Un demi-siècle durant, ces « bielles endormies » ont été oubliées de tous dans la campagne niortaise, plus ou moins bien protégées des intempéries, vestiges des rêves de Roger Baillon, un entrepreneur déchu qui avait imaginé constituer un musée de l’automobile. Les héritiers Baillon ont contacté la maison Artcurial il y a quelques mois pour qu’elle se charge de cette vente qui promet de marquer les esprits, pour les raisons que nous exposons ci-dessous.
Parce que l’histoire de cette collection est extraordinaire. C’est en fait la troisième fois que des voitures issues de la collection Baillon sont proposées à la vente. Les automobiles ayant été intégrées aux actifs de la société mise en liquidation, 60 d’entre elles avaient été dispersées en juin 1979, et 38 autres en octobre 1985. Ensuite, ainsi que nous l’a expliqué récemment Maître Hervé Poulain, commissaire-priseur qui officiera au marteau demain, le temps a fait son œuvre et tout le monde, héritiers compris, semble avoir « oublié » les voitures qui restaient. Ce n’est qu’en 2013 que la famille prendra conscience des trésors encore dans la propriété des Deux-Sèvres, et notamment la Ferrari 250 GT California Spider 1961 (grande photo ci-dessous), star de la vente, dernier exemplaire recensé sur les 37 fabriqués, et que tout le monde croyait disparu. Les héritiers Baillon contacteront quelques mois plus tard la maison Artcurial, qui depuis s’ingéniera avec le talent qu’on lui connaît à faire « monter la sauce » autour de l’événement…
Parce que les résultats atteints par la première voiture vendue donneront le ton de la vente. C’est une Singer 1500 (photo ci-contre), modeste roadster britannique, qui ouvrira la vente. Son estimation est basse, à savoir entre 200 et 800 €. Mais le succès rencontré par l’auto auprès des enchérisseurs donnera le ton pour la suite. Et de nombreux spécialistes s’attendent à ce que les prix s’envolent dès ce premier lot, dont le succès prendra valeur de symbole.
Parce que quelques merveilles seront proposées. L’on trouve un peu de tout parmi les voitures proposées, mais certaines sont de véritables merveilles : outre la Ferrari California évoquée plus haut, citons les Talbot-Lago T26 Grand Sport SWB Saoutchik, Maserati A6G 2000 Gran sport Berlinetta Frua, Delahaye 135 M Cabriolet Faget-Varnet, Facel Vega Excellence, Hispano-Suiza H6B Cabriolet et autres Bugatti Type 57.
Parce que nombre de voitures quitteront ensuite la France. Il y du beau monde dans ce catalogue, mais il y a fort à parier que les modèles qui atteindront les prix les plus élevés quitteront l’Hexagone pour intégrer des collections lointaines. « On n’a pas vraiment aidé les collectionneurs dans notre beau pays, qui n’ont pas de statut, et ne sont pas considérés alors même qu’ils participent à la sauvegarde du patrimoine. A partir d’un certain prix, les voitures partent : Etats-Unis, Russie, pays du Golfe, Chine… J’encourage nos collectionneurs à être courageux, mais c’est difficile. », déclarait ainsi Hervé Poulain à Caradisiac. Bref, c’est la première et dernière fois que l’on pourra approcher nombre de ces voitures.
Parce que les prix des voitures anciennes atteignent des sommets. 27,7 milliards d’euros : c’est le montant global des ventes de voitures de collection dans le monde en 2013. Un chiffre en hausse constante et régulière depuis qu’une véritable « rétromania » frappe partout. Chez nous, les dernières ventes aux enchères ont été de véritables succès, avec par exemple en février 2014 quelque 30 millions d’euros sous le marteau d’Artcurial Motorcars en marge de Rétromobile. Sur l’année, la société totalisera d’ailleurs près de 50 millions d’euros de volume de ventes, soit une augmentation de 67 % par rapport à 2013 ! Les voitures de collection représentent un placement-plaisir des plus rentables : d’après le Hagi Top index (émanation du Financial Times), le marché aurait augmenté de 400 % entre 2003 et 2013. La cote des Porsche 911 « classic » résume à elle seule cet engouement, avec un rendement supérieur à +400 % en dix ans pour une 2.4S de 1971, laquelle ne valait guère plus de 8 000 € dans les années 90. Difficile de trouver évolution plus spectaculaire. L’on en avait eu confirmation le 2 novembre dernier, lors de la septième édition de la vente «Automobiles sur les Champs » organisée elle aussi par Artcurial : une Porsche 911 Carrera 2.7 Targa de 1974 y avait été adjugée 232 400 € et une 911 2.4 S Targa (1972) 212 200 €. Deux nouveaux records qui, s’ils peuvent traduire un effet-bulle, s’inscrivent tout de même dans un mouvement de fond. De bon augure pour demain après-midi !
Parce qu’Alain Delon n’est pas content. Une petite polémique pour terminer, avec une déclaration d’Alain Delon : « la maison de ventes Artcurial se sert de mon nom pour faire monter les prix. J’ai eu cette Ferrari (la 250 California Spider, estimée entre 10 et 12 millions d’euros NDLR) entre 1963 et 1965 au moment du film le Guépard. Je l’ai revendue il y a donc cinquante ans »
Des bielles au bois dormant, des collectionneurs prêts à toutes les folies, et même une star mécontente : tous les ingrédients d’un succès sont réunis. Demain, le marteau va chauffer !
Reportage photos : Serge Pissot
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