Qui veut jouer à la loterie du permis de conduire ?
Selon une enquête réalisée par Opinion Way pour Point S et publiée à grand bruit par le journal Le Parisien, 40 % des 18-24 ans n'auraient pas leur permis. Un chiffre qui aurait augmenté par rapport aux 35 % d'une enquête de la Prévention routière en 2013.
Forcément, les confrères ont trouvé des brouettes d'explications : le coût de la formation en rapport avec un taux de chômage de 25 % dans cette classe d'âge, le prix des smartphones, la concurrence de Blablacar et des bus Macron qui rendent le permis plus dispensable, l'amélioration des transports en commun dans la capitale et les métropoles régionales, le développement du vélo et même la perspective de la voiture autonome. Et pourquoi pas celle de la téléportation ou l'essor de la voiturette ?
Et si tout simplement, de plus en plus de jeunes refusaient de jouer le jeu de la petite galère sadique que sont peu à peu devenues les épreuves pratique et théorique ?
Ce qui m'étonne toujours concernant l'examen du permis de conduire, c'est de voir comment parvient à perdurer une "institution" qui n'a jamais fait la moindre preuve de son efficacité en termes de sécurité et dont les innombrables réformes n'ont pas donné le moindre résultat sur la mortalité des conducteurs "A". Un examen dont bon nombre de pays ont fait une simple formalité sans que leurs jeunes se tuent plus sur la route que les nôtres.
Je ne vais pas refaire le procès du permis B, je l'ai fait là et une seconde fois là, juste pointer deux faits statistiques qui démontrent son inanité et son injustice.
Les femmes conduiraient moins bien que les hommes ?
D'abord, la différence de taux de réussite entre hommes et femmes - 64 % contre 54 % - alors que ceux-ci sont trois fois plus victimes d'accidents de la route que celles-ci et surtout cinq fois plus souvent responsables. Cela veut dire une chose, l'examen sanctionne plus le bien conduire que le bien se conduire. Tous les moniteurs le disent : le gibier de Samu type, le gamin sûr de lui, rapide et intrépide décroche son B haut la main après le minimum réglementaire de 20 heures de conduite. Alors que le conducteur timoré, pas à l'aise, stressé, celui qui ne prendra pas de risques sur la route devra aligner 30 à 40 heures et un ou deux échecs pour l'obtenir. Plus personne ne nie que l'examen est un test d'habileté et de résistance au trac et ne permet en rien d'écarter de la route les conducteurs dangereux. Alors, à quoi sert-il ?
Dans quel département faut-il passer son permis ?
Aussi étonnants, les écarts de taux de réussite d'un département à l'autre.
Qui croira que les jeunes Vendéens ou Lozériens qui ont des taux de réussite de 76 et 74 % conduisent mieux que les jeunes de Gironde (55 %) ou de Haute-Vienne (53 %). Ou que les auto-écoles y soient de qualité si dissemblables ? Comment expliquer la différence entre les candidats de Paris (48 %) et ceux des Hauts-de-Seine voisins (62 %) ?
Tout simplement parce qu'au sein d'une même préfecture, les inspecteurs se connaissent et alignent leurs taux. Comme dans toute communauté humaine, il y a des grincheux ou des généreux qui donnent le ton et dominent les débats. J'ai interviewé des inspecteurs qui avouent l'accorder à tous ceux qui ne commettent pas de faute grave, d'autres qui éructent sur la médiocrité des moniteurs, de leurs élèves, de la formation et certains même, ivres de leur petit pouvoir, soutenant que le permis de conduire a remplacé le service militaire comme indispensable rite de passage dans l'âge adulte… En d'autres termes, qui le considèrent comme un bizutage républicain.
Collectivement, ce sont les inspecteurs qui font du permis B ce qu'il est : une galère chronophage et hors de prix, un barrage sur le chemin de l'emploi.
On s'indigne que faute de place l'accès à certaines filières universitaires se joue au tirage au sort. C'est la même loterie pour l'examen du permis : d'un inspecteur à l'autre, la probabilité de réussir varie du simple à plus du double.
Chaque année, des milliers de fous furieux obtiennent le permis B haut la main et des dizaines de milliers d'autres renoncent à jamais à conduire après l'avoir raté pour la énième fois.
La Sécurité routière a commandé voici quelques années une enquête pour se faire une idée de leur nombre : on en attend toujours le résultat.
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