La trottinette électrique laisse le gouvernement désemparé
Des amendes plus lourdes pour protéger les citoyens d’eux-mêmes ? Telle est la solution du gouvernement pour endiguer un phénomène qu’il ne contrôle décidément pas.

Le 8 mai dernier, le sénateur de l'Eure Hervé Maurey (Les Centristes) a adressé une demande au gouvernement . De façon légitime, il estime que les utilisateurs d’EDPM qui empruntent les routes de campagne sont trop exposés aux accidents. Qu’ils sont trop nombreux lorsqu’il fait beau, que l’équipement réglementaire n’est que trop rarement porté et que, dans bien des cas, ils sont trop jeunes pour les utiliser. Et Monsieur Maurey n’a pas tort. Les trottinettes électriques sont souvent pointées du doigt. Si les modèles légaux, utilisés en respectant les règles, c’est-à-dire sans être débridés et avec des riders qui ne sont ni ivres, ni drogués n’offrent pas de réel danger dans un environnement urbain, en zone rurale, c’est une autre limonade, souvent au goût d’asphalte.
Mais voici la réponse du gouvernement, que nous reproduisons in extenso:
Le développement des engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) a conduit le Gouvernement à adapter la réglementation afin d'assurer la sécurité de leurs utilisateurs et des autres usagers de la route. En ce sens, le décret n° 2023-848 du 31 août 2023 met en oeuvre deux mesures associées à l'objectif « Protéger, dissuader et éviter les comportements dangereux » du plan national pour mieux réguler les trottinettes électriques. D'une part, l'âge minimum de la conduite des EDPM est relevé de 12 à 14 ans afin d'éviter les accidents qui peuvent intervenir pour les plus jeunes utilisateurs en raison de leur jeune âge et de leur faible expérience. D'autre part, afin de limiter les comportements les plus dangereux, le décret renforce certaines sanctions prévues par le code de la route. Jusque-là classées en deuxième classe (amende forfaitaire de 35 euros), les infractions suivantes relèvent désormais de la quatrième classe (amende forfaitaire de 135 euros) : le transport de passager sur un EDPM ou un cyclomobile léger et la circulation sur une voie interdite (voies express et autoroutes, ainsi que la circulation sur la chaussée alors qu'il existe une piste cyclable). De plus, le décret n° 2024-1074 du 27 novembre 2024 a introduit dans le code de la route plusieurs mesures visant à renforcer la visibilité des cyclistes et des conducteurs d'EDPM en leur offrant la possibilité d'équiper vélos ou trottinettes électriques d'éclairages, de feux et de dispositifs rétro-réfléchissants complémentaires à ceux déjà obligatoires. Les cyclistes et conducteurs d'EDPM peuvent à présent aussi porter ces éclairages facultatifs supplémentaires sur eux.
Le Ministère a donc répondu que la recrudescence des EDPM (solution très RSE friendly et en accord avec la politique européenne) a contraint le gouvernement à adopter des mesures. Il faut donc avoir 14 ans pour conduire une trottinette électrique, estimant que l’expérience à cet âge est plus importante qu’à 12 ans. Et c’est vrai.
Mais le second volet est intéressant, puisque transporter un second passager (chose courante qui peut avoir des conséquences violentes sur ce passager, souvent un enfant) ou rouler sur une chaussée qui est interdite aux EDPM relève désormais d’une amende de catégorie 4 (contre 2 auparavant). Et là encore, quoi de plus logique ? Vous souhaitez évoluer à 2, prenez un vélo pour 2 personnes ou une Citroën Ami.
Mais c’est le troisième point qui interroge : « ainsi que la circulation sur la chaussée alors qu'il existe une piste cyclable ». Or, si la chaussée est autorisée en l’absence de piste cyclable, cela signifie qu’elle peut être empruntée par les EDPM, donc qu’elle est limitée à 80 km/h. Dès lors, pourquoi ne serait-elle pas utilisable par une trottinette électrique ?
Ok, estimons que cela va gêner le trafic automobile. Il faut supposer que les voies cyclables sont entretenues (rare), pas encombrées, et offrent une continuité suffisante. Or, la loi ne prend pas en compte ces (nombreux) cas de figure.
Le vivre-ensemble impossible sur la route
Pourtant, ce raisonnement est le bon. Séparer les EDPM et vélos des autos, motos et autres camions est la seule solution viable en matière de sécurité.
