra 36 millions de pixels et ses logiciels d'analyse d'image capables de contrôler jusqu'à 32 véhicules sur 200 m sur huit voies dans les deux sens, l'engin se targuait de rien moins qu'améliorer nos comportements au volant ou au guidon.

Non-port de la ceinture, téléphone tenu en main, feu rouge, dépassement par la droite, non-respect des distances de sécurité et même défaut d'assurance via une connexion au SIV (système d'immatriculation des véhicules), il peut quasiment tout "fliquer" pour 32 000 € l'unité - à peine plus que le traitement annuel d'un adjudant-chef dans la gendarmerie.

Sauf bien entendu l'alcool et les stupéfiants. Et c'est bien dommage car ces deux infractions restent la principale cause d'accidents mortels.

Il n'empêche, avec 400 exemplaires programmés d'ici la fin de l'année et à court terme des milliers d'autres grâce à l'astuce consistant à alterner un radar opérationnel pour quatre factices, la machine promet un nouveau recul important de la mortalité routière.

Les radars sont morts, vite une police de la route !

"Promettait" car on voit mal comment son déploiement pourrait s'opérer dans un tel climat de jacquerie.

Il n'y a guère que sur autoroute qu'on pourra l'installer sans péril, mais l'enjeu y est négligeable - à peine 5 % des victimes du trafic routier - alors qu'à l'inverse, sur le réseau secondaire, là où l'on se tue majoritairement, il sera impossible de l'y maintenir sauf à caserner un peloton de gendarmerie au pied de chaque mat…

De ces radars comme des autres, le manant ne veut point et il semble en mesure d'imposer son point de vue. "Il est aisé de démuseler le peuple, mais on ne le remusèle pas comme on veut" écrivait Mirabeau.

La fronde anti-radars n'est sans doute menée que par une poignée d'excités, mais elle semble recueillir une approbation très majoritaire qu'aucun institut de sondage n'a encore osé mesurer.

 

Comment argumenter face à des excès de 1 km/h ?

Alors quoi ? Comment rétablir le contrôle de la vitesse sur nos routes ?

Peut-être et même sans doute en rétablissant sa légitimité. Si le contrôle automatisé de la vitesse était davantage perçu comme utile et juste, les radars flamberaient moins. Si l'Etat communiquait davantage sur la nécessité d'une vitesse régulée, et surtout commune à tous, plutôt que de déplorer le coût des dégradations de radars (360 millions… dont 300 millions de manque à gagner en PV), les tourelles démâteraient plus rarement.

Le milliard d'euros de recette des radars automatiques ne peut plus être considéré comme une manière pratique de financer les infrastructures de transport (405 millions en 2017) ou les collectivités territoriales (270 millions) quand tout juste un quart de la somme revient à la sécurité routière.

Car enfin et surtout, si les radars étaient davantage vus comme des garants de notre sécurité et moins comme des "cash machines", on reverrait peut-être la courbe des tués s'infléchir à nouveau.

Une mesure simple consisterait d'abord, pour les excès inférieurs à 4 ou 5 km/h, à donner le choix entre la perte d'un point et le paiement de l'amende.

J'ai beau avoir toujours été partisan du contrôle de la vitesse et de la tolérance zéro, y avoir consacré - voire sacrifié - une partie de ma carrière de journaliste auto et écrit des kilomètres d'articles sur le sujet, je ne sais plus comment argumenter face à ces proches qui me brandissent des permis amputés par la répétition d'excès d'un, deux ou trois kilomètres/heure. Lesquels se sont multipliés à l'avènement du 80 km/h. Faut-il recommander l'emploi systématique de Waze ?

Un seul point fait encore consensus : on ne peut pas revenir à la vitesse libre des années 60…

 

Aux Etats-Unis, pas de radars mais des "cops"

La re-légitimisation du contrôle de la vitesse pourrait aussi passer par le renoncement au radar automatique. Si la Grande Bretagne - deux fois plus radarisée au kilomètre que la France - a cessé d'augmenter leur nombre, et en a même supprimé quelques centaines, les plus anciens, les Etats-Unis les abandonnent désormais. En juin, le Texas a rejoint la trentaine d'états qui ont déclaré vouloir désormais s'en passer.

Les gouverneurs ont dû tenir compte de l'opinion qui a massivement exprimé son rejet en gonflant les effectifs de la puissante National Motorists Association qui mène le combat. Au final, seuls neuf des cinquante états américains en exploitent encore.

Mais à la différence de la France des années 90, celle d'avant les "radars pompe à fric" (près de 11 000 morts en 1990, 8 500 en 1999) les Etats-Unis n'ont jamais montré le moindre laxisme concernant la vitesse. Là-bas, depuis un demi-siècle au moins, rouler trop vite c'est avoir l'assurance de voir débouler la voiture du shérif dans son rétroviseur.

 

L'intelligence humaine ou la bêtise artificielle ?

Cet été, j'ai parcouru un peu plus de 3 000 km à travers la Nouvelle Angleterre et j'ai été surpris par la façon de conduire des Américains, aussi bien dans les étendues quasi désertiques du Maine que dans le trafic très chargé des routes sinueuses du Massachusetts. Malgré des limitations aussi strictes que les nôtres - et aussi incessamment fluctuantes - tout le monde roule à peu près à la même vitesse, autour de 5 mph (8 km/h) au-dessus de la limitation sur route et un peu moins de 10 mph (16 km/h) sur "highway". Et les motards aussi. Le respect des distances de sécurité semble inné - en fait très surveillé par la police -, et on ne colle jamais à la voiture de devant, pas même celle du "fucking tourist", seul à respecter scrupuleusement le 45 mph réglementaire. Sur route, les dépassements sont rarissimes et en deux semaines, je n'ai assisté qu'à trois gros excès de vitesse dont l'un s'est achevé à la lueur du gyrophare. Car là-bas, les PV n'arrivent pas par la poste…

Et n'allez pas croire à la légende de la société ultra-policée, du cop omniprésent : aux Etats-Unis, on dénombre 250 policiers pour 100 000 habitants comme en France.

La différence, c'est qu'ils sont constamment sur la route, le plus souvent seuls, parfois à deux, généreusement motorisés, parfaitement imprévisibles et embusqués, pistolet laser à la portière, jamais annoncés par des panneaux de deux mètres sur trois. Rien à voir avec l'équipe de cinq pandores dont deux à motos nécessaires chez nous pour le moindre contrôle avec interception.

Au retour de ces deux semaines de voyage sans voir le moindre radar, replonger dans ces histoires de cornecul de tourelles incendiées ou abattues m'a fait un effet bizarre.

Et si tout simplement nous avions besoin d'une vraie police de la route plutôt que de machines stupides et vulnérables ? Parmi nos 150 000 policiers et 100 000 gendarmes ne pourrait-on pas en trouver 20 ou 30 000 qui feraient mieux le boulot que 5000 radars ? Qui contrôleraient aussi l'alcoolémie, les pneus, la sécurité des enfants transportés, les horaires des chauffeurs routiers, etc.. Faut-il persister à préférer la bêtise artificielle à l'intelligence humaine ?

 

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