Quand O.J. Simpson, star du football américain, fuyait la police de Los Angeles dans un Ford Bronco
Retour sur une séquence qui a captivé les Etats-Unis et le monde. Un soir de juin 1994, 95 millions de téléspectateurs assistent en direct à la fuite d’O.J. Simpson, ex-superstar du football américain, dans un Ford Bronco roulant à faible vitesse, avec la police sur les talons.

L’image a fait le tour du monde, et reste ancrée dans la mémoire collective 31 ans après les faits. Un rutilant Ford Bronco blanc, semblant comme isolé sur l’une des nombreuses highways qui tissent leurs toiles autour de Los Angeles. Derrière lui, des véhicules de police se sont positionnés sur quatre voies, avançant de concert et formant comme une nasse.
Nous sommes le 17 juin 1994, dernier vendredi de printemps. L’ancienne gloire du football américain O.J. Simpson est suspectée d’avoir tué, cinq jours plus tôt, son ex-femme Nicole Brown, 35 ans, mais aussi Ronald Goldman, 25 ans, proche de celle-ci, serveur dans un restaurant où elle avait ses habitudes.
Il ressort des constatations que les victimes ont été poignardées sauvagement. Leurs corps ont été retrouvés dans un bain de sang, devant la villa de Nicole, dans l’allée du 875 South Bundy Drive, en plein quartier huppé de Brentwood.
Drame people en "Live breaking news"

Cette affaire, qui bouleversait déjà les Américains depuis le dimanche précédent, en raison de la violence des faits et surtout de la notoriété du mis en cause, va soudainement connaître un emballement médiatique et populaire encore plus manifeste.
Ce 17 juin en effet, la tragédie de ce double meurtre va captiver de façon radicale toutes les chaînes de télévision nationales. A tel point que l’ensemble des programmes, que ce soit l’ouverture de la Coupe du Monde de football (ndlr : qui se joue aux Etats-Unis cette année-là) ou la finale de la saison de NBA entre les New-York Knicks et les Rockets de Houston, passeront à la trappe d’une seconde à l’autre. En lieu et place, un « Live Breaking News » complètement lunaire...
Il est un peu plus de 18 heures en cette veille de week-end. Toute l’Amérique a subitement les yeux rivés sur Los Angeles et sur une séquence improbable presque digne de « Chips », de « Hooker » et autres séries policières hollywoodiennes ayant pour cadre le réseau routier de la mégalopole californienne.
A ceci près que le personnage principal n’a ici rien de fictif. Il s’agit en fait d’O.J. Simpson, la légende vivante du football américain, un colosse dont l’Amérique vient de découvrir la part sombre, et qui, de minute en minute, vacille comme hagard de son piédestal, filant à l’anglaise à bord d’un Ford Bronco.
O.J. Simpson prend la tangente
Pour comprendre la situation, il faut revenir au matin même. Alors qu’il a annoncé se rendre à 11 heures dans les locaux du LAPD (Los Angeles Police Department) pour se mettre à disposition des enquêteurs puis de la justice, O.J. Simpson a tout à coup choisi de pointer aux abonnés absents...
Après avoir passé la matinée chez son ami proche et homme d’affaires Robert Kardashian, en compagnie de Bob Shapiro, l’un des avocats chargés de sa défense, Simpson a regagné sa villa puis décidé, en effet, de prendre la fuite dans un Ford Bronco conduit par son ancien co-équipier A.C. Cowlings.
Cette cavale, toutefois, ne va pas durer bien longtemps. Le fugitif est localisé en fin d’après-midi, à la suite d’un appel qu’il aurait d’ailleurs lui-même passé au 911. Cowlings et lui roulent à ce moment-là dans le secteur de Lake Forest, dans le sud-ouest de Los Angeles, à proximité du cimetière où a été inhumée Nicole Brown la veille. Au moment où la police parvient à l’identifier dans la circulation, le Ford Bronco blanc roule sur l’autoroute 405 et remonte par le nord-ouest.
Les Caprice 9C1 en action

La scène se déroule sur l’une des artères habituellement les plus fréquentées de « la Cité des Anges », une autoroute traditionnellement engorgée où pourtant les seuls véhicules en circulation seront bientôt une dizaine de voitures de police, des Chevrolet Caprice « 9C1 » (badge spécifique à la police) et des Ford Crown Victoria, et puis cet utilitaire monochrome qui transporte une célébrité sur le point d’être déchue.
O.J. Simpson est tapi à l’arrière du 4x4, avec un revolver à portée de main. Il a menacé de se suicider. Les véhicules de police le suivent dès lors à distance, à quelques dizaines de mètres seulement, sans chercher à l’intercepter mais en échangeant régulièrement avec lui par le biais du téléphone cellulaire embarqué dans le Bronco.
Cet imposant Ford Bronco, justement, personne ne va plus le quitter des yeux : ni les téléspectateurs, ni les centaines de badauds agglutinés sur les ponts, contre le terre-plein central ou le long de l’autoroute. Tout le monde veut maintenant savoir ce qu’il va se passer.
Le Ford Bronco, 4x4 mythique

