Enquête - E85, électrique, hybride, etc.: comment vivre avec un carburant cher?
Sauf improbable retournement de situation, le carburant cher est un phénomène durable. Caradisiac vous explique comment inventer « la vie qui va avec ». en passant en revue les avantages et inconvénients des parades telles que les E85, GPL, modèle électrique, hybride, etc.
A moins d’une mobilisation exceptionnelle des automobilistes français le samedi 17 novembre, tout laisse à penser que le carburant cher est une réalité appelée à durer. Rien dans les déclarations récentes du gouvernement ne laisse présager d’une inflexion sur ce thème, motivée selon les pouvoirs publics par une absolue urgence climatique (à laquelle on aimerait que d’autres pays d’Europe et du monde se montrent aussi sensibles). Au 1er janvier 2019, les taxes vont d’ailleurs s’alourdir de 6,5 centimes sur le diesel et de 2,9 centimes sur le sans plomb.
Dans une interview accordée lundi 5 novembre à la presse régionale, Emmanuel Macron réaffirmait sa détermination en ces termes : "On nous a expliqué pendant des décennies qu’il fallait acheter du diesel et maintenant, c’est le contraire. C’est normal que ce soit mal compris. J’assume parfaitement que la fiscalité due au diesel soit au niveau de celle de l’essence, et je préfère la taxation du carburant à la taxation du travail."
Au micro d’Europe 1 le lendemain, le chef de l'Etat se disait toutefois favorable à une forme d’indemnité kilométrique destinée aux ménages les plus modestes, sur le modèle des 20 € versés chaque mois à des habitants de la région Hauts-de-France qui doivent faire plus de trente kilomètres pour aller travailler. "C’est une bonne philosophie, et d’ailleurs le gouvernement l’a accompagnée parce que cette aide sera défiscalisée […] Je souhaite qu’on généralise tout cela [sur l'ensemble du territoire]. Il faut qu’on soit dans un mode d’indemnités kilométriques. Il faut travailler avec les collectivités locales, les employeurs, intelligemment pour aider ces gens-là […] Nos concitoyens qui sont dans cette situation, je comprends leur colère." Une colère que peinera à apaiser un « chèque carburant » difficile à mettre en place (les Régions refusent de le financer), et qui présente l’inconvénient de subventionner une pollution qu’il prétend combattre.
Finalement, la seule certitude au moment où nous mettons cet article en ligne, c’est que le carburant cher est une réalité appelée à durer. Inutile pour Caradisiac d’ajouter une pierre au mur des lamentations des automobilistes. Nous prenons donc pris le parti de nous intéresser aux perspectives qui s’offrent à ceux qui veulent continuer à rouler sans pour autant se ruiner, en présentant la part des avantages et des inconvénients de chacune.
1. Opter pour le gazole (!)
Même si le prix au litre du gazole a fortement augmenté ces derniers temps, au point de dépasser celui du sans plomb dans certains points de vente, ce carburant reste plus économique du fait d’une consommation moindre. En neuf, il peut donc être intéressant de s’orienter vers ce type de motorisation, d’autant que la désaffection subie par cette technologie peut entraîner les concessionnaires à plus de souplesse sur les prix. De janvier à octobre, le diesel a représenté moins de 40% des ventes de voitures neuves, alors que sa part de marché oscillait autour de 70% il y a cinq ans.