Déjà, parce que le différentiel de vitesse de 65 km/h (80 km/h pour 25 km/h) est trop important. Et ça, c’est en supposant que les usagers de la route respectent la limitation.
Mais l’écart de poids est également un gros problème. Ce sont 100 kg maximum entre la trottinette et le rider dessus, soit autant que pour un cycliste, contre au minimum 1300 kg pour une voiture.
Ainsi, les statistiques ne sont pas joyeuses. Du moins, celles révélées par le Grand Est. Sur 3300 accidents par an, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, les EDPM étaient impliquées dans 100 d’entre eux en moyenne. Mais avec une augmentation qui tend à 200 accidents annuels désormais. Et l’utilisateur de l’EDPM est présumé responsable dans la moitié d’entre eux.

Une certaine hypocrisie gouvernementale
Cela fait 10 ans que l’automobile se fait taper dessus. Sous couvert de discours écologiques et d’idéaux politiques, l’automobile est devenue le bouc émissaire des émissions de CO2. Le jeu du bonus/malus écologique s’est transformé en une taxe indécente pour des véhicules de niche.
Et lorsque le progrès trouve des solutions (EDPM, vélos électriques), rien n’est réellement fait pour harmoniser l’ensemble. Les budgets sont limités, les usagers sont mélangés. Des lois sont votées, avec rarement les moyens permettant de les appliquer et sans comprendre les utilisateurs. À un moment, il faut choisir.
Dans le Grand Est, 31% des utilisateurs d’engin de déplacement personnel motorisé victimes d’accident se déplaçaient pour leurs loisirs, 22% pour un motif professionnel, 5% pour un trajet domicile-établissement scolaire (la trottinette électrique en France n’est autorisée qu’à partir de 14 ans) et enfin 3% pour des raisons autres. Les motifs de trajet sont restés indéterminés pour 39% des victimes. Il n’est pas possible d’exhorter les gens à renoncer à l’automobile, sans assurer leur sécurité derrière.
Concrètement, les règles sont juste du bon sens. Par défaut, la circulation des EDPM est interdite sur les routes hors agglomération (article R412-43-1 du Code de la route). Vous n’allez pas rouler à 25 km/h à côté d’engins roulant à 90 km/h ou plus. Donc il reste les pistes cyclables, les bandes cyclables, les voies vertes. S’il n’y a pas de telles voies, la circulation est interdite.
Évidemment, les EDPM sont limités à 25 km/h. À la différence du vélo à assistance électrique dont seule l’assistance s’arrête à 25 km/h. Si vous débridez votre trottinette, vous roulez sur voie publique sur un engin non homologué et ça, c’est grave. Il est cependant possible d’homologuer une trottinette électrique dépassant les 25 km/h (mais limitée à 45 km/h), mais ça n’a jamais encore été fait, car les frais à engager sont colossaux.
Le port du casque est obligatoire hors agglomération, mais il devrait l’être tout le temps. Vous avez râlé sur le dernier sujet, en disant que c’était à chacun de choisir. Bien non, car c’est à l’État de payer les conséquences de votre trauma crânien.
Vous devez être assuré. Ce n’est pas juste, dans la mesure où ce n’est pas le cas du vélo qui s’en affranchit. Mais c’est comme ça. Vous n’avez pas le droit de monter un top-case pour transporter des choses. Quid du sac suspendu au petit crochet intégré à la potence ? Les avis divergent. Normalement, la loi dit non.
Le transport de passagers est interdit. Dommage pour les parents qui emmènent leurs enfants à l’école. Mais pour avoir vu une enfant avec la joue brûlée par le bitume, à la suite d’une chute à faible allure en passagère, ça se tient. Il n’y a jamais de problème jusqu’au jour où il y en a un. Pour transporter un enfant, il y a le vélo avec le siège enfant. Mais c’est plus cher.
Vous devez être visible. Cela implique des éclairages avant et arrière. Notez qu’il n’est pas mentionné « phare ». L’idée étant d’être visible et non de voir (mais toutes les trottinettes embarquent un phare). Des réflecteurs, un avertisseur sonore et un vêtement réfléchissant lorsqu’il fait nuit.
Ces règles ne sont pas parfaites, mais limitent les accidents.
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