Enquête: le diesel est-il (vraiment) fini?
Mois après mois, les statistiques confirment le désintérêt croissant des automobilistes pour les motorisations diesels. En neuf comme en occasion, celles-ci ont encore pourtant des arguments à faire valoir. Reste à savoir si le message demeure audible.
Hier adulé, le diesel entame son déclin. En Europe, il a représenté moins de 45% des ventes de voitures neuves l’an dernier, contre 56% en 2011. En France, marché-clé pour ce type de motorisation, les commandes de voitures fonctionnant au gazole ont baissé de 11% sur les deux premiers mois de 2018 (dans un marché en hausse de 3,4%), après une année 2017 déjà marquée par une décrue de 10%.
Cette désaffection généralisée, favorisée par le scandale du dieselgate et la multiplication d’études concluant à la nocivité de ce carburant, conduit tous les constructeurs à revoir leur stratégie en matière de motorisations. Le dernier exemple en date est Toyota, qui annonçait début mars son intention d'abandonner cette technologie dès cette année pour sa gamme de voitures particulières. Ce choix du chantre de l'hybride illustre un mouvement de fond global. Autre cas symptomatique, celui du groupe Volkswagen dont le Président Matthias Müller a récemment déclaré qu’il lancerait pratiquement un nouveau véhicule électrique chaque mois à partir de 2019: « Les choses bougent vraiment. Un véritable changement de cap pour le supertanker Volkswagen, à toute vitesse vers le futur ! »
Et si les Français comme Renault et surtout PSA apparaissent aujourd’hui plus rétifs que la concurrence à tirer un trait sur le diesel, c’est aussi parce la réorientation de leur outil industriel demande du temps. En attendant, il faut bien trouver des solutions pour satisfaire l’appétit retrouvé de la clientèle pour les blocs à essence. C’est ainsi que PSA doit se résoudre à importer quelques 90 000 moteurs Puretech de Chine durant ce premier semestre… A partir de mi-2019, l’usine de Tremery (Moselle) où sont notamment produits les blocs HDi sera d’ailleurs appelée à fabriquer des moteurs électriques. Une annonce intervenue en fin d’année dernière, alors justement que les inquiétudes sur l’avenir du site ne cessaient de croître.
Diesel bashing
Une mutation accélérée est en cours, au grand dam de nombre de professionnels : « le diesel bashing actuel nous paraît excessif », déplore Christophe Maurel, président de la branche des concessionnaires au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). « On a sûrement vendu trop de diesels par le passé, notamment à des petits rouleurs qui par définition n’en avaient pas besoin, mais là on va trop loin dans l’autre sens. Le diesel conserve des vertus. Pour qui parcourt 20 000 km par an, il reste plus adapté. Par rapport à l’essence, on a une consommation inférieure de 30% à puissance égale, et des émissions de CO2 qui restent donc plus faibles. D’un point de vue écologique, le diesel a des arguments à faire valoir. Sur les voitures de moins de 4,50 m., on a plus de demande en essence, mais au-delà le diesel est meilleur. Il faut que l’on revienne à plus de raison, en évitant tout manichéisme. De plus, ce discours anti-diesel est stressant pour le client qui ne sait plus ce qu’il doit faire de son diesel. »
Une position que rejoint l'association « 40 millions d'automobilistes », laquelle déplore « cette intention malsaine d'opposer les Français entre eux, avec d'un côté les bons roulant à l'essence, et d'un autre les mauvais propriétaires de diesel. » Celle-ci s’était élevée il y a quelques mois contre l’alourdissement de la taxation sur le litre de gazole annoncée par le gouvernement : « Lorsqu'il s'agit de justifier la taxation des Français, beaucoup se sentent pousser des ailes écologistes » commentait alors Pierre Chasseray, délégué général de l'association. « Si la volonté de l'État était tout de même de rééquilibrer les taxes, mesure à laquelle « 40 millions d'automobilistes » est favorable, cela nécessiterait de le faire en abaissant la fiscalité essence, et non en augmentant celle des 80% d'automobilistes français ayant fait le choix du diesel sur les recommandations passées de l'État », renchérissait le président de l'association Daniel Quéro.
La carotte hier, le bâton aujourd’hui
Les pouvoirs publics, il est vrai, n’ont pas brillé par leur cohérence sur la question du diesel. L’exemple le plus frappant est bien sûr le bonus écolo, calculé sur les seules émissions de CO2, facteur de réchauffement climatique: celles-ci étant proportionnelles à la consommation de carburant, ledit bonus a pendant des années favorisé le diesel. Le même diesel que les maires de grandes villes, Anne Hidalgo en tête, veulent aujourd’hui bouter hors des cités ! Le plan Climat de la mairie vise à faire de Paris une ville neutre en carbone en 2050 : « en ce qui concerne les transports, il fixe pour ambition la fin des moteurs diesels à Paris en 2024 et à essence en 2030 », précise la municipalité. Concrètement, il y a peu de risques que les diesels mis en circulation après 2011 et donc éligibles à la vignette Crit’Air 2 soient concernés à moyen terme par des mesures de restriction de circulation.
