2. KTM SuperDuke 1290 R : un diable docile
Et dire qu'à l'époque des premières générations, les Super Duke 990 n' étaient déjà pas lookées comme des enfants de chœur, mais là il faut reconnaître qu'elles font petites filles sages en jupes plissées et socquettes blanches par rapport à la dernière née. Dès les premiers trailers et la présentation du prototype en 2012, les « Ooooh » et « Aaahh » ont retenti de toute part et y compris sur Caradisiac Moto.
Et bien en vrai, je reconnais que le sourire vient se scotcher facilement sur le visage. Certes, tous les goûts sont dans la nature, mais la Super Duke n'a pas la vocation de laisser indifférent. Les lignes sont poussées à l'extrême, le nez est plongé encore plus vers le bas, le réservoir est en pointe, la boucle arrière suspendue et raccourcie. Pour la version noire de notre essai, le cadre tubulaire orange enrobe sublimement le moteur et prononce encore plus le côté agressif de la machine.
Dans tous les cas n'essayez pas de trouver une quelconque ressemblance avec la 990 car il n'y en à aucune. C'est une toute nouvelle machine du moulin à la pointe des pneus. L'architecture du moulin vient directement de la RC8R et transformé en 1300 cm3. Il développe la bagatelle de 180 chevaux (enfin pas en France) pour 189 kilos à sec. On se rapproche très sensiblement des hypersport du marché actuellement. D'ailleurs les premiers essais sur piste n'ont fait que conforter que cette moto avait le diable au corps. Mais qu'on se le dise ? À quelques exceptions, c'est une machine que beaucoup utiliseront dans la vie de tous les jours et pour les balades. Donc un foudre de guerre c'est bien, mais exploitable au quotidien c'est mieux. C'est donc le défi que j'ai lancé à cette Duke.
C'est donc chargée comme une mule que je suis arrivée chez KTM pour un petit voyage de 1500 km dans le sud-est de la France. C'est sous le regard dubitatif des techniciens Katoch' que je tente d'harnacher la 1290. Au départ, il était prévu de partir avec la bagagerie dédiée à la moto, hélas les délais de livraisons et les ponts ne font jamais bon ménage. Tant pis, je décide de partir avec une sacoche de réservoir adaptable et le bon vieux mélange sac à dos/araignée. Pour ce qui est de la pose de la sacoche de réservoir, j'ai dû me rendre à l'évidence et abonner l'idée. La proéminence excessive du réservoir rend impossible tout ajout de bagagerie sous peine de ne plus voir les compteurs, d'avoir un accès plus que restreint au réservoir et d'avoir la sacoche dans le casque. Il va falloir que j'élimine des affaires et cherche des recoins pour ranger les affaires de pluie. Un œil rapide sous la selle passager et une sacro-sainte place se montre, on y met largement un bloc disque, un pantalon de pluie en plus de la trousse à outils très fournie de la marque. Pour ce qui est des points d'ancrage à l'arrière, pas de soucis non plus. KTM a placé des petites lanières sous la selle passager qui se déplient et servent d'accroche pour de la bagagerie de selle. Au top ! En revanche, le scotch de carrosserie sera le bienvenu sur les parties en plastique car, il s'avère que le mat est assez fragile et qu'il marque vite.
La KTM cache bien son jeu
Une fois que toute la cavalerie est prête on grimpe sur la bête et déjà les premières observations. Le panneau de commande est identique à l'Adventure. Avec à droite le compteur et compte-tours, une jauge d'essence et les informations d'usage. À gauche, l'ordinateur de bord identique à son grand frère Trail. Avec les informations générales (trip total, température, temps de voyage, réglage de la cartographie), les voyages 1 et 2 (trip, vitesse moyenne, consommation moyenne, temps de voyage et autonomie), le poste de réglage des cartographies (rain, road et sport) et le panneau de paramétrage personnalisable (ABC, antidribble). D'ailleurs ces derniers se remettront automatiquement à 0 une fois la moto coupée.
