Lettre ouverte de la FFMC au nouveau ministre de l'Intérieur
Lettre ouverte de la FFMC à Bruno Le Roux, ministre de l'Intérieur, le sujet : dénoncer la surenchère réglementaire de la Sécurité routière avec en ligne de mire la complexité de l'étiquetage des gants désormais obligatoires.
En guise de bienvenue la FFMC adresse au nouveau ministre de l'Intérieur une lettre ouverte visant à alerter Bruno Le Roux sur la question du port des gants tout en lui souhaitant : « bon courage… car ça ne va pas être facile » comme le soulignent les motards en colère dans leur communiqué. La FFMC revient donc sur la question d'homologation des gants (obligatoires depuis le 20 novembre dernier) mais surtout sur l'aspect relatif à l'étiquetage des homologations avec ses subtilités : EPI, EPI Moto, CE… norme EN-13594, directive CE 89/686… pas évident tout ça tant pour le motard que pour les forces de l'ordre ou les équipementiers…
La lettre est signée France Wolf, coordinatrice du bureau national de la Fédération Française des Motards en Colère.
"Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
Depuis le 20 novembre 2016, la Direction de la sécurité et de la circulation routières (DSCR) impose à tous les utilisateurs (conducteurs et passagers) de véhicules à deux ou trois roues motorisés de porter des gants de protection « homologués », homologation dûment certifiée par un étiquetage rendu obligatoire sur les gants. Les contrevenants à cette réglementation s'exposent à une amende de 68 € et le retrait d'un point sur leur permis de conduire.
A ce titre, si cette obligation est si indispensable, vu que le prix de l'amende correspond au prix moyen d'une paire de gants de moto, pourquoi ne pas permettre aux imprudents qui roulent sans gants, de suspendre le paiement de l'amende le temps de justifier l'achat de cet équipement, facture à l'appui et sans retrait de point ? Cette alternative aurait au moins pu passer pour une mesure « pédagogique »…
Car porter des gants à moto, ça va de soi… produire un règlement pour y obliger, ça se discute, mais associer cette obligation à une « homologation » aussi floue qu'incompréhensible, sans se soucier de la réalité des fabricants, des vendeurs et des usagers que cette nouvelle loi est censée protéger, ça n'est pas acceptable et nous tenions à vous en alerter.
Dans la communication publique de la DSCR, cette obligation fait référence à la directive européenne 89/686/CEE, directive globale relative aux « équipements de protection individuelle » (EPI) qui ne précise pas l'usage « moto ». Le décret 2016-1232 et l'article R431-1-2 du 20 septembre rendant le port des gants obligatoire indiquent ceci : "En circulation, tout conducteur ou passager d'une motocyclette, d'un tricycle à moteur, d'un quadricycle à moteur ou d'un cyclomoteur doit porter des gants conformes à la réglementation relative aux équipements de protection individuelle."
Les textes précisent donc que les gants doivent être des EPI, mais pas "EPI Moto", pas plus que le décret ne précise la mention "CE". Donc, les gants « homologués » sous la norme relative à la directive CE 89/686 sont des EPI, mais ils ne portent pas le logo de la norme EN-13594 relative aux gants « moto », puisque tout simplement cette norme n'existait pas encore. Les EPI de la directive CE 89/686 n'avaient pour seule obligation que de se voir apposer la mention CE. La norme EN-13594 a été créée en 2013 (EN-13594:2013) et était spécifique aux gants moto alors que la norme précédente était généraliste. Quand elle est sortie elle n'était pas obligatoire, car non applicable dans sa première version. En effet, cette norme faisait référence à la notion de "à dire d'expert", qui veut dire ce qu'elle veut dire, soit pas grand-chose (qui est expert, qui le nomme ?...). La norme EN-13594:2013 "à dire d'expert" a été remplacée en 2015 par la norme EN-13594:2015. Cette nouvelle norme donne aux fabricants un délai pour faire le réassort de leur stock (afin de ne pas jeter des gants tout neuf) jusqu'en 2018. On reconnait un gant EN-13594:2015 par le logo symbolisant un deux-roues motorisé, qui comporte maintenant une précision quant au niveau de protection, si le gant est équipé de coques, ou pas, mais aussi, par le numéro de la norme sous le logo.
C'est compliqué, n'est-ce pas ? Attendez, ce n'est pas fini car il est demandé aux usagers de respecter cette réglementation incompréhensible et aux agents verbalisateurs de contrôler la présence d'une étiquette de conformité sur les gants censée se référer à une « norme » qui n'est pas mentionnée dans le décret, alors que ce décret qui impose le port des gants « conformes à la réglementation relative aux EPI » n'indique nulle part que l'étiquette de certification doit figurer sur le produit, l'absence d'étiquette ne signifiant pas que le produit ne soit pas conforme à la directive 89/686/CEE.
Ajoutons à cela que les inspecteurs du permis de conduire (qui sont des prescripteurs de la sécurité routière) exigent, lors des présentations d'élèves à l'examen, que l'étiquette CE + le logotype « moto » soit présent dans les gants du candidat. Or, si l'étiquette CE prouvant que le produit a été « certifié » (ce qui ne veut pas dire qu'il a été testé) est devenue obligatoire depuis l'obligation du 20 novembre du port des gants dits « homologués », le logotype « moto » qui garantit juste le respect d'une norme de fabrication ne l'est pas… contrairement à ce qu'affirme la DSCR, les inspecteurs du permis de conduire et les policiers chargés de contrôler.
Résultat, les usagers (mêmes bien équipés) ne savent plus si ils sont en règle ou pas, les vendeurs et fabricants de ces équipements n'en savent pas davantage, en plus de se trouver avec des stocks de gants homologués CE (donc conformes à la législation) qui deviennent invendables en l'absence du logotype « moto » à cause de la communication de la DSCR. Cet imbroglio est aussi compliqué à comprendre pour les agents des forces de l'ordre qui risquent de commettre des verbalisations abusives et d'autant plus pénalisantes qu'un retrait de point du permis de conduire peut injustement être retiré au conducteur incriminé.
Enfin, nous nous permettons de vous rappeler que, bien que nous soyons favorables à l'amélioration de la sécurité des quelque 3,8 millions d'usagers en 2 et 3 roues motorisés que nous représentons, cette réglementation du port des gants nous a été imposée sans concertation et alors que nous avons nettement exprimé nos doutes, tant sur la finalité de cette nouvelle règle que sur la méthode employée par les fonctionnaires de la sécurité routière pour y parvenir.
Comprenez bien, Monsieur le ministre, que cette pitoyable affaire d'étiquette et de certification pour un équipement qui ne devrait s'imposer que par simple bon sens ne serait pas si grave si ça n'était pas, hélas, si symptomatique des méthodes de la DSCR qui, comme toujours, réduit le bon sens à une surenchère réglementaire permanente… au point de mettre en colère la catégorie d'usagers de la route la plus soucieuse et la plus active en matière de sécurité routière.
Monsieur le ministre de l'Intérieur, puisque vous venez d'être nommé dans ces fonctions qui comprennent les questions de sécurité routière et de Code de la route (recevez nos félicitations), si vous pouviez veiller à ce que la Direction de la sécurité routière arrête de compliquer la vie de milliers d'usagers et de transformer des gens en règle en hors-la-loi, nous vous en serions très reconnaissants.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre haute considération."
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