Le bilan pour François Hollande : qu'a-t-il changé pour les automobilistes et l’industrie auto ?
Soutien aux constructeurs français, nombre de salariés travaillant dans le secteur auto, nombre de victimes de la route, nombre de radars, etc.: Caradisiac a enquêté minutieusement de manière objective pour déterminer ce que le Président de la République aura changé dans la vie des automobilistes et de l’industrie auto.
S’il ne s’est pas encore officiellement porté candidat à sa propre succession, François Hollande ne peut, à quelques mois de la fin de son mandat, échapper à l’exercice de l’inventaire. En matière automobile, son quinquennat apparaît assez contrasté, c’est-à-dire plutôt positif en matière industrielle, avec une volonté de préserver les constructeurs et le « made in France », mais très en dessous des attentes en matière de sécurité routière.
Côté industrie. Quand il arrive au pouvoir en 2012, François Hollande compte parmi tous ses urgences celui d'une industrie automobile à la peine, avec notamment un PSA Peugeot Citroën au bord de la banqueroute et dont la fermeture de l’usine d’Aulnay approche. Sans accorder à la Présidence de la République des pouvoirs qu’elle n’a pas, le directoire des constructeurs restant souverain en matière de stratégie industrielle, on constate simplement que le dossier de l’industrie automobile n’en est plus vraiment un au terme du quinquennat Hollande, et c’est une bonne nouvelle.
Des crédits d'impôt pour aider l'industrie
Ainsi, 1,97 million de véhicules légers ont été produits par les constructeurs français en France l’an dernier, contre 1,73 deux ans plus tôt. A l’export, c’est plutôt positif aussi : en 2016, 78% des véhicules produits par les constructeurs français ont été vendus à l’étranger, contre 75% en 2012. Parmi les facteurs ayant favorisé la relance, des mesures comme le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi), grâce auquel en 2013 et 2014 PSA bénéficiera de 126 millions de crédit d’impôt, et Renault de 86 millions.
Christian Peugeot, Président du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), précise les choses ainsi: « les mesures gouvernementales (CICE) sont très utiles mais elles doivent être complétées par les accords d’entreprises. Ces actions permettent de combler lentement l’écart de croissance des coûts salariaux avec nos principaux compétiteurs, notamment avec l’Allemagne. Ces dernières années, de nombreux accords ont été signés assurant un plan de charge futur pour les sites français (…). Ces productions servent à approvisionner le marché intérieur, mais aussi les exportations françaises automobiles, qui ont progressé en 2015 de 9 %, à plus de 40 milliards d’euros. » Or, quand l’automobile va, le reste suit. Christian Peugeot, encore : « Le regain d’activité en France bénéficie à la filière automobile, tout comme l’amélioration globale du marché européen qui a tiré la production de l’Europe entière. » Bref, si ces dispositifs de crédit d’impôt sont coûteux pour le contribuable, ils permettent de préserver l’industrie et a priori l’emploi.
L'emploi (presque) préservé dans l'hexagone
On dénombrait ainsi 224 000 salariés chez les constructeurs français en France en 2012, et 2 375 000 postes induits par l'industrie automobile (soit 9% de la population active). Quatre ans plus tard, le nombre global de salariés n'a pas changé, mais on on relève que 102 000 emplois induits ont disparu (chiffres du Comité des constructeurs français d'automobile). Par ailleurs, on apprenait lundi 17 octobre la suppression d'environ 2000 postes chez PSA en 2017. Même s'il s'agit essentiellement de départs volontaires ou de préretraites, cela illustre la poursuite du processus de désindustrialisation du territoire, avec l'aval des autorités qui, rappelons le, sont aussi actionnaires de PSA depuis leur participation au renflouement du constructeur en mai 2014.
On se souvient en effet que l’Etat français et le consortium chinois Dongfeng étaient entrés au capital du constructeur par le biais d'une augmentation de capital de 3 milliards d’euros. Aujourd’hui, PSA, en nettement meilleure forme, est détenu à égalité par la famille Peugeot, Donfeng et l’Etat à hauteur de 19% chacun. Et l’Etat exclut d’abandonner sa participation : « nous sommes un actionnaire de long terme, et cela vaut également pour PSA. (…) Nous avons contribué à créer un triptyque actionnarial avec la famille Peugeot et le groupe chinois Dongfeng. Nous n'entendons pas déstabiliser cet équilibre qui a fait ses preuves. » a récemment déclaré Martin Vial, commissaire de l'Agence des participations de l'Etat (APE) au quotidien Le Monde. Une belle illustration de la notion d’Etat-stratège, à l’image de ce qu’avait réalisé l’administration Obama en approuvant un plan de sauvetage de l'industrie automobile de 80 milliards de dollars, sauvant ainsi General Motors et Chrysler.
