Enquête - Le diesel peut-il être sauvé ?
En France et en Europe, la part de marché du diesel s'est effondrée en un temps record. Et la chute n'est pas terminée ! Une question nous vient donc à l'esprit : le diesel est-il vraiment voué à quasiment disparaître de l'offre des constructeurs ou peut-il se relancer une fois la tempête passée ?
Voilà des mois que l'avenir du diesel est un sujet qui agite la planète automobile. Image écornée par les scandales, restrictions de circulation dans les zones urbaines, clients qui ont pris conscience d'une difficulté à rentabiliser le surcoût à l'achat : pas besoin de boule de cristal pour savoir que le futur de ce type de motorisation est sombre. Le déclin est déjà bien amorcé, avec une part de marché du diesel qui a fondu en quelques années.
En France, un tournant plus que symbolique est en train d'avoir lieu et semble sonner le glas pour le diesel. Désormais, dans des stations aux quatre coins du pays, le gazole est plus cher que l'essence ! Un croisement des courbes des prix qui devrait perdurer et se répandre très rapidement, car le litre gazole sera augmenté au 1er janvier de 6,9 centimes de taxes, contre 3,5 centimes pour l'essence. Le diesel semble déjà condamné. Il est vrai qu'à présent, à part les très gros rouleurs, on se demande qui peut en avoir besoin.
Encore présent dans les catalogues
Quand on regarde l'offre, on se dit qu'il y a pourtant de la demande. Certes, des constructeurs ont pris les devants, abandonnant quasiment le diesel : Lexus, Toyota, Porsche… Mais le diesel fait de la résistance dans les gammes. Exemple avec ce qu'il se passe chez Skoda en ce moment. Alors qu'il a stoppé le TDI pour la Fabia, le tchèque vient d'annoncer que sa prochaine compacte, la Scala, sera proposée avec un 1.6 TDI 115 ch. On note quand même que ce sera la seule offre diesel pour la remplaçante de la Rapid, qui proposera par ailleurs trois blocs essence de 95, 115 et 150 ch. Chez Renault, l'Espace vient de troquer son 1.6 dCi pour un nouveau 2.0 dCi, avec une puissance inédite pour le modèle, 200 ch. La nouvelle 508 a été lancée avec des BlueHDi de 130, 160 et 180 ch. Le nouveau SUV urbain de Volkswagen, le T-Cross, a aussi le droit à son TDI. On se dit que c'est donc reparti pour un tour !
Des marques ont dit stop, d'autres y croient
On peut toutefois avoir le sentiment d'être dans une période de transition, d'entre deux, avec un diesel qui a une espérance de vie à court terme. L'incertitude domine. Jean-Philippe Imparato, patron de Peugeot, déclarait récemment à nos confrères du Monde : "Bien malin celui qui pourrait prévoir ce que sera sa part en Europe dans cinq ans. 10 % ou 30 % ? On n’en sait rien et, en plus, la répartition risque d’être différente selon les zones géographiques". Le Lion a toutefois reconnu que le 1.5 BlueHDi serait le dernier bloc diesel mis au point par le groupe. Il n'y aura plus d'investissement lourd pour le HDi donc. Mais les 1.5 et 2.0 BlueHDi, ultra modernes, sont en mesure d'avoir une longue vie !
D'autres patrons sont plus directs. Dieter Zetsche, à la tête de Daimler, ne cesse de renouveler sa confiance en ce type de moteur. Il l'a encore fait le mois dernier au Mondial de l'Automobile. Lors d'une conférence de presse avec Carlos Ghosn, il a déclaré : "je suis certain que les moteurs diesels auront un avenir", précisant toutefois qu'il y a une différence de traitement par segment. En clair, le diesel est condamné pour les citadines, mais a un futur pour les grands modèles. Il explique que la dépollution a un coût qui n'est pas rentable sur les petites autos, mais l'est toujours pour le reste.
Un constat partagé sur le moment par Carlos Ghosn, qui a déclaré "Il y a de nombreux segments où le diesel aura un avenir, les utilitaires légers ainsi que les segments supérieurs". Le PDG de Renault a toutefois avoué que son groupe doit s'adapter au déclin du diesel car il est plus concentré sur les citadines. Dieter Zetsche résume le tout avec un constat : c'est plus une question économique qu'écologique, car côté pollution, le diesel est quasiment au même niveau que l'essence.
L'avantage CO2
Pour l'instant, le diesel sauve sa peau grâce à un avantage : il émet moins de CO2 que l'essence classique. Et le dioxyde de carbone reste pour nos dirigeants politiques, aussi bien en France qu'en Europe, le maître étalon de la pollution. Ce qui n'est pas la meilleure des idées pour certains, car le CO2 n'est pas un gaz polluant, mais un gaz à effet de serre. Les plus grosses contraintes pollution en Europe restent donc basées sur le CO2. L'UE souhaite une baisse de 15 % des rejets de CO2 d'ici 2025 et de 30 % en 2030.
Pour remplir les objectifs sévères, les constructeurs vont surtout électrifier leur gamme. L'hybride rechargeable et le 100 % électrique vont se développer à grande vitesse à partir de 2019/2020. Mais le temps que cela ait un vrai effet sur les moyennes de CO2 des constructeurs, le diesel restera bien utile. Voilà qui pourrait lui donner un sursis.
Certains pointent toutefois du doigt l'oxyde d'azote (NOx), un gaz polluant, néfaste pour la santé. C'est avec les NOx que le Dieselgate a éclaté et ils servent d'argument anti-gazole. Il est vrai que le scandale a mis au jour des triches et arrangements, donnant des véhicules qui dans la réalité rejettent des quantités de NOx bien loin des normes. Mais l'homologation va bientôt généraliser le test en conditions réelles RDE, qui empêchera toute triche.
