Interview d'Hubert Auriol: retour sur ses débuts en rallye raid.
A l'occasion du salon de la moto de Limoges, Hubert Auriol est arrivé dès le samedi matin pour installer sa BM sur le stand prévu pour les séances photos et dédicaces. C'est en toute simplicité que nous avons évoqué les premiers Dakar et survolé sa carrière en rallye raid.
Bonjour Hubert. Tu as gagné ton premier Dakar en 1981 après avoir disputé les deux premières éditions, qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans l'aventure du rallye raid ?
En fait, si tu veux, j'avais fini mes études, j'avais travaillé un peu et j'avais envi de partir en voyage. J'avais vu le rallye « cote-cote » dans les journaux et j'avais trouvé ça génial. Je me suis dit : « la prochaine fois qu'il y aura un truc comme ça, j'en serai ». Et le prochain truc, ça a été le Dakar. A l'époque j'avais acheté une moto chez un copain qui connaissait Thierry (Sabine NDR). Je suis allé voir Thierry dans ses bureaux à Paris et je suis ressorti avec un dossier sous le bras. Il y avait ce coté accessible et l'Afrique, c'est ce que je voulais faire. En plus, à l'époque, il y avait la 500 XT qui était la moto du moment. J'ai réussi à en acheter une car à l'époque, elles étaient à peine arrivées en concession qu'elles étaient vendues. Dès que j'ai eu la mienne, je me suis engagé aussi sec.
Quels souvenirs tu gardes de cette époque des rallyes raids ?
C'était fabuleux car avec Cyril, on a eu cette chance extraordinaire d'être là dès le début donc on a un peu contribué à créer cette aventure, si tu veux. La discipline n'existait pas et ça s'est installé en même temps que nous. Nous sommes devenus les « vedettes » de la discipline alors que nous n'en étions pas. En fait nous étions les acteurs de cette aventure et vedettes entre guillemets par accident. A l'époque, on partait de Paris par la route pour 1000 kilomètres de bitume dans le froid et puis voilà. Tu traversais les villes, les gens te laissaient passer, tu grillais les feux rouges et les flics te faisaient la circulation. C'était un truc de dingues, complètement impensable aujourd'hui. Dès que tu t'arrêtais quelque part, les gars voulaient que tu restes un peu pour discuter, boire un coup et signer des autographes, sauf que nous, on avait encore pas mal de bornes à faire, alors tu te faisais engueuler. C'était un truc de fou, le tour de France avant l'heure, mais c'était génial.
Toi et Cyril, vous avez dominé les premiers Dakar, laissant quelques miettes aux autres concurrents, puis il y a eu 1987…
Ha oui. C'est vrai qu'avec Cyril, sur les Dakar, c'était mon principal adversaire. C'était lui ou moi. Et en 87, j'avais quitté BM pour monter une équipe avec Cagiva, et l'objectif, c'était de gagner. Il y a eu cette dramatique dans la course avec le petit poucet Cagiva, petite écurie qui montait, même si le moteur était un Ducati, face au géant Honda. On était sur le point de vaincre et puis voilà. Sur le coup, je ne me suis pas rendu compte. J'ai dit j'arrête comme ça. Et puis après, avec le recul, tu as une petite lumière qui te dit qu'il est vraiment temps d'arrêter.
Ensuite, tu es passé à l'automobile, est-ce qu'une victoire sur quatre roues est différente ?
Non, une victoire, ça reste une victoire. C'est sûr qu'à partir du moment où j'ai décidé d'arrêter la moto, il fallait que je fasse quelque chose. Je voulais continuer à courir, donc je me suis mis le challenge de gagner en voiture. Après, j'avais quelques années de course, donc j'avais un peu plus de plomb dans la tête. J'ai réussi avec une Mitsubishi et puis je suis passé chez Citroën et là, j'ai fait troisième, deuxième et puis voilà.
Ensuite, tu es passé du coté organisateur, quelle expérience en retires-tu ?
C'est une autre expérience. Tu t'aperçois que la motivation est différente parce que quand tu cours, tu cours pour toi. C'est une satisfaction personnelle. Et schématiquement, tu t'aperçois que tu gagnes parce que tu as une équipe derrière toi et quand tu organises, tu te rends compte que ça ne peut pas marcher si tu n'as pas une équipe derrière toi. Il ne faut pas croire, l'organisateur, ce n'est pas « Dieu le père ». Tu es là pour manager une organisation et vu la taille de l'évènement, il faut que tu délègues. Mais c'est comme dans une écurie. Chacun a sa place et c'est comme ça que ça marche. J'ai commencé par la compétition et j'ai appris comme ça, ben là, c'est un peu pareil.
En fait, tu es un autodidacte ?
Oui, on peut dire ça comme ça.
Quel regard tu as sur l'évolution des rallyes raids ?
On a eu une chance d'être là dès le début et comme je te le disais tout à l'heure, de grandir avec la discipline. On était dedans, on était impliqué et on a vécu des années de rêves. Et puis de 90 à 2000, on s'est aperçu qu'on était à un virage. Bon, la crise, elle a bon dos, mais c'est un peu comme l'histoire de l'humanité. On se rend compte que les animaux qui n'ont pas su s'adapter, et bien ils ont disparu. Là, c'est pareil ; si tu ne t'adapte pas au milieu dans lequel tu vis, soit tu disparais, soit tu passes à autre chose.
Est-ce que tu penses que les privés ont encore leur place dans les rallyes ?
Oui, oui, ça, ça ne changera pas. De tout temps il y a eu des privés et ça fait parti de la logique de la compétition. C'est comme quand t'es môme. Tu dis à un copain, premier arrivé. C'est le début de la compétition. Tu te bas pour une tartine ou je ne sais pas quoi. Mais ça commence comme ça. T'as envi de « taper » l'autre, c'est dans les gènes de l'homme de vouloir prouver qu'il est le meilleur. Après, ça peut être n'importe quoi, le premier en haut de l'Everest, le premier sans oxygène et ainsi de suite. Chacun se fixe des objectifs et il y a de la place pour tout le monde, amateurs et professionnels. Après, il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas trop d'écart entre les deux. Et c'est la grande force des rallyes raids, c'est de pouvoir concilier les deux, contrairement aux jeux olympiques où si tu ne fais pas les minimas, c'est même pas la peine, sauf si tu es le seul citoyen de ton pays à représenter une discipline et encore… tu risque d'être ridicule donc tu n'iras pas. Tandis qu'en rallye raid, tu gardes une certaine liberté d'entreprendre qui te permets de dire « ça, c'est pour moi ».
Penses-tu que l'écologie risque de porter un tord à ce genre de discipline ?
Non, je ne pense pas. C'est ce que je te disais tout à l'heure, il faut savoir s'adapter. Ce n'est pas parce qu'on dit écologie qu'on va arrêter de rouler en voiture. Par contre, ne plus avoir de voitures qui consomment 20 l/100, c'est possible. La forme sera différente mais la compétition sera toujours là. Il y aura toujours quelqu'un pour relever le défit. Je ne suis pas inquiet pour ça. C'est une question de motivation et c'est ce qui fait avancer le monde. C'est sûr que si tu te lèves le matin et que tu te dis, j'ai envi de rien foutre, on ne va pas aller bien loin. Si tu prends ça au niveau d'une personne, ce n'est pas grave, mais pris dans un ensemble, c'est autre chose. C'est le moteur de la vie et c'est ce qui fait tourner le monde.
Merci Hubert d'avoir fait un petit voyage dans le temps avec nous et à très bientôt sur caradisiac.
Merci à toi et à bientôt.
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