En occasion aussi, le choix du diesel a du sens pour les raisons évoquées plus haut. D’ailleurs, le dernier baromètre AutoScout24 montre que la demande pour les diesels de moins de 5 ans continue de croître, même si c’est dans des proportions nettement inférieures à celles de l’essence. « Les Français sont friands de jeunes occasions et, si possible, à motorisation essence », précise Vincent Hancart, Directeur général d’AutoScout24 pour la France. « Néanmoins, les véhicules diesel récents restent populaires malgré l’augmentation du coût du carburant. »
Notre conseil: en occasion, visez si vous le pouvez un modèle fabriqué à partir de 2011 (norme Euro V) car dès 2022, les modèles plus anciens seront bannis des agglomérations soumises aux vignettes Crit’Air (Paris, Grenoble, Lille, Strasbourg, auxquelles s’ajoutent de nombreuses villes ayant mis en place des ZPA, ou Zones de Protection de l’Air). Dans cet esprit, gardez aussi à l’esprit que certaines agglomérations ont déjà annoncé leur intention de restreindre, voire d’interdire leur accès aux moteurs diesel à moyen terme. En Ile-de-France, il est ainsi question de proscrire purement et simplement le diesel (ainsi que des modèles essence anciens) à partir de 2024 dans un périmètre situé à l’intérieur de l’A86 .
En d’autres termes, le champ d’action du diesel est appelé à se réduire de façon drastiqueNe l’envisagez que si vous évoluez principalement en milieu rural et/ou si vous faites de la route.
Avantages : agrément de conduite, rendement énergétique, offre vaste…
Inconvénients : accès à certaines agglomérations de plus en plus restrictif, revente qui va devenir de plus en plus difficile
2. Profiter de la prime à la conversion
Allez hop, on envoie Titine à la casse! Si c’est un diesel d’avant 2006 ou une essence d’avant 2001, à vous la prime à la conversion, dont environ 250 000 Français devraient profiter cette année.
Pour mémoire, cette mesure permet de subventionner, dans une fourchette comprise entre 1 000 € et 2 500 €, l’achat d’un modèle électrique ou thermique neuf ou d’occasion dont le taux de CO est inférieur ou égal à 130g/km et éligible aux vignettes Crit’Air 1 et 2 (essence d’après 2006 et diesel d’après 2011).
Cette prime est un succès, puisque les pouvoirs publics prévoyaient que seuls 100 000 d’entre nous chercheraient à en profiter, ce qui a pour effet de retarder le versement des sommes promises… Notez que les pouvoirs publics ont l’intention d’élargir cette prime aux hybrides rechargeables l’an prochain.
Retenez aussi que la métropole du Grand Paris renforce cette prime à la conversion et propose une subvention allant jusqu’à 5 000 € aux ménages qui acquerraient un modèle électrique, hydrogène, GNV (gaz naturel) ou hybride rechargeable. Attention, seuls les premiers 1 000 dossiers déposés seront acceptés.
Avantages : cette prime constitue une belle ristourne sur un modèle récent peu polluant, neuf ou d’occasion….
Inconvénients :…si on a les moyens d’acquérir un modèle récent peu polluant, neuf ou d’occasion.
3. Opter pour l'hybride
Si vous avez les moyens d’acheter une voiture neuve, le choix de l’hybride apparaît aujourd’hui comme une solution des plus pertinentes. Caradisiac a récemment mis en ligne un grand guide d’achat des modèles hybrides et hybrides rechargeables (qui permettent de parcourir de 25 à 60 km en mode 100% électrique) proposés sur le marché français . Cela vous permettra d’y voir plus clair dans une offre composée d’une soixantaine de modèles, de la Suzuki Swift à 16 840 € (on parle ici de micro-hybridation) à la Volvo XC90 T8 à 80 900 €. Pour une berline familiale, le modèle le moins cher est aujourd’hui la Ford Mondeo Hybrid, affichée à 36 150 €, soit presque 6 000 € de plus que l’incontournable Toyota Prius (30 800 €).
A l’évidence, il faut disposer d’une certaine aisance financière pour s’offrir un véhicule qui permet d’économiser à la pompe ! D’ailleurs, on ne peut que déplorer que l’offre demeure si réduite chez les constructeurs généralistes (et on ne parle pas des Français, aujourd’hui inexistants sur le créneau).