Pour la position, elle est naturelle, le guidon pas très large et moins sur l'avant que l'ancienne version. Les moins d'un mètre soixante-dix devront trouver leur bonheur car l'étroitesse de la selle permet d'avoir les pieds bien à plat.
La sonorité qui s'échappe du pot d'échappement (qui au passage est un peu trop gros et casse la ligne générale de la moto) est agréable. On reconnaît bien le Twin KTM. Et dès les premiers tours de roues, une masse d'informations me parvient. En premier, la légèreté de la moto. Déjà à l'arrêt, l'excellente répartition des masses ne fait des manœuvres qu'une formalité. En roulant, et ce même à basse vitesse, on a l'impression d'avoir un vélo entre les jambes. Et ce n'est pas ce qui m'a intriguée le plus. C'estt le passage des premiers rapports. Contrairement à ses petites sœurs (et en particulier les types R), l'embrayage est ultra-doux et la remise des gaz se fait tout en douceur. Là où beaucoup de motards se sont laissés surprendre à l'époque, la 1290 offre plus de souplesse que l'on pouvait le penser au départ.
Je décide de me débarrasser du plus désagréable pour le motard de suite, je fais les premiers kilomètres sur l'autoroute. Pas de surprise, le manque de protection commence à se faire sentir dès 130 km/h et les kilomètres passant, cela ne fait qu'accentuer cette sensation de tiraillement dans les bras et du vent qui vous tracte en arrière. Le mieux est de la jouer à l'ancienne et de se coller sur le réservoir pour se soulager. En revanche, on se rend vitre compte que le moulin est bien rempli et que les dépassements ne sont qu'une formalité. Idem pour la visibilité des rétroviseurs. Pas de vibrations parasites, pas de coudes qui obstruent la vue. Et pour parfaire cette prise en main, j'ai eu le droit à de bonnes grosses rafales de vent. On serre les jambes contre le réservoir et la bonne tenue de route fait le reste. Mais bon, point trop n'en faut, le plus intéressant arrive dès la sortie du péage.
Pour éviter de me laisser piéger, je décide d'enrouler tranquille en mode « Street » dans les premières routes du Vercors. Et bien aussi surprenant que cela puisse paraître, l'assistance électronique lisse le caractère du moulin et profile sous la poignée un caractère plutôt docile. La gestion des gaz se fait de manière très instinctive et l'on se surprend à ne pas trop réfléchir à l'ouverture des gaz. Enfin ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Car si vous décidez de taper dedans direct, vous risquez fort de vous faire surprendre sur les premiers rapports. C'est d'ailleurs vite un plaisir d'alterner entre enrouler tranquille et de gazer comme un bourrin. Au final, le moulin nous montre vite deux facettes et on aime, c'est certain.
Plus les kilomètres passent, plus le rythme augmente (tout comme le sourire sous le casque). Le moteur s'exploite à tous les régimes avec une plage de confort vers les 5/6000 tr/m. Les premiers 230 km ne sont qu'une formalité et je m'arrête faire le plein avant la zone désertique de pompe du Vercors (ou plutôt pas l'envie de m'arrêter dans cette forêt de kilomètres de virage). Pas mal aux fesses, pas les épaules qui tirent, ni aucun engourdissement dans le corps. Je ne saute pas de joie mais j'attends de voir si les 400 kilomètres de route de montagne qui m'attendent confirment le verdict.
Déjà que cette Super Duke ne passe pas inaperçue niveau look, mais hors saison, le verdict se confirme encore plus. Vous avez plus de chance de croiser des GS et des grosses routières que des roadsters. D'ailleurs les baroudeurs croisés en chemin étaient piqués de curiosité de voir une machine plutôt reléguée aux terrasses de café et aux balades du dimanche qu'à un véritable voyage là où les gros Trails sont roi. « Et c'est confortable ? », « c'est agréable à rouler ? », « vous ne vous fatiguez pas trop ? » et des «on n'en voit pas beaucoup de ce type-là à cette période de l'année » confirment les a priori sur ce type de moto. Mais là où les avis ont été unanime était sur le style hors du commun de la moto.