La loi Hamon au service des consommateurs
Certes, cette relance de l'automobile se réalise à l'échelle européenne, voire mondiale, en tout cas bien au-delà de la sphère d'influence des pouvoirs publics français. Mais force est de constater que ceux-ci auront plutôt bien joué leur rôle dans une période difficile, en attendant le retour de vents plus favorables.
Voici pour l'essentiel du bilan "industrie auto" de François Hollande, auquel on ajoutera l'alignement progressif de la fiscalité de l'essence sur celle du gazole, attendue depuis longtemps et qui va dans le bon sens pour la santé publique. Une mesure qui satisfait les constructeurs, à la condition que la transition se fasse dans la douceur. Le délai de 5 ans initialement annoncé par le gouvernement - et non 2 ans comme annoncé ensuite par Ségolène Royal - devrait leur permettre de digérer ce changement progressif de paradigme.
Du côté des automobilistes, saluons enfin la mise en oeuvre de la loi Hamon, entrée en vigueur le 17 mars 2014. Celle-ci permet le changement d’assurance à tout moment après un an de cotisation, avec cet avantage fondamental que c'est au nouvel assureur qu'incombe la tâche d’effectuer les démarches à votre place. Une véritable avancée pour les consommateurs.
François Hollande aura plutôt bien accompagné l'industrie automobile française durant son quinquennat (ici en visite à l'usine PSA de Tremery en mars 2015).
Côté sécurité routière. A la veille de son accession au pouvoir en 2012, François Hollande assurait que la sécurité routière serait une priorité de son mandat. Résultat quatre ans plus tard: un nombre de victimes de la route en augmentation régulière après plusieurs années de baisse, et des radars dont le nombre va croître de 25% l’an prochain, pour la sécurité des routes mais aussi - et surtout ? - parce que cela aidera à boucler le budget de l’Etat.
Et maintenant, une devinette. Qui a dit : « Comme toujours, la communication propagande à certains moments de l'année a servi d'alibi à une volonté politique défaillante. En conséquence, les mesures en matière de sécurité routière sont aujourd'hui de plus en plus perçues par la plupart des citoyens comme des sanctions ou des prétextes à la taxation. La sécurité routière sera bien lors de mon quinquennat une priorité. Je ne suis a priori pas de ceux qui proclament des objectifs chiffrés » ?
Allez, on vous aide : ces mots sont signés de François Hollande, interrogé pendant la campagne présidentielle de 2012 par une association de sécurité routière. Si on les analyse de plus près, ils contiennent à la fois l’approche qui allait être adoptée par les pouvoirs publics durant le quinquennat qui s’achève, en même temps que, déjà, toutes les limites de celle-ci.
Ainsi, quand François Hollande dit en 2012 qu’il n’est pas de ceux qui proclament des objectifs chiffrés- il s’y risquera pourtant en matière de chômage, avec le résultat que l’on sait - peut-être pressent-il déjà les mauvais résultats à venir.
Une mortalité routière en hausse continue depuis 2013
Cruelles statistique. Si 2012 et 2013 marquent effectivement une baisse de la mortalité routière, avec un plus bas niveau historique à 3 268 victimes en 2013, les chiffres ne cesseront ensuite de repartir à la hausse: 3 384 décès sur la route en 2014 (+3,5%), augmentation qui était une première depuis 12 ans, 3 461 en 2015 (+2,3%), et l’année 2016 suit cette courbe ascendante avec sur les 9 premiers mois une hausse de 3,1% par rapport à la même période en 2015 (2 515 victimes répertoriées au 30 septembre). Pire : en septembre, l’augmentation s’est élevée à 30,4% ! La « faute » à une météo clémente incitant les français à circuler davantage, à quoi s’ajoute le risque terroriste qui les détourne des transports en commun, paraît-il… Ce n’est pourtant pas faute de truffer leurs routes de radars. Nous y reviendrons plus bas.