En Allemagne, la Cour administrative fédérale a validé deux décisions de justice visant l’interdiction des véhicules diesel les plus anciens à Stuttgart et Düsseldorf. Même si ce bannissement suscite une levée de boucliers dans la classe politique allemande, et ne pourrait de toute façon être que progressif, le symbole est fort dans le pays de l’automobile-reine.
Pour autant, n’enterrons pas trop vite le mazout. Que cela plaise ou non, celui-ci présente certains avantages écologiques (!), tant en matière de rendement énergétique que d’émissions de CO2. « Le rapide déclin du diesel en Europe, que compense l’essor de moteurs essence émettant davantage de CO2, pose de véritables questions en matière de respect des objectifs européens d’émissions polluantes. Non seulement les objectifs de 2030, mais déjà ceux de 2021 », tempère l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA). « Nous appelons à une approche réaliste des enjeux de la réduction des émissions de CO2, laquelle devrait inclure une progression graduelle vers des véhicules à faibles émissions. Il en va de la compétitivité de l’industrie automobile européenne. » Au moins les choses sont-elles énoncées clairement.
D’un point de vue industriel, le patron de Volkswagen Matthias Müller, traduit les choses ainsi : « nous investissons massivement dans la mobilité de demain, sans négliger les technologies et les véhicules actuels qui continueront à jouer un rôle important dans les décennies à venir. En 2018, nous investissons près de 20 milliards d'euros dans notre portefeuille de véhicules conventionnels et de motorisations, avec plus de 90 milliards d'euros sur les cinq prochaines années ».
Les motorisations hybrides et électriques représentant moins de 5% des ventes de voitures neuves en Europe, il reste de la place pour les technologies thermiques classiques. Le diesel bouge encore, donc…mais concernera de plus en plus les modèles de haut de gamme, qu’il s’agisse de berlines ou de SUV.
L’occasion aussi !
Assez logiquement, le désamour que subit le gazole en neuf se manifeste aussi sur le marché de l’occasion. Si elles ont encore représenté plus de 64% du total des transactions en France l’an dernier, les ventes de véhicules diesels ont enregistré une baisse de 2,4% quand celles des modèles essence augmentaient de 7,6%. Un phénomène également observé sur La Centrale, site internet leader de la vente de véhicules d’occasion en France (et qui appartient au même groupe que Caradisiac). « On observe un resserrement de la demande. Alors que les recherches diesel étaient encore majoritaires il y a 6 mois, désormais les recherches de véhicules essence ont pris légèrement le dessus. C’est donc un inversement de tendance », commente Jérôme Ponsin, Directeur Général du site. « Résultat, alors que le diesel amenait une surcote du fait de son image de véhicules moins chers à l’usage, à quoi s’ajoutaient des incitation à l’achat pendant des années, les prix ont baissé de 10% à 15% environ par rapport à l’essence. »
Toutefois, ce rééquilibrage entre offre et demande ne doit pas vous conduire à mettre en vente en urgence votre diesel, ni à le brader. « On ne peut pas dire que l’on ressent une précipitation pour mettre à la vente son véhicule diesel, il n’y a pas d’effet sur les mises en vente », conclut d’ailleurs Jérôme Ponsin. Pas de panique, donc : « En occasion, on a à peu près la même typologie d’acheteurs que pour le neuf. Ceux qui roulent beaucoup continuent de privilégier le diesel », rappelle de son côté Christophe Maurel (CNPA). « La France, ce n’est pas que Paris, Lyon ou Marseille ; c’est aussi des régions où il faut faire des kilomètres pour se déplacer. Le diesel reste avantageux dans bien des cas ». Rappelons au passage que l'acheteur d'un véhicule diesel d'occasion répondant aux normes Euro 5 ou 6 et rejetant moins de 130 g de CO2/km peut bénéficier d'une prime à la conversion allant jusqu'à 1 000 € si dans le même temps il envoie à la casse un véhicule diesel d'avant 2001 ou un véhicule essence d'avant 1997. Bref, il peut rester avantageux d'acheter (ou de vendre, donc) un diesel aujourd'hui. Si elle n’a d’autre choix que d’acter ce déclin du gazole, lequel représente aujourd’hui 60% du parc total de véhicules particuliers, l’association professionnelle Dieseliste de France rappelle d’ailleurs que « dans dix ans, 39 % du parc roulant sera constitué de diesel. »
Bilan: décote d'amour
Après les années "tout-gazole", un rééquilibrage des forces vers les motorisations essence était inévitable. Côté consommateurs, les alternatives crédibles sont aujourd'hui nombreuses entre l'essence et l'hybride voire l'électrique. Et, surtout, appelées à se multiplier dans les années à venir.D'où, on l'a dit plus haut, des difficultés croissantes pour écouler des véhicules diesels ne correspondant plus à l'air du temps, au premier rang desquels les citadines et compactes. En tout état de cause, mieux vaut aujourd'hui se tourner vers des motorisations essence quand on achète du neuf dans ces catégories de véhicules.
En occasion, le choix est plus ouvert et devra être dicté par votre kilométrage annuel...en gardant à l'esprit que la taxation du gazole est appelée à s'alourdir dans les mois et années à venir.
On peut donc continuer à choisir du diesel pour les modèles à vocation routière et familiale, à plus forte raison quand on roule 20 000 km ou plus par an. Remarque valable pour les véhicules neufs ou d'occasion.
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