Et ce ne sont effectivement que des a priori car tout le long de mon voyage que j'ai pu faire sur des portions plus où moins violeuse, on peut vite se rendre compte que la Super Duke n'est en aucun cas fatigante. Pas besoin de réfléchir au rapport, à la remise des gaz ou au placement de la moto. On pose, elle se place et n'importe quel virage est une formalité. Le système de suspensions ne fait que confirmer ce fait. Les grands débattements permettent d'aborder les routes dégradées avec sérénité. Contrairement à l'Adventure qui permet d'effectuer des modifications facilement, la Duke se réglera à l'ancienne, mais personnellement les réglages d'origine offrent un bon compromis. Des routes en travaux ? Aucun problème, ça passe crème. Idem pour le système de freinage, il offre un parfait feeling sous la poignée, il reste progressif avec un excellent mordant s'il le faut.
Après 600 km de petites routes, on peut déjà faire un premier bilan de la moto. Déjà par l'état générale ans lequel on se retrouve après. Et bien je dois dire que j'étais fraîche comme un gardon et que j'aurai pu faire 300 km de plus sans aucuns souci ! C'est assez rare sur cette catégorie de trouver un tel confort. Les suspensions y sont d'ailleurs pour beaucoup.
Le test de la ville ne sera lui aussi qu'une formalité. Elle est à l'aise partout, le rayon de braquage raisonnable ne mettra pas à mal les manœuvres à basse vitesse. Le seul moment de souffrance sera quand les ventilateurs se mettront en marche pour compenser la chauffe moteur qui vous remontera jusqu'au sommet du casque. Une chose est sûre, c'est efficace ! Pour le duo, pas de miracle, supportable pour de l'occasionnel, mais le passager pourra souffrir de la position sur les longues distances surtout qu'il n'y a aucune poignée de maintiens hors la lanière sur la selle.
Et comme un essai ne serait pas complet sans la pluie, il fallait bien que j'y passe (ahhhh les magnifiques orages du Var et des Hautes-Alpes). C'est là que l'on est plutôt content de posséder le mode Rain qui calmera automatique vos ardeurs ou une accélération malheureuse. En revanche, sur les routes sèches, on est vite tenté d'enclencher le mode Sport (les changements de carto' peuvent se faire en roulant, il suffit de couper les gaz 3 sec après sélection).
Le diable au corps
D'autant plus quand on arrive sur les splendides Gorge du Verdon. A ce moment-là le Super Duke a la capacité de tout vous faire oublier. On ouvre la poignée des gaz et un son rageur s'échappe de la moto en même temps qu'on se fait propulser. La mise sur l'angle se fait facilement, pas de mouvement parasite, on sent parfaitement le train avant ce qui lui confère une précision redoutable. Pareil pour les changements rapides, un petit coup de guidon et la Super Duke virevolte sans difficulté d'un virage à un autre. Il faudra juste anticiper sur les épingles la mise en 1ère ou en 2 pour éviter de trop brouter. C'est d'ailleurs à ce moment-là que l'on ressent bien que c'est un gros Twin. On ressent que sa conception est moins exclusive que les générations précédentes et ce qui contribue à ce comportement sain et sécurisant (vive l'ABS et surtout l'anti-patinage). Et même en version bridée, il sera difficile même pour les motards expérimentés, d'ouvrir en grand tellement le moteur est plein partout. D'ailleurs on n'en ressentira pas tellement le besoin car faire mumuse entre 5000 et 9000 tr/min est déjà jouissif. En plus l'association des suspensions WP et des freins Brembo confèrent la cerise sur le gâteau à la machine. Seule ombre au tableau, la boite de vitesse qui manque de précision. Durant tout le voyage, il n'a pas été rare de souffrir des ratés dans la boîte, surtout dans la montée. Le plus pénalisant est la recherche du neutre qui est imprécis au possible.
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