Cowlings et Simpson circulent dans un modèle de 1993, d’environ 4,60 mètres de long pour 2 mètres de large, doté d’une garde au sol de 20 cm et solidement pare-choqué.
A l’intérieur, le style est haut de gamme : commandes de bord ergonomiques, airbag au volant (ndlr : que Ford venait d’intégrer) et sièges en cuir, de type baquet à l’avant et de style capitaine à l’arrière. Sur le plan mécanique, cette 5e génération est alimentée par un moteur V8 5.0 essence développant jusqu’à 200 chevaux, en lien avec une transmission intégrale et une boîte auto à 4 rapports.
Le Bronco est un véhicule emblématique des routes américaines, un tout-terrain familial qui bat l’asphalte et les chemins creux depuis le milieu des années 60. C’est dans ce VUL robuste et luxueux appartenant à A.C. Cowlings, un exemplaire immatriculé 3 DHY 503, que Simpson a donc décidé d’un ultime tour de piste avant la case tribunal.
O.J. l'acteur tient un premier rôle

Pour quelles raisons le suspect repéré joue-t-il ainsi la montre ? Le fait-il par pure provocation, pour faire la « une » des journaux ? S’agit-il pour lui d’occuper le terrain une dernière fois sous l’œil du grand public afin de rallier à son sort des supporters ? De sa stratégie à cet instant, on ne saura finalement jamais rien…
Toujours est-il que la noria d’hélicoptères qui accompagne cet étrange convoi démontre que tous les projecteurs sont braqués uniquement sur lui, sur Orenthal James Simpson, né à Las Vegas 46 ans plus tôt, habitué à jouer avec les caméras à la ville comme à la scène.
De fait, parallèlement à son immense carrière de joueur pro (1969-1979), l’ancien meilleur demi-offensif de la NFL (National Football League) avait pris goût au cinéma. Une passion qui, à l’heure de sa retraite sportive, lui avait valu de se reconvertir à temps plein dans le métier d’acteur. Il avait ainsi, dans les années 80, enchaîné les seconds rôles dans des films d’action ou des comédies policières.
La comédie, dramatique en l’occurrence, c’est précisément ce qui semble se tramer ce vendredi 17 juin en soirée. Les moteurs V8 4,3 litres essence de 203 chevaux qui équipent à l’époque les Chevrolet Caprice 9C1 de la police ne sont clairement d’aucune utilité pour prendre Simpson en filature. Et pour cause, au volant, A.C. Cowlings évolue curieusement au ralenti, à 50 Km/h tout au plus.
Tour d'honneur puis..."Game Over"
Le public réuni en famille assiste ainsi, autour de burgers, de pizzas et de sodas, à une poursuite télévisée d’une lenteur jamais vue, une poursuite intense tout sauf fictive cependant. Elle va s’étirer sur la longueur, sur quelque 60 miles (80 à 90 km) et durer près de deux heures, jusqu’à 20 heures environ, jusqu’à ce que le mastodonte Ford de 2 tonnes ne finisse par rejoindre le domicile d’O.J. Simpson. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’icône de la NFL consentira à se livrer aux autorités, sans résistance, après de longues négociations.
Il faut savoir qu’O.J. Simpson possédait également un Ford Bronco, quasiment une copie conforme. Mais au moment de cette cavale ubuesque, son propre Bronco avait déjà été confisqué et placé sous scellé par les enquêteurs. Ils avaient en effet découvert à bord des traces du sang des victimes et pu, par conséquent, confondre l’auteur présumé du crime.
En 1995, après un procès fleuve de neuf mois archi-médiatisé, qui révélera des vices de procédures et sèmera le doute sur les preuves de culpabilité ciblant l’accusé, O.J. Simpson sera acquitté au pénal. Deux ans plus tard, il sera néanmoins reconnu coupable du double meurtre sur le plan civil et condamné à verser 33 millions de dollars aux familles des victimes.
O.J. Simpson, dont la fin de vie sera marquée par de nombreux autres démêlés judiciaires, et notamment par une condamnation à 33 ans de prison pour vol à main armée et enlèvement (ndlr : il sera finalement libéré après 9 ans, en 2017), est décédé d’un cancer en avril 2024. Le Ford Bronco dans lequel il avait embarqué en juin 94 appartient aujourd’hui au patrimoine de l’histoire criminelle. Il est exposé au Alcatraz East Crime Museum, à Pigeon Forge, dans l’état du Tennessee.
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