Le niveau devrait certes rester en 2016 bien inférieur à celui de 2012 (3 653 victimes), mais rappelons que l’objectif officiel demeure de passer sous la barre des 2 000 morts en 2020, ce qui semble impossible à tenir en l’état actuel des choses. On aura pourtant assisté à la convocation d’un Comité interministériel de sécurité routière le 2 octobre 2015, suivi de l’annonce de mesures-choc concernant aussi bien le téléphone au volant (interdiction des oreillettes et écouteurs en conduisant), l’alcool au volant pour les conducteurs novices (alcoolémie maximale fixée à 0,2 g/l) ou les excès de vitesse, que peuvent aussi contrôler les nouveaux radars autonomes.
Les radars au secours des finances publiques
Hélas, dans le même temps le gouvernement aura brouillé les pistes en annonçant des mesures qui semblent aller à l’encontre d’une amélioration de la sécurité sur les routes. Le projet de loi Justice du XXIe siècle, censé permettre un désengorgement des tribunaux, contient plusieurs dispositions assez contre-productives, comme par exemple le fait que les défauts de permis de conduire et les défauts d'assurance soient uniquement sanctionnés par une amende, alors même qu'il s’agit d’un véritable fléau contre lequel les dispositions les plus sévères doivent être prises. Même si rien n’a encore été adopté, la publicité faite autour de ces dispositions ne participe pas d’un discours cohérent en matière de sécurité routière.
Et début octobre, on apprenait à la lecture du projet de loi de finances que le gouvernement tablait sur des recettes issues du contrôle automatique en hausse de 25% en 2017 par rapport à 2016 (de 672 à 844 millions), ceci grâce à l’augmentation du nombre de radars au bord des routes, qui passerait de 4 450 à 4600, pour atteindre 4 700 en 2018. Il s’agira notamment de radars autonomes de chantiers et de modèles embarqués dans des voitures banalisées dont la gestion va être confiée à des sociétés privées (qui seront bien sûr intéressées aux recettes, avec pour conséquence un terrible course au rendement). En d'autres termes, les radars sont appelés au secours de finances publiques exsangues. Voilà de quoi apporter de l'eau au moulin de ceux qui les considèrent surtout comme des pompes à fric, lesquels peuvent appuyer leur démonstration sur les mauvais résultats en matière de sécurité routière.
La France à la traîne par rapport à ses voisins
Mauvais résultats qui se confirment au regard de ceux obtenus par nos voisins. Avec 54 morts par million d’habitants, la France se situe au milieu du peloton européen. C’est mieux - et sans mérite aucun - que la Bulgarie ou la Roumanie, certes (95 morts par million d’habitants), mais bien en-deçà de ce que l’on constate en Allemagne (43), Espagne (36), Grande-Bretagne (29), Hollande (28) ou Suède (27).
Or, on se souvient que le François Hollande de 2012 fustigeait son prédécesseur en ces termes : « Bien qu'il ait affirmé en 2007 faire de la sécurité routière une priorité, les mots n'ont pas été suivis d'effets. Son objectif de passer sous la barre des 3 000 victimes de la route est aujourd'hui bien loin d'être atteint. » Une critique que le Président de la République ne peut que s’adresser à lui-même aujourd’hui. En matière de sécurité routière on aura vécu un quinquennat pour (presque) rien.
Bilan
Le changement, c'est urgent.
François Hollande peut avancer un bilan honorable dans sa gestion des problématiques industrielles, (lesquelles ne dépendent pas entièrement de lui, certes), et franchement mauvais dans ce qui relève des compétences des pouvoirs publics, à savoir la sécurité routière. Un paradoxe, alors même que ses prédécesseurs à l'Elysée auront fait preuve d'efficacité en faisant drastiquement baisser le nombre de morts sur la route. On n'élit pas un Président sur ce seul critère, bien sûr, mais ces résultats mitigés ne plaident pas en faveur du sortant. En 2012, il nous assurait pourtant de sa vigilance "quant au suivi de ces dossiers qui touchent directement des millions d'usagers". Mais si l'on se réfère aux résultats par lui obtenus sur ce terrain, une seule conclusion s'impose: le Président n'aurait pas dû dire ça...
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