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Chronique du déconfiné 4 – Où l’on se découvre une vocation d’entrepreneur de l’automobile

Dans Voitures d'exception / Luxe

Michel Holtz

Entre les résurrections programmées (mais non réalisées) de Delage et de Facel Vega, le déconfiné se projette dans le monde d’après : celui de l’épanouissement personnel. Et pourquoi ne se transformerait-il pas lui aussi en créateur-exhumeur de vieilles marques automobiles ? D’autant que la chose n’a pas l’air si difficile.

Chronique du déconfiné 4 – Où l’on se découvre une vocation d’entrepreneur de l’automobile

Circulez et consommez sans entraves, c’est le Premier ministre qui l’a dit. Depuis deux jours, les 100 km, les attestations, les bars et les restos fermés, c’est du passé. Chacun a retrouvé ses plaisirs immenses ou minuscules, altruistes ou égoïstes. Le monde d’après est arrivé et si le déconfiné ne veut pas louper le coche, il ferait bien d’en profiter. Ce monde sera pire qu’avant ? Plus opportuniste et mesquin ? Le déconfiné est prêt. Comme semblent l’être ceux qui tentent de laisser croire à une résurrection de Facel Vega

Une nouvelle auto ? C'est simple comme un coup de souris

Créer une auto, c’est facile. Un site Internet, un copain doté d’une bonne maîtrise de Photoshop et le tour est joué : la marque de luxe française -devenue mythique parce que, à l’instar de Marylin ou de James Dean, elle nous a quittés très jeune- pourrait revivre. La preuve en images : quelques croquis en 3D joliment troussés, et emballé, c’est pesé. Enfin, certains médias se sont  emballés, sans toujours bien peser la validité du projet. C’est ainsi que, depuis quelques jours, des articles fleurissent, et pas seulement dans les publications spécialisées. En négligeant au passage de signaler le manque d'existence réelle du projet. Quant au moteur qui anime la ressuscitée, à quoi bon s’embarrasser ? Allons-y pour un V8, inutile de se priver. Le public conquis réclame des données techniques, au diable la rigueur. Au doigt mouillé, on livre des chiffres évasifs : 550 ch, 684 Nm et 3,5 s pour le 0 à 100 km/h. Les normes antipollution, la faisabilité de l’engin ? Photoshop s’en moque, au moins autant que celui qui tient la souris.

 

La Delage du XXIe siècle : le rêve de Laurent Tapie.
La Delage du XXIe siècle : le rêve de Laurent Tapie.

Du coup, l’affaire Facel donne des ailes. Pourquoi le confiné ne ferait-il pas de même, en créant lui aussi son empire automobile ? Mais voilà une idée qu’elle est bonne. Il suffit de maîtriser la palette graphique et de faire des promesses. Comme celles de Laurent Tapie. Il souhaite relancer Delage, autre marque française du hall of fame automobile tricolore. La bête hybride développera 1230 ch promet le fils de. Elle s’inscrira dans la niche ultra-confinée d’un marché où les autos se vendent, au bas mot, plus d’un million d’euros. Soit.

Devenir maire de Maranello

Mais pourquoi dépenser de l’énergie, investir dans un ordi, voire dans une modélisation à l’échelle 1/1 pour épater ses contemporains ? Parce que le business de l’illusion existe. Parce qu’hier comme aujourd’hui, des investisseurs peuvent être séduits par une auto séduisante. Et si, en plus, elle raconte une histoire, celle des florissantes années 50 et 60, celle d’Albert Camus qui décède au volant d’une Facel par une froide journée de janvier 1960, ce peut être un bingo assuré. Des investisseurs privés séduits, bien sûr, mais publics aussi. Des aides nationales aux aides locales, départementales ou régionales, les fonds existent pour celui qui entend aller les débusquer. Nombre d’élus locaux se rêvent en maire, président départemental ou régional du Maranello français. Transformer leur territoire en un recoin aussi mondialement connu que le fief de Ferrari peut faire envie. En plus, l’ambitieux entrepreneur ne se privera pas d’évoquer devant ces édiles le nombre d’emplois que son initiative va forcément créer.

L’affaire ne se fait pas, ou avorte faute d’une vraie connaissance industrielle, commerciale et d’une ignorance totale du monde de l’automobile ? Peu importe, les subventions auront été absorbées et dilapidées.

Panhard 24, la dernière auto de la défunte maison française.
Panhard 24, la dernière auto de la défunte maison française.

Fort de cette bonne idée, le déconfiné s’en va chercher une marque à exhumer. Elle doit forcément être française pour attirer le chaland et l’argent. De Dion Bouton ? Un peu trop oldtimer au goût de ses contemporains. Simca ? Pas assez luxueux mon cher. Mathis ? Inconnu au bataillon. Delahaye ? Trop proche de Delage qui est déjà pris. Reste Panhard. Mais oui, voilà la bonne idée. Une marque qui s’est éteinte en 1967, quelques modèles restés dans le cœur des fans. L’ex-confiné vous annonce donc ici et très officiellement la renaissance de Panhard et vous livre en exclusivité son slogan : « Panhard, c’est le panard ».

La première auto de la résurrection s’appellera 25, puisqu’elle succède à la 24 dont la production s’est arrêtée en 1967. Elle en reprendra également les lignes presque parfaites. Au fondateur, les pépètes, au public le rêve, et aux investisseurs les pertes, puisque la Panhard 25 ne circulera jamais comme la plupart des autos d’illusionnistes que l’on découvre tous les 6 mois.

L'économie de l'illusion

Mais ne nous avait-on pas dit que le monde d’après serait moins âpre au gain que celui d’avant ? Certes, mais l’économie reste l’économie. Et si l’ancienne consistait à fabriquer un produit et en tirer quelques subsides, la nouvelle permet toujours de récolter des pépètes, mais grâce à la simple illusion de fabriquer un produit un jour. Peut-être.

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