Hausse des prix du carburant - 17 novembre : gilets jaunes pour colère noire
En tant que "gars qui fume des clopes et qui roule au diesel", selon la délicate expression du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux [citée par le Journal du Dimanche mais démentie depuis. NDLR], je me demande si le 17 novembre, je ne vais pas moi aussi bloquer les routes, boycotter les commerces, envoyer mes notes de carburant à l'Elysée et mettre un gilet jaune sur ma planche de bord.
Et encore, j'ai fait bien pire dans ma jeunesse : rouler des clopes et fumer au diesel : le roulage des cigarettes en conduisant, et le diesel sans filtre.
Si le porte-parole du gouvernement avait voulu jeter de l'huile - et même du gazole - sur le feu, il ne s'y serait pas pris autrement.
Personnellement, ce n'est pas la hausse du prix des carburants qui m'indigne. Elle doit bien plus à la remontée des cours du pétrole qu'à l'alourdissement des taxes : sur les 35 centimes de hausse du gazole, 12 viennent de l'alourdissement des taxes et 23 de la flambée du baril aggravée par l'enchérissement du dollar. D'ailleurs, les tarifs à la pompe diminuent un peu avec la baisse des cours du brut.
Quant au pouvoir d'achat, il est un peu tôt pour en juger avec les cotisations taxes et impôts qui jouent aux vases communicants.
Non, ce qui m'indigne, c'est l'imbécillité du discours et des mesures concernant la pollution automobile et leurs lourdes conséquences sur nos choix de voiture et partant, sur les budgets de nos familles.
Nous avons été proprement enfumés, au propre comme au figuré.
De la subvention du diesel...
Durant des années, on a poussé les Français vers le diesel par une taxation absurde des carburants. Sans remonter à Charles De Gaulle et à la détaxation du gazole voulue pour écouler-le-fioul-que-ne-brûlaient-plus-les-centrales-électriques-converties-au-nucléaire, il y a eu, voici exactement dix ans, le bonus-malus : la subvention du diesel pour parler clair.
Un dispositif qui en a fait acheter à ceux qui n'en avaient pas l'usage : citadins et/ou petits rouleurs. Apogée au début des années 2010 avec les trois quarts du marché converti au "D".
A l'époque, les voix n'ont pas manqué pour alerter sur la question de la pollution aux NOx et aux particules. Car le Fap (filtre à particules) et le catalyseur Denox n'équipaient alors que très peu de modèles.
Résultat, deux fois plus de diesels dans les grandes villes, la pollution que l'on connaît et incidemment, des pannes à répétition : aucun diesel moderne ne supporte longtemps embouteillages et petits trajets à répétition. D'autant qu'à la même époque et aujourd'hui encore a été promue jusque dans les auto-écoles l'éco-conduite : l'art d'encrasser un moteur en ne dépassant pas 1 800 tr/mn. Ou comment gripper une vanne EGR à 300 euros et colmater un filtre à particules à 1 000 euros en économisant 0,2 l/100 km.
Le nouveau test d'opacité qui entrera en vigueur dans les centres de contrôle technique en janvier prochain va recaler deux millions de ces diesels fourgués à coups de bonus et utilisés à contre-emploi. Au prix de la vanne EGR, du Fap et du turbo, ça va pleurer dans bien des chaumières.
... à la pénalisation du gazole
Changement d'urgence après le scandale Volkswagen à l'automne 2015 : il ne s'agit plus de sauver la planète mais nos poumons. Au feu le diesel et vive l'électrique. En fait, c'est surtout l'essence qui aura été à la fête : quasiment 60 % des ventes neuves le mois dernier. Et jusqu'à cet automne, des millions de ces petits moteurs turbo à injection directe ont été livrés avec la permission - la dérogation pour être précis - de cracher jusqu'à dix fois plus de particules qu'un diesel équivalent... Et cela au moment même où le diesel adoptait en masse catalyseur Dénox et filtre à particules.
Qualifier cette politique de contre-productive est un euphémisme, on peut parler de scandale sanitaire. Et on en reparlera le jour où un journaliste du Parisien ou de Médiapart, dûment informé par Airparif ou l'Ademe, s'étonnera que malgré la diminution du nombre de diesels, la concentration en particules dans l'air des grandes villes ne chute pas ou même augmente...
Si la conversion à l'essence est une absurdité environnementale de haut niveau, elle a aussi été une très mauvaise affaire pour les conducteurs.
On nous a vendu un moteur ne consommant qu'un litre au cent de plus que nos anciens dCi, TDI ou HDI. Dans la réalité, c'est plutôt deux. Et si l'on cumule avec la conversion au SUV, c'est au moins trois : ce qui sépare très précisément et selon les mesures sur circuit - à la norme ISO 9001 d'un mensuel automobile - la consommation d'une Clio diesel et d'un Captur essence. Trois litres de plus tous les 100 km, c'est un peu plus sérieux que 12 centimes de taxes supplémentaires au litre... Trois litres de plus, c'est aussi une très mauvaise affaire pour le climat.
Un Premier ministre qui confond tout
Cette incompétence crasse du personnel politique concernant l'automobile et la pollution, le Premier ministre l'a parfaitement illustrée la semaine dernière en défendant la hausse des carburants. "J'entends parfaitement la grogne, le mécontentement parfois, la colère aussi qui peut s'exprimer, mais je dis aujourd'hui comme je l'ai toujours dit qu'il n'y a pas de solution magique au problème du dérèglement climatique."
Cette phrase est proprement insensée puisque l'augmentation du gazole et son alignement programmé sur le prix du super ont pour principal effet d'augmenter les émissions de C02 en diminuant la part de marché du diesel, motorisation qui en émet 20 à 25 % de moins.
Un effet déjà statistiquement mesuré avec, l'an passé, une augmentation - la première depuis douze ans - de l'émission de C02 de la voiture française moyenne.
Si Edouard Philippe maîtrisait son dossier, il aurait évoqué la pollution des villes, seule motivation valable pour surtaxer le gazole. Mais quel homme ou femme politique distingue pollution planétaire et pollution locale ? Il y avait Nicolas Hulot...
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