2. Essai - Yamaha MT-10 mod. 2022 : sacrée MoTo !
La première MT10 était véritablement une moto impressionnante. Et pas toujours dans le sens que l’on imagine. Limite intimidante, même si sur le papier, son moteur n’avait pas la puissance d’une KTM Superduke ou le tempérament d’une Tuono V4. Une moto qu’elle réinterprétait d’ailleurs à la sauce japonaise. En plus brutal de ligne, en moins fine de caractère, et en moins exubérante, avec une grande différence de forme(s), donc. Ne serait-ce que dans son architecture moteur : une quatre cylindres en ligne contre un quatre cylindres en V. Déjà, il y avait ce tête de fourche semblant imposant et pourtant « fin », ciselé, et cette finition propre, mais laissant pas mal d’éléments apparents. De quoi donner l’impression -justifiée- que l’on avait dépoilé une sportive pour la rhabiller façon gladiateur avec des éléments stylistiques. De quoi en faire ce qu’elle était devenue : un roadster énervant, dont tout laissait à penser qu’elle pourrait être diabolique, mais non servie par son aspect peu conventionnel ultra-clivant. Disparue du catalogue avec l’entrée en vigueur d’Euro5, elle revient dans de nombreuses livrées et surtout bien plus affinée. Comme un bon fromage.
Aucun rapport, si ce n’est que l’on parle de meule, qui plus est d’une excellente, comme nous le découvrons à présent, tandis que l’on se coupe une bonne tranche de route enchaînant tes pifs et les pafs, les courbes plus ou moins rapides et les portions de bravoure accrochées à un précipice et sans garde-fou. Pas comme cette moto, judicieusement paramétrable et laissant choisir la manière dont on va l’exploiter et jusqu’où se faire « peur » en toute sécurité.
Nous l’avons vu, avant de rouler, il convient de choisir le mode de comportement. Si les plus raisonnables oscilleront entre C et B, B étant le plus équilibré et le plus exploitable, ne sacrifiant rien aux sensations, nous avons définitivement validé le mode A. Celui que normalement on redoute, nous a immédiatement charmés par la réactivité immédiate des gaz et le côté vachard du comportement moteur, par sa précision chirurgicale et par la fidélité des réactions à ce que l’on imprime à la poignée, aussi douce et onctueuse que le moteur peut être nerveux et rageur.
Prompt à décoller dès que l’on a passé la zone des 3 000 tr/min, où l’on ne ressent que très peu les soubresauts d’injection à régime stabilisé en ville, par exemple, une fois passé le régime le plus « calme » en reprises situé aux alentours de 5 000 tr/min, on jubile à l’idée de faire se cabrer la MT à la moindre rotation vigoureuse des gaz au-dessus de 6 000 tr/min et ce sur les trois premiers rapports. Quant à dépasser les 7 500 et à profiter des envolées lyriques menant à la rupture située au-delà des 12 000, juste après le régime de puissance maximale. Le tout en un râle métallique de l’échappement titane, sans fausse note et toujours avec une sonorité bien placée pour ne jamais déranger ni abasouridir. On valide… Sans parler des manifestations du shifter au travers de la cartouche. Ça pétarade subrepticement et en douceur au rétrogradage lorsque l’on est dans la zone douce du moteur, mais cela gratte un peu du fait d’une boîte légèrement accrochante et rêche. Un problème de rodage peut être, notre moto d’essai n’ayant que 200 km au départ de notre excursion en faisant plus du double, mais un phénomène notable tout au long de notre expérience.
Déjà on prend la mesure de la nouveauté, avec une première tirant à près de 130 km/h, suivie de 160 en seconde et plus de 185 en trois, autant dire que l’on ne va pas s’ennuyer au guidon, tout imposant de parfaitement doser la rotation de poignet et le moteur ne faiblissant pas par la suite. Le CP4 offre le visage le plus enthousiasmant de la moto. Même en désactivant le contrôle de traction, on conserve un retour d’information terrible de précision, ainsi qu’une maîtrise immédiate et parfaitement prévisible de ce qu’il se passe. Évidemment, les conditions de route optimales et sèches de notre essai ont penché en la faveur de ce mode A résolument musclé et prompt à économiser la gomme du pneu avant autant qu’à solliciter celle du pneu arrière.
À ce titre, les Bridgestone S22 ont parfaitement tenu la route, leur rôle et leur rang de pneu sportif, apportant aussi bien une liaison au sol exquise que le juste retour d’informations nécessaire à ne pas prendre de risque. À la moindre amorce de glisse, ils reprenaient rapidement de l’adhérence, tandis que l’action de l’anti patinage aurait grévé les sensations et empêché de tirer le meilleur de la remise des gaz, au simple titre de la prévention. Le dispositif réagit en effet sur l’angle et de manière douce tout en rendant rapidement la main, mais il régule le moteur et ne rend la main qu’une fois la moto redressée, ou du moins une fois qu’il considère le risque de perdre de l’adhérence amoindri ou nul. Même sur le niveau 1, pourtant le moins intrusif. C’est l’un des bénéfices de la centrale inertielle implémentée, au même titre qu’un freinage ABS actif sur l’angle. Autre avantage, réservé aux plus avertis cette fois : la possibilité de laisser glisser l’arrière tout en conservant le TC, cette fois, au travers (c’est le cas de le dire) du Slide Control. S’il est toujours jugulé au freinage, le décrochage volontaire de l’arrière se retrouve facilité pour des dérives parfaitement exécutées.
Le freinage, d’ailleurs, ne nous a toujours pas convaincus, notamment à l’arrière, où l’ABS se déclenche trop rapidement et la pédale manque de précision en certaines circonstances, principalement en ville. L’anti blocage renvoie également trop de pression dans le circuit, et la répercute dans le levier droit lorsqu’il intervient à l’avant. Heureusement que son seuil est bien plus loin et que sa définition est meilleure, permettant de ne pas pâtir de cette relative précocité. À l’attaque, toutefois, ce phénomène s’oublie au profit d’un style de conduite adapté. D’autant plus que les suspensions appellent parfois à quelques réglages si l’on évolue sur un revêtement cabossé.
Réglée ferme d’origine, de manière très sportive, même, la MT10 aurait pu trouver un peu plus d’onctuosité hors agglomération pour ne pas renvoyer autant dans le guidon ou le fessier sur les petites routes résolument bosselée que nous empruntons. L’orientation « performance » est évidente, mais on aurait apprécié un réglage légèrement plus libre ménageant le confort sans nuire à la tenue de route, quitte à devoir accepter un peu plus de transfert de charge. Après tout, on ne roule pas sur un billard au quotidien et cette MT 10 est capable de tellement que l’on n’a pas à encaisser ses réactions.
Pour autant, elle ne se montre aucunement fatigante pour les bras, demeure rigoureuse et apte à voyager au rythme choisi, la selle se montrant accueillante et suffisamment moelleuse pour ménager sur long trajet. Du moins si l’on évite l’autoroute, où l’on pourrait exploiter le régulateur de vitesse, mais où la pression d’air dès les 140 km/h atteints incite à investir dans une bulle ou un casque épargnant les cervicales. Niveau déflexion d’air, on a vu mieux dans la catégorie. Alors on se calme, on sort du ruban rectiligne et on profite alors de tout ce que la Yamaha a à portée de roues.
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