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La beauté des laides - Renault Scénic RX4 : un physique difficile pour une idée en avance sur son temps

Dans Rétro / Géants de l'industrie

Michel Holtz

En 2001, bien avant la mode des SUV, Renault pressent que l'avenir de l'automobile est en mode baroudeur. Pour précéder une demande qui naîtra quelques années plus tard, le constructeur propose une version des champs de son monospace compact. Mais si le Scénic RX4 a un physique difficile, il témoigne néanmoins d'une belle science de la prévoyance de la part de ses concepteurs et offre beaucoup plus d'espace à bord que nombre de SUV qui lui ont succédé, avec plus de réussite commerciale.

La beauté des laides - Renault Scénic RX4 : un physique difficile pour une idée en avance sur son temps

Chez Renault, l'innovation est une spécialité maison. Elle semble même inscrite en filigrane dans le logo depuis les années soixante. Même si depuis une petite décennie, ce fameux sens de l'innovation est resté quelque peu en réserve. À la fin des années 90, après 30 ans d'inventions, du hayon de la R16 à l'Espace, en passant par le Scénic, à Billlancourt, il fallait encore et toujours se renouveler. Le Scénic, justement, voilà un carton dont rêvent tous les constructeurs. Son design ? S'il n'est pas franchement révolutionnaire, son concept, en revanche, l'est réellement. C'est simple : il est seul au monde dans son segment des monospaces compacts. En 1999, il vient d'être restylé et s'est déjà écoulé à près de 2 millions d'exemplaires. Mais au sein du constructeur, on cherche encore et on flaire un autre engouement. L'ex-Régie a toujours su détecter les tendances sociétales et ses succès l'ont prouvé. En cette fin de vingtième siècle, la direction des projets de la maison, qui regroupe ingénieurs, designers et responsables du marketing, sent que la mode du monospace risque de passer. Les prochaines autos en vogue mélangeront les genres, dans ce qu'en anglais on appelle le crossover.

"Je vais plutôt continuer à vélo qu'en RX4".
"Je vais plutôt continuer à vélo qu'en RX4".

Malgré cette intuition, qui va s'avérer juste quelques années plus tard, la direction reste prudente. D'autant qu'à l'aube de ce nouveau siècle, les cartons regorgent de projets innovants qu'il faut lancer. Pas question de placer tous ses œufs dans le même panier, mais pas question non plus de trop se disperser. D'autant que le calendrier des lancements est plutôt embouteillé. Le Losange s'apprête à commercialiser une auto géniale qui doit tout casser : un monospace coupé très design qui s'appelle Avantime. Une autre auto révolutionnaire doit venir chambouler un autre marché, celui des grandes berlines, c'est la Vel Satis.

Alors, cette idée de crossover, on va la tester en douceur, et elle doit coûter le moins cher possible. Eureka, à la direction des projets, l'idée surgit : il suffit de transformer le best-seller Scénic, de lui donner un look plus baroudeur, de le rehausser et de lui adjoindre un système à quatre roues motrices signé de l'Autrichien Steyr Puch.

Comment transformer un Scénic au physique banal ?
Comment transformer un Scénic au physique banal ?
Un coup de baguette magique et il devient Scénic RX4. Mais les épais plastiques qui l'entourent ne font rien pour l'améliorer.
Un coup de baguette magique et il devient Scénic RX4. Mais les épais plastiques qui l'entourent ne font rien pour l'améliorer.

Le bureau de style maison, dirigé par Patrick Le Quément, se met au boulot. La caisse d'origine du Scénic n'est pas modifiée, elle n'aura droit, ou presque, qu'à des éléments ajoutés : un nouveau bouclier, des passages de roues noirs et gigantesques et des protections de portières qui ne le sont pas moins. Seul le coffre arrière est flambant neuf, histoire de lui greffer une roue de secours, puisque celle-ci ne trouve plus sa place sous la voiture à cause de la nouvelle suspension arrière. Car les principales modifications sont cachées sous la voiture. Le système autrichien à viscocoupleur transforme automatiquement l'engin en 4x4 en cas de perte d'adhérence. Le reste du temps, c'est une banale traction comme tous les autres Scénic. Bien sûr, pour utiliser cette transmission il faut en passer par une nouvelle boîte de vitesses, elle aussi fournie par Steyr Puch.

