Forum économique de Davos : jets privés à gogo, et voiture électrique pour la bonne conscience
Le forum économique mondial a ouvert ses portes (du 22 au 25 janvier) du côté de la petite cité suisse de Davos, habituellement paisible, mais cette semaine perturbée par d'innombrables vols de jets privés, toujours plus gros. Tout ceci dans le cadre du forum économique qui a cette année pour thème... l'écologie. Mais histoire de se donner bonne conscience, la voiture officielle est une électrique. Ouf, on est sauvés!
Le canton des Grisons sonne cette semaine non pas au rythme des clochers, mais à celui des turbines de jets. Le forum économique de Davos ouvre en effet ses portes, et devinez quoi : le thème principal de ce grand rassemblement mondial du gratin politique et économique est... l'écologie et l'environnement.
Les quelque 11 000 habitants du joli village suisse, niché à 1500 mètres d'altitude dans les Alpes helvètes, vont certainement apprécier ce ballet incessant aérien au-dessus de leur tête. "Ils ont l'habitude", diront certains, et ils n'ont pas tort : le forum économique se tient à Davos depuis 1971 et réunit à chaque fois le gratin mondial du pouvoir politique et entrepreneurial.
Mais alors, pourquoi cette édition 2019 est-elle si "spéciale" ? Surtout pour une donnée, en particulier : 1500 vols en jets privés sont prévus sur trois jours dans cette ville qui est enclavée dans une vallée. Comprenez par là que les rejets polluants vont s'agglutiner sur les toits des habitants et dans les voies respiratoires (les habitants de la vallée d'Arve, une des régions les plus polluées de France, savent de quoi nous parlons ici).
Selon la société d'affrètement Air Charter Service (ACS), qui s'occupe de la gestion des vols, 1500 trajets aériens en 3 jours, c'est 200 de plus que l'année dernière (le site Privatefly annonce même jusqu'à 2000 réservations de vols privés !). Rien que ça. Et il y a mieux encore : certaines personnalités n'atterrissent qu'à Zurich, et doivent ensuite rallier Davos. Comment ? En hélicoptère, souvent, en train, rarement...
Et ceci, toujours, dans une édition 2019 placée sous le signe de l'écologie et de l'environnement par des entreprises multinationales et des dirigeants politiques dont la principale préoccupation reste, évidemment, la sécurité. C'est l'argument mis en avant par les organisateurs, et nous ne pouvons pas vraiment les contredire : bon nombre de participants viennent de loin, et n'ont pas trop le choix. "Nous avons même reçu des réservations en provenance de Hongkong, d’Inde ou des Etats-Unis. Aucun autre événement n’a une telle portée internationale", affirme l'organisation. Et quand il s'agit de sécurité, on ne compte pas les kilogrammes d'oxydes d'azote relâchés.
Une voiture électrique et des directives
Comment se donner bonne conscience au sein du "WEF" (world economic forum) ? La parade est toute trouvée : la voiture électrique. Nous n'allons pas revenir ici sur ses bénéfices supposés sur la réduction de la pollution du puis à la roue (sujet finalement bien trop complexe, puisqu'il y a trop de paramètres à prendre en compte), mais tout n'est au final qu'une question d'image. L'Audi e-tron est ainsi la voiture officielle du Forum pour transporter les personnalités sur les liaisons entre l'hôtel, le forum, et les rendez-vous d'affaires.
"La plupart des avions privés sont en fait affrétés par des dirigeants politiques, parce que c'est plus efficace et plus sûr. Donc c'est davantage une mesure de sécurité, mais nous les compensons quand même. Nous encourageons les participants à prendre aussi des mesures de compensation", peut-on lire dans le communiqué. Les compensations comprennent notamment l'usage du train, avec seulement deux heures entre Zurich et Davos. Mais bien peu d'hommes et femmes d'affaires importants opteront pour ce moyen, préférant la rapidité de l'hélicoptère. L'Audi e-tron suffit-elle pour compenser tous ces rejets ?
Pour le savoir, nous avons fait un calcul simple, avec, pour base d'exemple, un jet pouvant embarquer 9 personnes sur un vol Nice/Genève. Autant dire qu'il s'agit d'un vol très court, probablement très éloigné de la moyenne des vols pour le forum économique.
Sur un tel trajet, 3,8 tonnes de CO2 sont rejetées selon Pro Sky. Si l'on multiplie ce chiffre par 1500 (soit le nombre de trajets aériens de ce forum 2019), cela donne 5700 tonnes de CO2 sur la durée du forum économique. Et c'est une valeur certainement TRES éloignée de la réalité, puisque nous sommes partis sur des paramètres de base particulièrement optimistes. Les jets étant en effet plus gros à Davos, et couvrant des distances largement supérieures. Certes, tout ce CO2 et surtout les rejets polluants (oxydes d'azote, souffre, monoxyde de carbone) n'iront pas au-dessus de la tête des habitants de la région de Davos. Mais c'est la planète qui, au final, paye l'addition.
Alors, combien de kilomètres en Audi e-tron faudrait-il pour que le bénéfice de la voiture électrique sur une thermique lors de l'évènement soit réel, et compense les rejets des jets ? Considérons qu'une voiture moyenne d'affaires fait du 8 l/100 km (ce qui est encore une fois très optimiste, surtout par temps froid, sur des trajets courts en ville) : cela donne 192 g/km. Pour arriver à compenser les rejets des jets, il faudrait donc que la flotte d'électriques effectue près de 30 millions de kilomètres (avec 50 exemplaires présents sur place, soit 600 000 km par voiture). Bon courage aux chauffeurs à Davos, il leur faudra de sacrées doses de cafeine.
Cela nous amène à une question qui nous concerne, à Caradisiac : en matière de transport, l'automobile doit-elle (et surtout peut-elle) porter sur ses épaules la responsabilité de la réduction des émissions de CO2 toute seule face à l'aviation et au transport maritime, aux normes toujours aussi légères ? Même si cela n'exclut pas l'automobile de faire des efforts, je pense que nous avons un début de réponse du côté de Davos.
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