Voiture vs bicyclette : ennemies ou complémentaires ?
Jérémy Fdida , mis à jour
Depuis le déconfinement, cyclistes et automobilistes cohabitent en ville dans un climat tendu à la suite d’aménagements précipités de l’espace urbain au profit de pistes cyclables. Le vélo est présenté comme la solution vertueuse tandis que la voiture devient le symbole de l’égoïsme et du mal de ce monde. L’automobile est-elle le cœur du problème ou le bouc émissaire ?
« Le monde d’après » est l’expression tendance du moment pour qualifier notre société depuis la sortie du confinement. Une sortie qui a suscité des inquiétudes quant aux transports en commun (TEC) où les distances entre individus sont difficiles à respecter.
Cela a engendré un engouement historique pour le vélo et la création incroyablement rapide de pistes cyclables temporaires, aussi bien dans les grandes agglomérations comme Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille que dans les petites villes en périphérie des métropoles.
Une mutation forcée et accélérée avec une adaptation temporaire parfois maladroite de l’espace urbain. Résultat : des kilomètres de bouchons plus visibles que d’habitude et l’automobile sur le banc des accusés.
Une pollution calibrée
La voiture est un outil de déplacement qui représente aussi le troisième plus gros investissement du foyer (12,9 %) derrière le logement (26,3 %) et la nourriture (13,3 %). Pointée du doigt comme gouffre financier, la voiture était synonyme d’endettement. Pourtant, les choses ont changé. Le crédit à la consommation lancé en 1919 par General Motors a fait place à un système de location : la LOA (Location à Option d’Achat) ou la LLD (Location Longue Durée) ont représenté 76 % des acquisitions de véhicules neufs en 2019.
Avec ce système, la voiture n’est plus un bien que l’on possède mais une utilisation que l’on loue en définissant en amont son usage (kilométrage, années d’utilisation).
Cela signifie qu’à la signature d’une LOA, on a une bonne idée du taux de CO2 que rejettera le véhicule sur la durée de location. De quoi anticiper, même avec une petite marge, le coût général qui y correspond.
Pour rappel, c’est ce gaz à effet de serre qui est « monétisé » depuis 2005 par le marché carbone. En 2019, la tonne de CO2 coûtait 49,54 € et devrait atteindre les 90 € en 2030. Ajoutons à cela le malus écologique, conséquence d’une taxe carbone instauré en France en 2014 et on obtient le paiement de la pollution générée par le véhicule. Donc difficile pour l’État d’interdire ce qui a été payé selon le barème qu’il a lui-même instauré.
La question n’est pas de savoir si c’est bien ou mal pour la planète (puisque consommer est néfaste et pollue) mais si, dans la structure économique actuelle, la voiture a sa place comme outil de déplacement particulier au niveau écologique : la réponse est oui. Seul un élément peut fausser cette estimation : le trafic.
Les embouteillages, le réel coupable ?
Avec 237 heures perdues par an (10 jours) dans un trafic congestionné, les conducteurs parisiens et sous-entendu ceux venant de l’extérieur (petite et grande couronne) pour travailler dans la capitale sont 4e au classement du temps perdu dans les bouchons. Cette configuration est similaire dans toutes les métropoles.
À cette congestion s’ajoutent les feux, les piétons qui traversent, etc. Résultat, la vitesse moyenne de circulation pour atteindre les métropoles aux heures de pointe est faible : 15 km/h en ville, c’est 10 km/h de moins que le métro et autant que la moyenne à vélo. Une moyenne qui risque d’augmenter grâce aux pistes dédiées et aux vélos dont l’assistance électrique aide à l’effort jusqu’à 25 km/h.
Il y a désormais 39,3 millions de véhicules en circulation. C’est énorme, mais tous ne roulent pas en même temps et pas au même endroit. Or, les nids à emplois sont situés pour la majorité dans les métropoles : Lille, Bordeaux, Paris, Toulouse, Marseille, Lyon, Montpellier, etc.
La loi de l’offre et de la demande étant inéluctable dans notre économie actuelle, les loyers dans ces zones sont inaccessibles à la majorité des personnes actives. La seule solution est de s’éloigner et qui dit distance rallongée dit temps de trajet accru. La voiture ou le cyclomoteur deviennent les solutions logiques avec les transports en commun s’il y en a. Ces transports mis de côté à cause du Covid-19.
