Covid 19 : Sécurité sanitaire, sécurité routière, même combat ?
Face à l’épidémie comme sur la route, c’est soi et les autres, soi ou les autres, l’Etat et moi, l’insouciance ou la prudence, le masque et le casque. Ça ne vous étonne pas, tous ces parallèles ?
Il y a deux semaines, je me demandais si l’épidémie tuerait autant que la route, soit dans les 3 400 tués par an. Pour être franc, j’en doutais.
A l’heure où j’écris ce billet, on a déjà plus que doublé leur nombre : huit mille morts. C’était le bilan de la Sécurité routière en 1996, 1997 et 1999. Et à l’heure où vous me lirez, on en sera sans doute rendus aux chiffres des années 80. Je ne veux pas hiérarchiser les bilans, c’est juste que je suis fasciné par les innombrables rapprochements entre sécurité routière et sanitaire.
Et d’abord, par la disproportion apparente de moyens pour sauver des vies.
Combien en a t-on épargnées grâce au confinement ? Combien en aurait-on sauvées si nous avions été mieux préparés à la pandémie, avec des moyens à la coréenne ? Des milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers, nous ne le saurons jamais précisément.
Pas plus qu’on ne peut faire le décompte exact de celles qu’a « gagnées » la politique volontariste initiée par Jacques Chirac en 2002-2003, à base de radars automatiques et de tolérance zéro. Quatre mille morts en moins les deux premières années, un solde divisé par deux au bout de dix ans, mais quelle aurait été la pente « normale » des bilans annuels qu’a brutalement infléchie, et même brisée, cette intervention décisive ?
Je serais néanmoins curieux de savoir ce qu’ils en pensent, ceux qui ne cessaient de répéter que les radars, les PV, ce n’est pas pour sauver des vies, mais pour remplir les caisses de l’Etat.
Qu’en disent-ils de ces dizaines de milliards d’euros que coûtera aux finances publiques la mise au ralenti de l’économie du pays ?
Pour moi, la démonstration est claire : pour ceux qui nous gouvernent comme pour nous, la vie n’a pas de prix.
Si tu me colles, je freine ? Non, je tousse !
Ce qui m’interpelle aussi, ce sont les similitudes entre ce que nous devons faire sur la route pour éviter l’accident et dans la rue, les commerces ou au travail, pour ne pas contaminer ou être contaminé.
Ne serait-ce que les distances de sécurité.
Quand un lourdaud me colle dans la queue, à la caisse de la supérette, je sors un kleenex de la poche ou je tousse un peu - dans mon coude bien sûr. De la même façon que j’allume le feu stop de la pointe du pied quand un con pressé (variante du confiné) me colle au pare-chocs.
Sauf que le coup du kleenex est bien plus efficace.
Pourtant, je l’avoue, il m’arrive de m’approcher un peu trop de celui qui me précède dans la file comme sur la route, et j’apprécie qu’il ne se mouche ni ne freine. Le lourdaud, le con, ce n’est pas toujours l’autre.
Le masque, c’est comme le casque ou la ceinture
En quarante ans d’auto et de moto, avoir porté scrupuleusement la ceinture de sécurité ou le casque ne m’a servi rigoureusement à rien. A part éviter les moustiques sur les dents. Au volant ou au guidon, je n’ai jamais eu d’accident, que des accrochages.
En attendant qu’il devienne obligatoire - et que la pharmacie en reçoive - je me passe de masque. La seule fois où j’en ai porté un, retrouvé avec quelques autres au fond d’une caisse à outils, ce n’était pas pour me protéger vu que ces machins, achetés pour poncer du parquet, n’empêchent pas même la poussière de bois d’emplir la gorge et les naseaux. C’était juste pour ne plus voir le caissier et les clients de la supérette me regarder de travers.
Ça ne s’est pas bien passé.
Après dix minutes dans les rayons à me le remonter sur le nez toutes les vingt secondes, au moment où je vidais mon panier à la caisse, l’élastique, sec et fatigué, a lâché. Et le masque souillé de mes miasmes a roulé sur le tapis au milieu des paquets de pâtes et de surgelés. Le caissier a bondi de sa chaise et une rumeur s’est élevée autour de moi.
