On le donnait comme mort. Enterré par le CES de Las Vegas. De la météo à la modernité, tout joue en défaveur du salon de Detroit. La vieille ville du Michigan dans sa froidure de janvier ne peut pas se mesurer aux palmiers de Vegas et à son high-tech assumé. Et Pierre Olivier Marie a raison de s’interroger. Les salons automobiles sont-ils devenus ringards ? C’en serait-il fini de la tournée des grands ducs motorisés, de Francfort à Genève en passant par Paris, Tokyo et bien évidemment, Detroit ? Le public en aurait-il soupé des voitures en plus ou moins première mondiale qui tournicotent sur des podiums plus ou moins scintillants entourées d’hôtesses plus ou moins vulgairement vêtues ? C’est plus que probable. Mais si l’on reprend le cours de ce mois de janvier américain qui a vu s’opposer la capitale du jeu à celle du Michigan, il suffit de compter les points pour s’apercevoir que le salon de Detroit n’est pas encore mort et que celui de Vegas n’est que balbutiant, que la foire à l’auto de Motorcity n’est pas celle du passé, mais celle d’aujourd’hui et que le CES n’est encore que le grand raout de demain.
Les voitures d’aujourd’hui paient celles de demain
Dans ce Consumer Electronic Show, on a vu quelques concepts-cars, une ou deux avant-premières. Et ? Des projets et des promesses d’un futur autonome et ultra-connecté qui se fera avec les géants du high-tech. Ce futur, il faut le payer et les investissements sont lourds. Pour le financer, les constructeurs comptent sur le présent et sur les voitures qu’il faut vendre aujourd’hui pour payer celles de demain.
Et en ce mois de janvier, ce présent est à Detroit. Avec sa flopée de nouveautés. On vous épargnera celles qui sont destinées à l’Oncle Sam et que nous ne verrons jamais par ici, comme la très emblématique nouvelle Lincoln Continental, ou le très beau concept Buick Avista.
La nouvelle Lincoln Continental
Mais à Detroit cette année, les constructeurs européens sont venus en force, par les 17,5 millions d’autos vendues l’an passé attirés, en espérant bien rafler un morceau de ce gros gâteau. Une force qui se décline par des nouveautés de tous les côtés, sous forme de concept-cars ou de vraies autos de série à voir, ou à acheter, dans les prochains mois par chez nous. La preuve par Mercedes qui dévoile deux nouveaux modèles, sa Classe E et son roadster SLC, soit plus de nouveautés que la marque n’en a dévoilé dans son fief à Francfort en septembre dernier.
Plus de nouveautés Mercedes à Detroit qu’à Francfort
La preuve aussi par Volvo qui lève le voile sur sa grande berline S90, alors que la marque fait l’impasse sur le prochain Mondial de Paris. Et les européens ne sont pas les seuls à vouloir profiter de la manne américaine. Hyundai était de la partie pour présenter, encore une première, sa nouvelle marque premium Genesis au logo décalqué sur celui d’Aston Martin. Un repompage d’autant plus flagrant que la marque anglaise mal en point trônait juste à côté du stand coréen. Pas loin, le nouveau président de Volkswagen, Mathias Müller, tentait de se refaire une santé, entre amende honorable, aveux larvés, présentation de prototypes et de la déclinaison allroad de son Audi A4.
La Clio américaine ? Un gros pick-up Ford
Évidemment, telle est la vie de tous les grands salons de l’auto. Et celle de Detroit. Négliger son salon, c’est oublier que l’Amérique d’aujourd’hui n’est pas encore celle de la Silicon Valley où se dessine la voiture de demain. Mais toujours celle du pick-up Ford F150, la Clio US, la voiture la plus vendue par là-bas depuis plus de 30 ans, celle qui n’a jamais abrité moins de 6 cylindres. Celle qui, en 2015, s’est encore écoulée à près de 800 000 exemplaires.
Ford F150 version 2016
Sa dernière mouture, à la carrosserie tout en alu était elle aussi présentée dans le Michigan avec un V6 3,5l Ecoboost. On peut déplorer qu’un bon vieux pick-up soit toujours best-seller, ou s’en réjouir, selon que l’on soit nostalgique ou progressiste. Mais ce chariot de pionniers a certainement permis à Ford, grâce aux bénéfices accumulés au long des années, de s’offrir un beau stand high-tech au CES. Ne pas voir cette réalité, c’est rejeter la voiture de tous les jours vers le côté obscur, et ne voir dans les autos connectées et bientôt autonomes que les Jedi qui brilleront à la lumière de demain. Mais attention : un jour, ces autos du futur entendront les vieux pick-up leur répéter, dans un souffle métallique : « je suis ton père ».
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