D'ailleurs, selon l'Adac (l'automobile club allemand), les meilleurs diesels Euro 6 émettent jusqu’à 99% moins de NOx que les diesels de générations précédentes ! Erik Jonnaert, le secrétaire général de l'ACEA est clair : il en a marre de la diabilisation du diesel dans son ensemble, "Nous devons différencier l’ancien parc diesel et la dernière génération de véhicules".
Une technologie pour sauver le gazole ?
Les diesels ne seront donc pas plus polluants que les essences. Et Bosch est même en passe de les rendre quasiment propres ! L'équipementier a révélé qu'il travaillait à la mise au point d'une nouvelle technologie qui pourrait "diminuer drastiquement" les émissions de ces moteurs grâce à une évolution "majeure". Un prototype de Golf n'a rejeté que 13 milligrammes d'oxydes d'azote par kilomètre lors d'un test en condition réelle, soit tout juste un dixième du seuil qui sera applicable à compter de 2020. De quoi sauver le diesel pour l'équipementier, car il n'y aurait pas de surcoût important, les ingénieurs ayant perfectionné la technologie existante. Le nouveau système serait prêt pour 2020 et compatible avec les nouveaux blocs Euro 6d dotés d'un système de traitement des NOx avec AdBlue.
Mais n'est-ce pas trop tard ? À cette question, Bosch n'hésite pas à répondre : "Avec notre avancée technologique, nous sommes certains qu’à l’avenir, personne ne pourra imposer aux véhicules diesel une interdiction globale de circuler en ville. Le diesel aura toujours sa place dans le trafic urbain, que ce soit pour les artisans ou les banlieusards."
Un gouvernement qui répond déjà non !
Si Bosch parvient à ses fins, on aurait donc un diesel qui émet toujours moins de CO2 qu'un essence et qui en plus est au top en matière de rejets de NOx. Pourquoi donc en finir ? Le problème, c'est que la technologie a beau avoir progressé, les normes avoir été rendues plus sévères, pour les différentes majorités au pouvoir, c'est simple : le diesel, c'est polluant, il faut donc en finir. Et il est mission impossible de les faire changer d'avis, même avec les arguments les plus logiques.
Évidemment, le discours est souvent plein d'erreurs. Dire que le diesel pollue bien plus qu'un essence est faux avec les dernières normes. Il n'y a donc sur ce point aucun intérêt à mettre fin au gazole si dans le même temps on autorise encore l'essence ! En revanche, il est vrai qu'il est nécessaire de chasser de nos routes les plus vieux modèles, dépourvus notamment de filtre à particules. La prime à la casse remplit parfaitement son rôle pour cela. On note le paradoxe sur le fait que celle-ci s'applique aussi sur des modèles neufs et occasion diesel ! Un paradoxe qui va de pair avec un bonus qui favorise toujours le diesel.
On aurait d'ailleurs pu gagner du temps et répondre très vite "non" à la question posée ici "le diesel peut-il être sauvé ?". Les derniers gouvernements ont décidé de mettre fin à la domination diesel, en s'attaquant à son avantage fiscal à la pompe. Et aucune marche arrière n'est à espérer. Emmanuel Macron vient de déclarer qu'il assume la hausse de la fiscalité sur le gazole et ne compte pas céder.
Le diesel sauvé pour éviter une casse sociale ?
Le levier fiscal ne peut donc qu'étouffer le diesel. Le seul argument qui pourrait entraîner une inflexion, c'est le chantage à l'emploi. Car le diesel est une filière qui fait travailler beaucoup de monde. On en revient d'ailleurs à Bosch qui a une usine spécialisée dans le gazole en France, à Rodez. 1 600 personnes y travaillent. Cet été, un accord a été signé entre les syndicats et la direction. La société va investir 14 millions d'euros pour moderniser une ligne de production d'injecteurs pour bloc diesel. Mais si Bosch s'est engagé à diversifier l'activité à Rodez, il a été clair : à court terme, des recours au chômage partiel sont nécessaires à cause la chute des ventes du diesel. Et si celle-ci s'accélère, l'usine pourrait vraiment être remise en cause.
Au final : Fais ta prière, diesel
Ce type de moteur n'a plus rien à se reprocher en terme de pollution grâce aux normes et tests de mesures plus sévères. Et technologiquement, il est prêt à être encore amélioré. Mais en France, nos politiques sont en guerre contre le diesel. Dès septembre 2017, Carlors Tavares, patron de PSA, résumait toute la situation en une phrase : "Le diesel a gagné la bataille technologique, mais perdu la bataille politique".
Le but du gouvernement est de remettre le diesel à sa place, c’est-à-dire un carburant pour les très gros rouleurs Le diesel pourrait donc très rapidement tomber autour de 20 % de part de marché chez nous. Un rééquilibrage nécessaire. La vraie fin ne serait donc pas proche.
Mais elle peut devenir une réalité pour une autre raison : les interdictions de circulation dans les métropoles. Celles-ci pousseront des pros à abandonner le diesel pour éviter les restrictions et continuer à se déplacer librement. Par exemple, le Grand Paris bannira tous les diesels, même modernes, en 2024 !
Avec une baisse de la demande, les constructeurs vont réduire leur offre et ne devraient plus invertir, surtout que le diesel n'avait d'intéret que pour le marché européen. Un cercle vicieux donc. On oublie l'argument du pouvoir d'un prétendu lobby automobile, qui n'arrive pas à freiner la hausse des taxes et les interdictions de circulation, y compris en Allemagne.
Le diesel va donc se faire de plus en plus rare dans les gammes, mais il faudra évidemment des décennies pour qu'il se fasse rare sur les routes.
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