2. Essai BMW K1600 Bagger : ceci n'est pas un bagger !

Et voilà que prend fin la longue énumération des équipements de la K1600 Bagger ! Sa ligne parle d’elle même, le reste n’est que littérature. Contact. Le kits « mains libres » permet de démarrer la moto sans même user d’une clef. Le transpondeur et un coup de démarreur suffisent. Très automobile, tout comme le petit bouton sur le commodo pour ouvrir les sacoches... Les rétroviseurs anti angle mort bien en place, nous prenons la route. La première accélération remet les pendules à l’heure, tout du moins le fessier à sa place : « dedjou, ça pousse ! ». Comment résumer autrement ce déferlement de sensations ? L’onctuosité moteur bas dans les tours, où les couple est déjà disponible à 75 % nous dit-on, laisse rapidement place à sa fougue. On se croirait même sur une sportive, si l’on continue d’accélérer. En mode dynamique, le moteur n’a de cesse de démontrer qu’il n’a aucun égal dans la catégorie des 6 cylindres. La première, un peu « courte », pousse tout de même à près de 100 km/h, tandis que la seconde donne l’élan suffisant pour s’insérer et rouler sur autoroute (130 km/h), avant que n’intervienne la coupure moteur. A 140, la bulle relevée au max, juste en dessous de la ligne du regard (selle basse et conducteur d’1,80m un peu tassé), on évolue sans aucune arrière pensée dans un confort élevé. Stabilisateur de vitesse (en option) réglé sur 130, le dos bien calé dans le dosseret de selle, le bas du jean battant au vent (air dévié, mais pas assez), on joue avec les commandes de la radio... avant de l’éteindre : la puissance sonore est insuffisante pour donner un son correct au-delà de 90 km/h. Par contre, on peut rouler casque entrouvert ou fermé. Les turbulences sont assez nombreuses sur le haut du casque et des épaules à la longue, mais les cervicales apprécient d’être épargnées. Rotation de poignet. Broap. Décollage immédiat. Pleine charge, le double échappement semble vouloir « cracher des flammes » lorsqu’à l’approche de la zone rouge. Dans un feulement mécanique strident, on passe le rapport supérieur (ou inférieur) sans couper les gaz. Le son occasionnée par la coupure d’allumage du Shifter Pro rappelle presque le passage de vitesse sur une Kawasaki H2… Que de sensations auditives !

En bout de boîte, le 6ème rapport se veut démultiplié. Il permet d’atteindre prestement la vitesse maximale autorisée par la K1600 Bagger : 210 km/h. Un bridage électronique met fin à la montée en régime. Avouons qu’avec 336 kilos (vive la marche arrière électrique !) et des suspensions à bien gérer pour ne pas se faire surprendre, on apprécie l’attention. N’oublions pas que nous sommes sur un Bagger, par définition une moto amusante, mais assez sage de vocation. D’autant que l’on a déjà son compte. Surtout sur petites routes. Là, on aura pris soin d’aller faire un tour dans les menus de l’ESA. Quitte à les trouver fermes, nous avons roulé suspensions en mode « 2 casques » afin d’éviter tout mouvement ondulatoire. Nous avons ainsi conservé un cap sûr et joui d’un comportement plus précis. Evidement, la tendance à élargir dans les virages reste présente. Mais la répartition des masses et l’ABS en courbe compensent agréablement le poids de la moto. 

En contre emploi (?) total pour un bagger, cette K16B dévoile son réel talent. Sur les petites routes au bitume défoncé, nous prenons un plaisir impensable pour cette catégorie de moto. Destinés en théorie au confort et aux roulages tranquilles, la voici presque devenue sportive. Les virages, y compris en aveugle, s’enchaînent à un rythme insoupçonnable. Surtout avec la garde au sol amplement suffisante ! Seul l’ergot des plate-formes avant vient très rarement lécher le sol. Le ressort de la béquille centrale, trop souple, ne parvient pas non plus à la retenir en place sur les bosses. Ça « scritch » quand on scratche. Sans danger, on s’amuse du phénomène sur les compressions inattendues, tandis que l’anti patinage très efficace fait de son mieux pour éviter à la roue arrière de se dérober. Seul un passage en forêt sur des bogues de marrons aura vu la roue arrière perdre toute adhérence et trompé la calculateur du contrôle de traction. Et il a du boulot, compte tenu de ce que fait actuellement la K16B : elle transporte son conducteur, au sens propre comme au sens figuré. 

L’ABS intégral apporte d’ailleurs un excellent toucher de commandes lorsqu’il se déclenche, conservant la constance du freinage. Onctueux, prévisible, ce dernier officie avec force et détermination pour stopper la masse en mouvement ou corriger une trajectoire optimiste, y compris plein angle. A noter la bonne performance des pneumatiques Bridgestone BT022 à l’avant et 021 à l’arrière. Des références spécifiques particulièrement bien choisies pour une évolution sur le sec. Dommage qu’ils ne compensent pas tout à fait une direction tombante à basse vitesse (manoeuvres). Après cette séance de route de rallye improvisée, nous voici de retour dans un mode de conduite plus sage. Sous peu, nous allons devoir regagner Paris par les nationales et l’autoroute. Programme au combien déprimant. Sur les grands axes, la K1600 Bagger est impériale. Sa position de conduite n’appelle aucune critique. Les mains sont idéalement écartées et proches du bustes, les jambes trouvent naturellement leur place et ne peinent jamais. Pourtant, on se prend rapidement à rêver d’autres terrains de jeu, bien plus tournants et bien plus enthousiasmants. Le ronron bienveillant du moteur paraît soudain bien fade en comparaison de l’exercice auquel il se livrait hier encore… Même si reprendre en 6ème à partir de 1500 tr/min et quelques 60/70 km/h ou encore jouer du shifter en agglomération restent délectables, quand on connaît l’amplitude de ses possibilités, on regrette de ne pouvoir totalement les exploiter. Décidément, un Bagger peut en cacher un autre. Et celui de BMW n’est au final pas aussi sage que ce que l’on imaginait.