Les pouvoirs publics veulent par ailleurs soutenir la technologie hybride rechargeable, et donc lui accorder à nouveau le bonus en 2019. "Nous allons en discuter avec le gouvernement, nous allons en discuter avec les constructeurs, il faut qu'il y ait une subvention à l'achat pour l'hybride rechargeable », avait déclaré début octobre au Grand Jury sur RTL-Le Figaro-LCI le ministre de l’écologie François de Rugy. Un montant de 1 000 ou 2 000 € est évoqué, lequel serait financé par le montant du malus. Une bonne nouvelle pour PSA, notamment, puisque DS lancera un DS7 Crossback E-Tense hybride rechargeable en septembre.
L’occasion de passer au vert
Pour qui cherche une hybride à petit prix, la bonne nouvelle est que l’on trouve aujourd’hui des Toyota Prius de deuxième et troisième génération à prix abordable. Avec son hayon et son grand coffre, l’auto représente un choix intéressant pour les familles, qui seront séduites par son caractère quasi-increvable. Ainsi, certains exemplaires de la Prius 2 - modèle éligible à la vignette Crit’Air2, ce qui ouvre droit à la prime à la conversion (voir plus bas) - totalisent plus de 250 000 km sans intervention autre que de l’entretien courant.
En d’autres termes, ne négligez pas les modèles à fort kilométrage affichés à des tarifs raisonnables : moins de 5 000 € pour une Prius 2 de 170 000 km, c’est une offre qui tient la route. Plus confidentielles, les Honda Jazz hybrides, Honda Insight, Honda Civic IMA ou Toyota Auris hybrides méritent elles aussi l’attention pour un budget inférieur à 8 000 €. Ces modèles au caractère placide sont généralement choisis par des constructeurs tranquilles, et n’auront donc pas été maltraités.
Avantages : facilité d’usage, consommation réduite, possibilité de rouler 100% électrique en ville (sur hybrides rechargeables)
Inconvénients : tarifs élevés, offre encore réduite
4. Franchir le pas de l'électrique
Et finalement, pourquoi ne pas passer au « zéro émission » ? Alors que les bornes se multiplient (environ 25 000 aujourd’hui en France), une part croissante d’automobilistes réalise que les modèles électriques sont parfaitement adaptés à une utilisation domicile-travail. D’ailleurs, le marché a affiché une croissance de 17% en France sur une période courant de janvier à octobre (près de 30 000 modèles électriques immatriculés), tiré par une Renault Zoé qui assure à elle seule plus du tiers des ventes. En Europe, les ventes de motorisations électriques ont augmenté de 30% au troisième trimestre par rapport à la même période en 2017. Ça décolle doucement, donc.
Bien sûr, il est ici question de modèles encore chers, tandis que l’offre en occasion reste faible. Mais entre les bonus, les aides à l’achat, le faible coût des recharges - comptez environ 3 € pour 100 km en Renault Zoé - et un budget entretien réduit (finies les vidanges !), nombre d’entre nous peuvent s’y retrouver. Par ailleurs, les batteries de dernière génération autorisent des autonomies plus que respectables, ainsi que les tests de type « le périphérique jusqu’à la panne » de Caradisiac en apportent régulièrement l’illustration. Pour mémoire, un Hyundai Kona EV 64 kWh a récemment parcouru plus de 700 km d’une traite !
Avantages : agrément de conduite, émissions sonores nulles, zéro pollution à l’usage, autonomie (sur les derniers modèles)
Inconvénients : temps de charge, réseau de bornes à recharge rapide encore réduit, difficultés à charger en ville alors même que c’est le terrain de jeu idéal de l’électrique, bilan écologique contestable (production d'électricité dans les pays où celle-ci n’est pas d’origine nucléaire, extraction de métaux rares nécessaires à la production des batteries, etc.)
5. Se convertir à l'E85
Et si vous passiez à la betterave ? De plus en plus de Français s’orientent vers le superéthanol-E85, plus communément appelé E85, un agrocarburant composé de 65 à 85% d’éthanol (de l’alcool produit à partir de céréales, de canne à sucre ou de betteraves) et de 35 à 15% d’essence sans plomb.