L'opération n'est pas un désastre commercial

Reste que, malgré ces efforts, il est difficile de transformer une citrouille en carrosse. Le monospace qui servit de base n'étant pas un modèle de grâce et de fluidité, le fait de le rehausser n'a aucune chance de l'améliorer. Au contraire : la tentative de maquillage en monospace des champs ne fait que mettre en avant ses défauts stylistiques.

Qu’à cela ne tienne, l'auto est prête : les budgets prévus pour sa transformation ont été respectés et tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes automobiles. A Douai ou sont assemblés les Scénic et ce RX4 (contraction de Renault 4x4), on attend les commandes dès le lancement en 2001. Et elles sont plutôt à la hauteur des ambitions de l'ex-Régie qui a pourtant commercialisé son engin discrètement. Jusqu'en 2003, 40 000 RX4 sortent des chaînes, ce qui, compte tenu de l'incongruité de l'auto, constitue un joli score.

Une roue de secours collée sur le coffre, faute de trouver de la place sous la voiture.
Une roue de secours collée sur le coffre, faute de trouver de la place sous la voiture.

Mais le Scénic deuxième du nom ne va pas tarder à pointer sa frimousse puisqu'il est lancé en 2003. Et malgré le relatif succès du RX4, ce dernier n'est pas reconduit : le Scénic 2 n'aura pas droit à sa version baroudeuse. Cet abandon pourrait bien être lié au fournisseur autrichien. Son système de passage en mode 4x4 est du genre fragile, comme sa boîte de vitesses spécifique. Nombre de propriétaires se sont plaints de leur transmission manuelle à 5 rapports, dont la cinquième vitesse n'est plus enclenchable. Alors Renault arrête les frais, d'autant que son réseau traîne la jambe pour vendre le modèle, effrayé par d'éventuelles réparations complexes.

Seat succombe au même syndrome

L'expérience RX4 n'est pas pour autant tombée dans l'oreille d'un constructeur sourd. En 2004, de l'autre côté des Pyrénées, Seat présente une version 4x4 de son monospace Altea, le Freetrack. La recette et les ingrédients sont les mêmes que chez Renault, avec un système à quatre roues motrices qui s'enclenche automatiquement. L'affaire sera d'autant peu rentable que le monospace d'origine ne connaît pas un succès foudroyant. Ce curieux segment s'arrêtera donc là. Moins de trois ans plus tard, le Nissan Qashqai mettra tout le monde d'accord et les familles qui rêvent de sortir des sentiers battus, même s'ils n’y mettent jamais les roues, n'auront plus d'yeux que pour les SUV. Pour autant, l'aventure du RX4 connaîtra une suite, une décennie plus tard.

L'Espace 5 : digne rejeton du RX4.
L'Espace 5 : digne rejeton du RX4.
Le Scénic 4 : autre héritier du monospace baroudeur des origines.
Le Scénic 4 : autre héritier du monospace baroudeur des origines.

Lorsque l'Espace en 2015 et le Scénic en 2016 sont renouvelés, ils se retrouvent affublés de grosses roues et oscillent entre le monospace et le SUV. Cette fois-ci, plus question d'une série dérivée, c'est l'ensemble de la gamme qui succombe au syndrome RX4, sans pour autant proposer 4 roues motrices. Mais comme leur ancêtre commun, ils ne connaîtront pas de descendant, et vont passer à la trappe du futur programme "Renaulution". Les tentatives de faire survivre les monocorps, inventés par Renault, auront donc été vaines, malgré les efforts du Losange.

Pourtant, la première tentative de 2001 témoigne de l'étonnante jugeote des dirigeants de Renault et de leur prescience en matière de futur automobile. Et puis, si aujourd'hui encore, certains RX4 roulent toujours, avec un système de transmission dûment réparé, c'est parce qu'aucune auto actuelle n'offre à la fois la polyvalence d'un Scénic, avec son habitabilité et sa modularité, et des capacités pour courir les chemins boueux. Car si les sentiers sont accessibles aux SUV, ces derniers n'offriront jamais l'espace d'un bon vieux monospace.

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Par Djerome le 08/10/2024

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