Malheureusement, et malgré un aménagement urbain pensé pour l’automobile (parkings, routes, feux de signalisation), le flux entrant et sortant est trop important pour être contenu.
Pour remédier à ce problème, deux solutions viennent de suite à l’esprit :
- Penser une infrastructure en deux étapes permettant l’emploi de la voiture sur une partie du trajet et offrir une solution alternative avec une jonction adaptée pour la finalité du trajet.
- Réorganiser la géographie de l’emploi.
Donc la voiture n’est pas le problème : c’est le système et sa structure qui atteignent aujourd’hui une limite.
Le vélo, un remède pas si miraculeux
Le vélo apparaît comme la solution miracle : il est peu cher, facile à utiliser, bon pour la santé, silencieux, ne rejette pas de gaz nocif. Bref, sur le papier il représente l’engin idéal. Dans la réalité, ce n’est pas le cas. Le vélo comme la voiture est un outil de déplacement, il est donc restreint.
Nous pouvons retenir 3 limitations importantes.
Première limite : la distance
S’il est idéal sur les courtes distances, le vélo perd de sa superbe dès que le tracé s’allonge. Avec une vitesse moyenne de 15 km/h, on peut estimer la distance maximum gérable à vélo à 30 km aller et retour.
La distance reste toutefois une limite dont on peut s’affranchir, soit par envie, habitude, ou grâce à l’apparition des vélos à assistance électrique, qui permettent de repousser l’effort mais aussi de le contrôler.
De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le froid et la pluie ne sont pas les plus grands obstacles à l’utilisation. Le trafic baisse certes, mais reste important, notamment à Paris.
Notons qu’en cas de nouvelle crise liée au COVD19 l’hiver prochain, ces mesures devraient être vues à la hausse, toujours par peur des transports en commun.
Seconde limitation : le vol
Il se dérobe 1 076 vélos par jour en France. Avec la recrudescence de cyclistes des derniers mois, le chiffre de 2020 risque d’être encore plus dramatique. Malgré les plaintes, les vélos disparus ne réapparaissent jamais.
Si les pistes cyclables fleurissent, les solutions permettant de protéger les vélos tout comme de les garer dehors sont quasiment inexistantes.
Troisième limite : l’infrastructure
Faire cohabiter voitures et vélos est tout à fait possible. Mais cela nécessite bien plus qu’un coup de peinture sur le sol et quelques panneaux. Or, cette infrastructure sécurisante est le plus gros frein à l’adoption du vélo.
La voiture est un cocon qui protège de l’extérieur. À vélo, on est autant exposé qu’un motard, plus léger, plus vulnérable. Rien dehors n’est, en France, réellement adapté à un déplacement à vélo dans un flux de circulation. Les marquages sont parfois interrompus et incohérents, les directions des routes illogiques. Il y a un travail énorme à accomplir en matière de sécurité. Prendre son vélo c’est se mettre en danger, un risque difficile à accepter et délicat à faire prendre aux autres.
Un signe précurseur d’un monde qui doit changer
Si cyclistes et automobilistes s’affrontent, à coups de tweets ou joutes verbales, la voiture et le vélo, eux, ne s’opposent pas. Ce sont deux moyens de circuler dont les champs d’action, s’ils se croisent parfois, restent suffisamment différents pour justifier leurs existences. Un marteau et un tournevis ne se remplacent pas, ils se complètent. Il n’y a donc aucun camp à choisir et on peut décemment utiliser l’un et l’autre sans qu’il n’y ait d’infidélité.
Or, la voiture est fustigée, à tort. Elle est un moyen agréable de se déplacer, de parcourir le monde et dont la pollution reste très contenue dès lors qu’elle embarque plusieurs passagers sur de longs trajets.
Il est vrai que sur les trajets courts, elle n’est pas idéale, d’un point de vue logistique comme écologique. Mais elle est, pour beaucoup, une réponse accessible, immédiate et sécurisante à un réseau de transports en commun saturé en heures de pointe. Le vélo est certes un excellent outil de déplacement, bon pour la santé et le moral, mais il ne bénéficie pas encore des structures permettant de s’en servir en sécurité.
La voiture et le vélo ne sont donc pas en concurrence. Ils offrent des solutions complémentaires bien que perfectibles, en attendant que le réseau de mobilité en ville et en périphérie trouve un nouveau souffle et s’adapte parfaitement aux besoins d’aujourd’hui.
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