Peugeot rachète Opel : le rêve risqué de la grandeur
Peugeot qui rachète Opel, cocorico, tout le monde est content, des analystes aux gouvernements en passant par la Bourse. Sauf les syndicats, forcément. Faut-il être enthousiaste ? Croire que l'addition de deux poids moyens fera un poids lourd et permettre de dépasser le point mort ? Ou craindre le poids mort ?
Certes, les arguments sont forts : la taille "critique" sur le marché mondial, les synergies, la mise en commun des achats et de la recherche, le partage de plateformes, l'accès aux marchés du Nord de l'Europe où Opel serait mieux placé et réputé que les marques françaises. Sans oublier des taux d'intérêt historiquement bas qui faciliteront un investissement estimé à deux milliards d'euros.
D'accord, mais que va réellement acheter PSA ? Que restera-t-il d'Opel/Vauxhall dans le contrat de cession ? Carlos Tavares a déclaré "la question n’est pas de débattre de quelle technologie est la meilleure, la question est celle du départ de la technologie de GM et son remplacement par celle de PSA."
Est-ce à dire que PSA ne récupérera rien des plateformes 4x4 qui lui font défaut ? Ni, surtout, la technologie électrique de la nouvelle Chevrolet Volt/Opel Ampera qui lui ferait rattraper son retard ? Et qui fabriquera et vendra en Chine les Opel estampillées Buick ?
On verra bien. En attendant, ce qui me gène dans cette "alliance", au-delà du rachat d'un malade par un convalescent, c'est son côté Bouvard et Pécuchet, Roux & Combaluzier. Opel et Peugeot, ce n'est pas Roméo et Juliette, ni même Laurel et Hardy. Où est la complémentarité ? Je ne vois que rivalité.
L'Alfa ou l'Omega ?
Est-ce d'une autre marque généraliste honorablement connue et sans histoire dont avait besoin Peugeot, elle-même honorablement connue et sans histoire ? Que manque-t-il vraiment à PSA ? Des usines ? Une gamme concurrente de la sienne et une autre marque plan-plan à ajouter à Citroën, Peugeot et DS ?
N'est-ce pas plutôt le parfum de luxe ou de sport que la marque DS peine à lui prodiguer ? Des occasions ont été manquées, comme Volvo, Saab et Jaguar. Une autre, plus anecdotique, vient de l'être avec le rachat de Proton sans Lotus, lâché au chinois Geely. Lotus qui aurait pu être le pendant d'Alpine chez Renault.
Fallait-il viser Opel plutôt qu'Alfa Romeo, que Volkswagen n'est plus en mesure de s'offrir ? Ou même la moribonde Lancia qui ne doit pas valoir une fortune ? Une seule usine à reprendre, une marque qui fut mondialement connue et ne demande qu'à retrouver son lustre, un blason caméléon qui ouvre des possibilités dans la petite voiture chic comme dans le luxe ou le sport.
Entre les deux pinces de l'étau
Derrière mes interrogations de comptoir se cache la question cruciale, celle qui vaut vie ou mort dans l'industrie automobile : le client a-t-il envie d'acheter mes voitures ? Et pour satisfaire cette envie, combien est-il prêt à dépenser ? C'est toute la panade des Peugeot, des Citroën et des… Opel, des voitures honnêtement conçues et fabriquées, qui en termes d'ingénierie ou de qualité n'ont pas grand-chose à envier aux meilleures allemandes. Mais qui ne suscitent pas l'irrépressible envie de signer un chèque de 24 000 €, prix moyen d'une voiture neuve en France.
C'est pour cela qu'on les retrouve - à l'exception de quelques SUV - bradées sur les sites des mandataires voire sur le bon coin à la rubrique "occasion 0 km".
Partout dans le monde, le salut se joue dans le haut de gamme ou dans le low cost, les deux pinces de l'étau qui met à mal les constructeurs généralistes. Et à défaut, dans le high-tech (Toyota hybrides), le nostalgique (Mini, Fiat 500…) ou le mythe germanique (groupe Volkswagen).
PSA, pas plus qu'Opel, n'opère dans ces créneaux-là. Proposer de bonnes voitures à un prix raisonnable ne suffit plus, ceux qui ont les moyens d'acheter du neuf s'offrent certes un design, des performances, des prestations, des équipements, mais avant tout un logo. C'est la force du logo sur la calandre qui permet de vendre fort cher une Mercedes à moteur de Kangoo ou une Audi pas très différente d'une Skoda.
Nous sommes dans un monde de marques et d'apparence et toutes les stratégies industrielles et financières n'y changeront rien.
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