Depuis, faute de couturière pour me bricoler un tissu barrière, je porte un chèche sur le visage, plus stable, sans doute pas moins efficace, et qui me donne un style plus aventurier qu’ouvrier du bâtiment.
Ai-je raison de me le plaquer sur le nez quand je croise un joggeur ou un gamin courant après sa balle ? Me faudra-t-il bientôt le remplacer par un masque réglementaire pour sortir de chez moi ? Et encore et toujours une fois l’épidémie passée, par « principe de précaution » et au nom de la santé publique ? Ce qui m’apparaît pénible et superflu deviendra-t-il une nécessité vitale et légale ? Se mettre un masque deviendra-t-il un réflexe comme boucler sa ceinture ou la jugulaire du casque ?
La ceinture de sécurité, quelle blague ! Le premier brevet pour des « bretelles protectrices pour voitures automobiles » remonte à 1903 et il a fallu attendre cinquante-six ans pour que Volvo, le premier, l’adopte sur ses modèles et encore quatorze pour qu’elle devienne obligatoire en France. Je me souviens de mon père pestant en la bouclant, comme je pesterai en me collant ce désagréable machin en papier sur le visage.
La similitude est décidément troublante : comme une ceinture perd presque toute efficacité si on la sangle sur le ventre et non en haut des cuisses, un masque mal porté ne sert pas à grand-chose.
La prise de risque, fonction de l’âge
Quarante millions de conducteurs en France, 3 400 tués et 27 000 blessés hospitalisés l’an dernier. Sans doute bien moins en 2020 après deux mois sans trafic et si le déconfinement ne rime pas avec défoulement.
Soixante-six millions de Français, 8 000 morts, 50 000 hospitalisés. Le risque du Covid est largement supérieur à celui de la route. Et dans quelques semaines ou mois, les chiffres ne seront peut-être même plus comparables.
Comme sur la route, ce sont les jeunes qui se montrent les plus imprudents, par nature et aussi car ils sont beaucoup moins menacés. Ils seraient par conséquent plus nombreux à être contaminés mais, à l’inverse des statistiques routières, bien moins nombreux à en succomber.
Comme au volant, les vieux sont plus prudents et respectent davantage le confinement, par nature également, mais aussi parce que pour eux, un « contact » est plus facilement mortel.
Bizarre, non ? En fait, pas du tout.
Protection de soi ou attention aux autres ?
Pardon de donner dans le gnangnan dont nous abreuvent déjà à la louche le web et les médias, mais là encore, la symétrie est trop tentante.
Face au Covid ou à l’accident, nous dépendons autant des autres que de nous-mêmes, de notre prudence que de celle des autres, sans parler de la compétence des médecins, de l’efficacité des services d’urgence et de réanimation.
Dois-je ralentir sur cette petite route déserte parce qu’au prochain croisement, un petit vieux arrêté à un stop tournera trop lentement la tête (arthrose cervicale) pour me voir à temps débouler à 110 km/h et se fera défoncer la portière par mon capot ? Accident dont je sortirais vraisemblablement vivant mais pas lui, ne serait-ce que par la différence des chocs frontaux et latéraux.
Ou dois-je ralentir pour ne pas déraper sur le sable débordant du bas-côté ? Pour ne pas risquer de sortir trop large du prochain virage ? Pour pouvoir éviter celui qui, en face, commettrait cette erreur ? Dois-je porter un masque pour ne pas contaminer mon prochain ? Ou tout simplement ne pas le terrifier si me surprend le rhume des foins ? Pour ne pas être contaminé par lui ? Ou par le type à cinquante mètres ou à son balcon qui a éternué sous le vent ?
Dois-je me laver les mains avant d’aller à supérette en plus de le faire en en revenant ? Avant d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur et de pousser la porte ou seulement après ?
Et au fait, à quelle vitesse ce lavage des mains ? Il faut que j’installe un chrono à côté du lavabo…
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération