Hybride rechargeable : la voiture fiscale
Et voici les constructeurs français qui s’y mettent. Peugeot lance ses 508 et 3008 Hybrid et Renault a officialisé son Captur E-Tech Plug In. Des voitures pas économiques, pas écologiques, mais très fiscalistes.
Si l’on excepte le succès du Mitsubishi Outlander, l’hybride rechargeable n’a pas encore percé sur le marché français, ne représentant qu’une petite fraction des 5,7 % de part de marché gagnée par l’hybride. Cela pourrait changer avec les offensives des constructeurs français. Certes aucun bonus pour diminuer le tarif, mais bien mieux : pas de malus. Ce qui, pour des voitures essence de plus de 200 ch vaut largement une prime de 6000 €.
Et surtout, une double motivation pour les vendre. D’abord, celle des constructeurs qui repose sur la diminution de leur moyenne d’émissions pour éviter la grosse amende européenne. Ensuite, celle des clients qui seront essentiellement des entreprises pour les voitures de fonction de leurs cadres : avec leurs émissions de C02 ridicules, ces voitures permettront non seulement d’échapper au nouveau et lourd malus, mais aussi d’abaisser sensiblement le montant de la fameuse TVS de leur parc, la taxe annuelle sur les véhicules de société.
J’écris « ridicule » à dessein. A part quelques fonctionnaires européens, qui veut bien croire qu’un 3008 Hybrid4 ne consommera que 1,6 l/100 et n’émette que 33 g/km ? Et un Renault Captur E-Tech Plug in 1,5 l/100 km et 32 g/km ?
Du rêve à la réalité
D’accord, dans l’absolu, c’est possible. Et c’est même génial : prenons le gus qui habite à 25 km de son travail. Le monsieur a bien pris soin de recharger sa voiture la nuit – d’autant plus facilement qu’avec une batterie de 10 ou 15 kWh, pas besoin d’une Wallbox, la prise du lave-linge suffit. Il fera donc ses aller-retour en mode électrique et ne consommera de l’essence qu’en partant en week-end. Et s’il peut recharger sur le parking de son entreprise, il pourra même parcourir 80 voire 100 km par jour tout en consommant zéro, ou presque, litre au cent. Bref, le rêve…
Le rêve aussi de retrouver un jour, en économie de carburant, le surcout de 15 ou 20 000 euros par rapport à un diesel ou une essence. En roulant beaucoup ? Oui, énormément, mais par tranche de 40 ou 50 km…. Après le scénario idéal, revenons à la réalité qui est celle de voitures qui seront à 80 % vendues à des entreprises ou des loueurs LLD pour finir entre les mains des cadres.
D’abord, une voiture de fonction, ça va presque toujours avec une carte carburant. Ce qui ne motive pas à sortir la prise du coffre et à brancher l’auto sachant qu’elle marche aussi bien batterie à plat. Un branchement qui sera d’autant moins pratiqué que depuis que nos voitures ne rouillent plus et que la plupart des garages de maison individuelle contiennent tout et n’importe quoi sauf des voitures, elles couchent le plus souvent dehors, dans la rue, ce qui ne simplifie pas leur branchement.
Enfin, à ce niveau de tarif – à partir de 45 850 € pour la 508 et 53 800 € pour le 3008 – ces voitures seront plutôt attribuées à des cadres très supérieurs, lesquels vivent plus souvent en immeuble de centre ville qu’en pavillon de banlieue. Elles seront donc garés dans la rue ou en parking de copropriété et donc rarement rechargées.
Un petit SUV de 1 853 kilos…
D’ailleurs, une étude d’un grand loueur britannique sur son parc d’hybrides rechargeables a révélé une consommation moyenne de 7,2 l/100 km. Et nos premiers essais, comme ici celui de la 3008 montrent que, batterie à plat et « sans chercher l’économie » la consommation atteint 6,8 l100. C’est plutôt moins bien qu’un SUV diesel, à peine mieux qu’un SUV essence et un bon litre au dessus d’un SUV hybride « conventionnel ». Certes tous bien moins puissants mais le propos est il la performance ou l’écologie ?
D’ailleurs quelle performance ou sportivité évoquer pour une auto alourdie de 340 kg par deux moteurs électriques et une batterie pour culminer à 1853 kg ? Et quelle sobriété énergétique ? Une hybride rechargeable consomme plus et va moins loin qu’une électrique en mode électrique et consomme plus qu’une hybride en mode thermique. Même punition pour la plus modeste 508 Hybrid - 225 chevaux et 1 745 kg tout de même - que mes collègues ont fait, batteries vides, pointer à 6,3 l/100.
Une monstruosité écologique rhabillée de vertus fiscales.
Quel marché vise finalement l’hybride rechargeable ? Celui des entreprises qui veulent offrir des voitures puissantes et valorisantes à leurs cadres sans payer ni malus ni TVS ? Dans ce cas, l’hybride rechargeable n’est qu’une monstruosité écologique rhabillée de vertus fiscales comme jadis le diesel.
Celui des habitants aisés des centres ville qui ne peuvent, faute de stationnement, avoir deux voitures ? Seront-ils prêts à payer le prix d’une électrique PLUS celui d’une thermique pour ce médiocre « deux en un » ? Comment le rechargeront-ils ? Rouleront-ils assez quotidiennement pour amortir son énorme surcout ? J’en doute.
Reste à attendre 2030 quand, à Paris, et sans doute dans d’autres grandes villes qui interdiront à leur tour les véhicules thermiques, ils n’auront guère le choix…
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