Depuis la première homologation de boîtiers de conversions à l’E85 obtenue en décembre 2017, les volumes de vente de ce carburant facturé en moyenne 0,68 € le litre, contre 1,54 € pour le SP95 ont progressé de façon spectaculaire (+43% sur les 8 premiers mois de l’année).
Même si le rendement énergétique du E85 est inférieur à celui du sans plomb classique, induisant une consommation supérieure, l’avantage financier est sensible et permet d’amortir rapidement l’investissement de 900 à 1 400 € requis pour l’installation d’un boîtier de conversion. Pour une voiture consommant 7 l/100 km et parcourant 15 000 km par an, l’économie dépasse les 700 € par an.
« On estime à 10 millions de véhicules essence le parc techniquement accessible aux boîtiers de conversion E85 », commente le Collectif du bioéthanol. Permettant de rouler indifféremment au SP95 et au sans plomb classique, ces boîtiers ont pour fonction d’optimiser la combustion selon le type de carburant utilisé.
Un peu plus de 32 000 voitures « flexfuel » circulent actuellement dans l’hexagone (dont 127 Bentley !), et ce chiffre progresse chaque mois. A l’avantage à la pompe s’ajoutent une carte grise gratuite (dans certaines régions) et un malus écolo au montant minoré (sur les voitures ne dépassant pas 250 g de CO2/km).
Quelques 1 064 stations distribuent du E85 en France, soit 12% des points de vente, dont plus de la moitié sous les bannières Intermarché et Total. Espérons simplement que l’Etat, toujours prompt à dégainer la machine à taxer, ne se penche pas trop rapidement sur le cas de l’E85…
Avantages : coût du litre, boîtier de conversion rapidement amorti, agrément de conduite préservé
Inconvénients : surconsommation par rapport à l'essence, réseau de distribution encore réduit (mais qui augmente), incertitudes sur la taxation future, incertitudes sur le devenir des terres agricoles en cas de développement important (surfaces arables disponibles, engrais, pesticides… ?)
6. et le GPL, dans tout ça?
On a un peu tendance à l’oublier, mais le GPL (ou Gaz de Pétrole Liquéfié) existe encore ! En France, environ 200 000 véhicules utilisent ce carburant, dont le principal avantage réside dans un prix au litre 45% inférieur à celui du sans plomb et du gazole. A cela s’ajoutent une éligibilité à la prime à la conversion, un malus minoré et, pour les professionnels, une exonération de la Taxe sur les véhicules de société (pour les modèles émettant moins de 100 g de CO2/km) et la possibilité de récupérer la TVA. De plus, les modèles GPL, quelle que soit leur date de mise en circulation se retrouvent automatiquement classés Crit’Air 1. Pas mal!
Si certains constructeurs, comme Dacia ou Fiat, proposent des modèles neufs convertis au GPL, il faut toutefois souvent s’orienter vers des installateurs indépendants pour « GPL-iser » sa voiture. Il en coûte entre 1 500 et 3 500 € hors taxes.
1 650 stations distribuent du GPL en France, soit une sur sept, et rappelons à toutes fins utiles qu’un modèle GPL peut fonctionner à l’essence seule quand le réservoir de gaz est vide.
Avantages : coût à l’usage, autonomie (réservoir de gaz + réservoir de sans plomb), agrément de conduite préservé, fiscalité avantageuse…
Inconvénients : surconsommation, coût d’installation du système GPL, réduction du volume de chargement sur certains modèles, image de marque assez floue de cette technologie
Vert mais juste
Le bilan. On le voit, le choix est de plus en plus large pour des automobilistes soucieux de réduire leur note de carburant. Même un modèle diesel, technologie hier louée et aujourd'hui peut-être injustement décriée, reste intéressant dans le cadre de nombreux usages. Au-delà, l'émergence de l'électrique et de l'hybride, à quoi s'ajoutent la vogue de l'E85 et le timide retour du GPL, montrent que l'industrie automobile est entrée dans une phase de transition. C'est aussi parce qu'elles ne cessent de se réinventer que nos chères voitures continuent de nous passionner.
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