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Yamaha Motor France - Interview exclusive d'Eric de Seynes: "Il n'y a pas de motophobie en France"

Dans Moto / Pratique

André Lecondé

Yamaha Motor France - Interview exclusive d'Eric de Seynes: "Il n'y a pas de motophobie en France"

Il est celui qui a pris les commandes de l'entreprise Yamaha Motor France, en lieu et place d'un Jean Claude Olivier au parcours de pionnier. Ce simple énoncé dimensionne immédiatement l'ampleur de la tâche qui attend Eric de Seynes. Une mission qui devra, qui plus est, être assumée dans une conjoncture pour le moins morose. Mais l'homme ne part pas de rien et vient encore moins de nulle part. Le verbe posé, le regard clair et le ton assuré, il s'est entretenu exclusivement avec nous pour nous livrer son sentiment sur sa nouvelle fonction et la place actuelle de la moto dans la société. Et qu'on se le dise, tout n'est pas si grave, tandis que la « motophobie », stigmatisée par certains, relève plus de l'enjeu politique que de la réalité sociale.


Eric, vous succédez à Jean Claude Olivier à la tête de Yamaha Motor France au moment où l'on semble changer d'époque. JCO a progressé dans un marché ouvert où tout semblait sourire à la moto. Aujourd'hui elle subit de plein fouet la crise et elle est mise à l'index par une « motophobie » ambiante. Comment allez-vous faire face à cette nouvelle conjoncture, forcément hostile ?


Avant toute chose, je tiens à dire qu'il n'y a pas de « motophobie » en France. Je roule à moto depuis plus de trente ans et dans les années soixante dix il fallait faire attention sur le périphérique car certains automobilistes n'hésitaient pas à vous serrer contre le rail. Ce genre de comportement n'a aujourd'hui plus cours. On facilite même à présent la progression du deux roues motorisé. La moto et le scooter sont très bien intégrés. Ce sont des engins qui font envie, ce ne sont pas des repoussoirs. Ils se sont installés dans la plupart des foyers, nous avons à faire à des consommateurs avertis, c'est un secteur qui a énormément progressé. Non, son image est positive, son intégration sociale est réelle.


Et pourtant la FFM, la FFMC, Codever parlent de « motophobie ».


Là nous sommes sur le terrain du politique. Il y a actuellement une pression sécuritaire et écologiste qui alimente le débat. Il est sain en soi, cela peut être constructif. Mais il faut s'y positionner. En dix ans, le nombre de tués en deux roues motorisé est resté stable quand le parc roulant a plus que doublé. Il faut sans cesse le rappeler. Jusque là, la stratégie relevait plus du « vivons heureux, vivons caché ». Les acteurs que vous venez de citer ont changé de stratégie et interpellent à présent le politique en s'exprimant sur un certain nombre de mesures qui cible directement la pratique de la moto. C'est une évolution. Maintenant, Jacques Bolle parle surtout au titre de la compétition. Les deux tiers des licenciés de la FFM sont concernés par les disciplines tout-terrain. Il y a donc un réel enjeu de ce point de vue.


Yamaha Motor France - Interview exclusive d'Eric de Seynes: "Il n'y a pas de motophobie en France"


Où en est-on de la crise ?


Il y a des crises. Si l'on se place dans la peau du financier, on se dit qu'on en voit le bout. Si l'on se met à la place de l'industriel, on en est au stade de l'adaptation de l'outil industriel, ce qui est assez lourd à faire. Et si on est consommateur, on est dans l'expectative et on diffère son achat. Le cycle du marché français de la moto est d'environ cinq ans. Depuis quatre ans, il a été haussier, la conjoncture a certes accentué le phénomène, mais de toute façon, il était mécaniquement normal qu'il se calme. De la même façon, il repartira, et d'autant plus lorsque les signaux de confiance rassureront les ménages. Nous ne sommes pas tombés dans un puit sans fond. A court ou moyen terme, le cercle vertueux reprendra.


Yamaha a gagné tous les titres mondiaux possibles en 2009. Et pourtant, la marque subit de lourdes pertes. Gagner le dimanche ne signifie donc pas vendre des motos le lundi ainsi qu'aimait le répéter Barry Sheene ?


Lorsque l'on s'engage dans une compétition, mieux vaut dans l'absolu finir premier que second. Mais se persuader qu'il y ait une corrélation automatique avec le volume des ventes serait trop facile. La réalité du marché est autre. Cela dit, la compétition affirme la valeur de la marque, insuffle un esprit positif, tant aux clients qu'aux concessionnaires. C'est un facteur d'estime, un levier positif sur le long terme. C'est un élément important dans un marché chahuté où l'on voit des marques surgir. La compétition solidifie l'édifice de la marque, c'est un rempart contre le temps. Elle apporte des valeurs à partager avec les clients.


Il fut un temps où Yamaha sortait jusqu'à 14 nouveaux modèles. De ce point de vue, quelle est la stratégie de Yamaha cette année ?


14 modèles, c'était l'année exceptionnelle de 1996. La période est différente et pour 2010, on peut parler de 8 nouveautés : la YBR 125, le BW's 125, les X Max 125 et 250, la YZF 450, la XJ6F, la FZ8 et la Super Ténéré. Yamaha est un constructeur généraliste . Il est présent dans plusieurs segments, il défend un réseau de distribution à 70% monomarque. Nous avons une vraie responsabilité vis-à-vis d'eux et nous sommes en place avec la largeur de notre gamme et un tel rythme de renouvellement.


Yamaha Motor France - Interview exclusive d'Eric de Seynes: "Il n'y a pas de motophobie en France"


L'intégration du deux roues dans l'environnement quotidien reste un enjeu majeur pour le monde de la moto. En 2010, quelle est la stratégie de Yamaha dans ce domaine ?


Sur ce plan, Yamaha travaille très étroitement en association avec le réseau. Il a un rôle majeur sur le sujet. La volonté de la marque est de ne pas laisser diluer dans le temps l'intérêt du client. Nous encourageons la pratique du deux roues auprès d'une nouvelle génération, comme auprès de l'ensemble de nos clients sur le terrain, par des programmes variés, sorties, stages, clubs, etc... Enfin Yamaha maintient ses investissements dans les produits d'avenir et les nouvelles technologies électriques ou autres. A titre d'exemple, la marque a vendu, en 2009, au Japon, près de 300.000 vélos PASS à assistance électrique.


Diriez-vous au sujet de cette succession qu'à un conquérant audacieux tailler à la serpe succède un homme consensuel, en rondeur et plus en phase avec les enjeux de cette nouvelle époque ?


Non, je dirai qu'il y a continuité. Le paquebot Yamaha a changé de Capitaine sans escale au port. Il n'a pas changé de vitesse ni varié son cap. Avec JCO, nous avons partagé la même vision. J'ai passé 23 ans à ses côtés, j'ai épousé ses contours et jamais il n'y a eu un doute sur la solidité de la trace suivie. La forme et le caractère comptent peu. C'est l'addition des actions et la fédération des énergies qui ont fait Yamaha France. Je suis enthousiaste et heureux aujourd'hui de poursuivre la route avec nos collaborateurs et tous nos concessionnaires.


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