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Michel Forissier (Valeo): "Il y a un combat à mener pour la voiture électrique populaire."

Dans Futurs modèles / Technologie

Pierre-Olivier Marie

Pour le grand patron de l'ingénierie du groupe Valeo, l'électrification est une chance pour l'automobile.

Michel Forissier (Valeo): "Il y a un combat à mener pour la voiture électrique populaire."

Le saviez-vous ? L’une des pépites mondiales de la tech automobile est française, il s’agit de l’équipementier Valeo, entreprise qui a dégagé en 2021 un chiffre d’affaires de plus de 17 milliards d’euros et emploie 103 000 personnes à travers la planète.

Elle compte 64 centres de Recherche & Développement et travaille avec tous les constructeurs automobiles, à qui elle fournit des solutions technologiques qui vont du simple phare au Lidar de dernière génération équipant les Mercedes EQS et Classe S, lequel ouvre la voie à la conduite autonome. Valeo est le premier fabricant d’équipements électriques automobiles au monde, et équipe 30% des voitures produites.

La société estime que le marché des véhicules électriques et des nouvelles mobilités devrait représenter 90 milliards d’euros en 2025, et atteindre les 200 milliards en 2035. Quant aux aides à la conduite (Adas), elles devraient passer de 25 milliards en 2025 à 120 milliards d’euros en 2035.

Michel Forissier (Valeo): "Il y a un combat à mener pour la voiture électrique populaire."

Valeo organise régulièrement des événements confidentiels « Ride & Drive », où elle convie les constructeurs automobiles pour leur présenter des équipements sur lesquels elle travaille. Du Lidar de troisième génération, attendu en 2024, au système « odorfree » qui neutralise les mauvaises odeurs dans l’habitacle par une stimulation du nerf olfactif, en passant par une conduite à distance qui permet par exemple de déplacer les voitures dans un parking ou quand elles arrivent en bout de chaîne à l’usine, la compagnie ratisse extrêmement large.

Jeudi 24 mars, Caradisiac a eu le privilège de pouvoir participer à l’une de ces journées Ride & Drive, à laquelle étaient présents des représentants de constructeurs allemands.

Rendez-vous était donné au Circuit Jean-Pierre Beltoise, à Trappes (78), où sous un beau soleil printanier les ingénieurs venus d’Outre-Rhin avaient tout le loisir d’échanger avec leurs homologues de Valeo et de tester les différents prototypes disponibles.

Phénomène intéressant, on a pu constater que les invités se sont longuement penchés sur des prototypes de modèles électriques low-cost également présentés par Valeo.

La Citroën AMI dispose d'un moteur développé par Valeo.
La Citroën AMI dispose d'un moteur développé par Valeo.

Si l’entreprise est très impliqué dans les hautes technologies, elle travaille aussi énormément sur les solutions de mobilité électrique accessibles à tous. Caradisiac a ainsi eu l’occasion d’échanger avec Michel Forissier, le grand patron de l’ingénierie du groupe, un homme aussi passionné que passionnant à écouter, car il dispose d’une vision à 360° des enjeux de l’automobile de demain. Interview.

Michel Forissier l'assure: l'industrie automobile est en train de faire sa révolution.
Michel Forissier l'assure: l'industrie automobile est en train de faire sa révolution.

Le thermique est-il fichu ?

Quoi qu’on fasse sur le thermique, on ne descendra pas sous les 80 g de CO2/km. L’électrification est la seule solution si l’on veut tendre vers le « zéro carbone ».

Le problème, c’est que la mobilité électrique est encore onéreuse.

Il existe deux types de mobilité. La première concerne les grands trajets sur autoroute, mais elle est minoritaire. Les trajets du quotidien, ou commuting, représentent 90% des usages. Pour ça, des voitures électriques de 35 ch, avec notre système de propulsion 48V, suffisent amplement. Il est inutile de verser dans une surenchère de puissance et de poids.

Des voitures comme la Citroën AMI, c’est une des solutions que vous préconisez ?

Pour l’AMI, c’est l’alterno-démarreur de la Golf qui fait office de moteur. On lui a greffé une boîte de vitesses à courroie, et cela nous donne un groupe motopropulseur (ou GMP, NDLR) pas cher. Il y a un combat à mener pour la voiture électrique populaire. Il faut lutter contre ce tropisme de la montée en gamme.

Ce serait la fin du « toujours plus » en matière automobile ?

Plus la masse est élevée, plus on consomme de l’énergie. On fait des tanks électriques qui sont certes de belles voitures, mais dont la conception s’opère au détriment de l’efficience. On est au début de l’ère de l’électrique. Les batteries vont perdre en poids et gagner en efficience. Or, l’allègement amène l’efficience qui amène le range (rayon d’action, NDLR).

Cela signifie que les constructeurs doivent faire leur révolution ?

La vie n’est pas facile pour les constructeurs automobiles. Les voitures sont soumises à des contraintes réglementaires multiples, qui entraînent des investissements lourds. S’ajoutent à cela les coûts des matières premières et celui des nouvelles technologies... Pour autant, quand on se projette à 10-20 ans, on se rend compte qu’on ne peut plus continuer comme on l’a fait jusqu’ici. Le « business as usual », c’est terminé. Le réchauffement climatique est une réalité, et l’industrie automobile est en train de faire sa révolution.

Cela va entraîner une modification de l’offre ?

Michel Forissier (Valeo): "Il y a un combat à mener pour la voiture électrique populaire."

On va revenir à la berline, car le SUV est une aberration aérodynamique. Dans le même temps, on peut s’intéresser au cas d’une petite voiture électrique chinoise, la Hongguang Wuling (photo), qui va arriver en Europe. On peut imaginer qu’elle va plaire : elle fait le mariage de l’électrique, du style et de l’accessibilité.

 

Le recyclage est un autre axe de travail pour réduire l’empreinte carbone de l’automobile.

D’après nos études, on pourrait recycler en moyenne 90% des composants des pièces que les garagistes se contentent de remplacer. Sur un alternateur, pour ne donner que cet exemple, il suffirait généralement de changer les roulements pour que ça reparte ! Et quand on ne peut plus réparer, on peut encore récupérer les matériaux. Maintenant que l’on va avoir une tension croissante sur les matières premières, les solutions de recyclage et de réemploi vont prendre de plus en plus d’importance.

Il y a donc de l’espoir pour l’automobile ?

L’automobile est en train de se réinventer, et c’est passionnant. Faisons là sympa, propre, sûre et intelligente. Il y a 42 ans que je suis dans la bagnole, et c’est aujourd’hui qu’on s’amuse !

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