Lancia Gamma Coupé (1977-1984) : l’élégance faite voiture, dès 7 000 €
Dessinée avec une grâce infinie chez Pininfarina, la Lancia Gamma coupé a pourtant été un échec commercial. Tombée dans l’anonymat, elle offre sa beauté, qui n’est pas sa seule qualité, pour bien peu cher…
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Lancia Gamma coupé est-elle collectionnable ?
Dernière Lancia qui ne doive rien à Fiat techniquement, la Gamma coupé se distingue par son caractère typique, dû à son moteur flat-four spécifique et sa suspension sophistiquée. Elle se signale aussi et surtout par son invraisemblable beauté, si on aime le style anguleux. Par ailleurs, s’étant mal vendue, l’auto est très rare, du moins en parfait état. Vu son faible prix, il est dommage de ne pas en profiter !
L’automobile, ce n’est pas que technique, c’est aussi – et surtout – humain. Ainsi, après avoir sauvé Lancia de la faillite en la rachetant en 1969, Fiat en a pris le contrôle de façon un peu brusque, et si ça a donné l’excellente Beta en 1972, les rancœurs que cela a engendré ont laissé des traces. Des antagonismes. Des humiliations. Chez Lancia, on a passé son temps à développer des solutions techniques originales, ce qui fait partie de l’ADN de la marque. Aussi, récupérer des moteurs Fiat, si brillants fussent-ils, comme cela a été le cas pour la Beta, est-il très mal vécu.
En conséquence, l’ambiance est très tendue quand on lance la conception d’une grande berline, destinée à remplacer la 2000 et la Flaminia. Fiat imagine doter ce futur haut de gamme du V6 de sa 130, une idée parfaitement logique. Seulement, les gens de Lancia vont tout faire pour que ça n’arrive pas. Le patron de la marque de luxe obtient même de la direction de Fiat l’autorisation de développer un nouveau flat-four. Seulement, les ingénieurs spécialistes de ce type de moteur, équipant la Flavia, devenue 2000, ont pris leur retraite, et leurs remplaçants n’ont pas l’expérience pour le concevoir correctement.
Les conflits génèrent des retards, et comme si ça ne suffisait pas, une loi est passée en Italie, qui taxe à 38 % les autos de plus de 2,0 l de cylindrée. Déjà qu’on a du mal à finaliser le futur 2,5 l, il faut en catastrophe en extrapoler un 2,0 l !
Dommage, car par ailleurs, l’excellente suspension de la Beta est reprise et améliorée sur la future voiture. Le schéma du train arrière inspirera celui des Thema, Kappa mais aussi Alfa 156 ! La voiture bénéficie aussi d’une très sérieuse étude en matière de sécurité passive, se dotant par exemple de barres anti-intrusion dans les portières. Son dessin est exécuté chez Pininfarina, adaptant celui du concept Berlina Aerodinamica 1800 qu’il a réalisé pour BMC en 1967. Une idée peu originale : Citroën a procédé de même pour sa CX (même si Robert Opron, qui l’a dessinée, s’en est toujours défendu), à l’instar de Rover pour sa SD1.
La grande Lancia sort juste après cette dernière, en 1976. Baptisée Gamma, elle déconcerte par sa ligne bicorps un peu bossue, mais bien vite, les spécialistes saluent les performances autorisées par son 2,5 l de 140 ch ainsi que l’excellence de son comportement routier. En même temps, Pininfarina dévoile un coupé Gamma, formellement classique avec sa ligne tricorps. Il n’était pas prévu, mais Aldo Brovarone, designer chez le grand carrossier italien (il a notamment dessiné la Dino 206), a signé une carrosserie à la beauté est telle qu’il sera commercialisé en 1977 !
Seulement, il coûte cher : 89 800 F en 1978, soit environ 49 300 € actuels. Conséquence : il se vend mal, d’autant que son tableau de bord, à l’instar de celui de la berline, manque de cachet. Mais ce qui va sceller le sort de la Gamma, ce sont les problèmes de fiabilité qui se manifestent bien vite, par la faute de la conception hâtive.
Le défaut le plus idiot tient à la courroie de distribution gauche qui, entraînant trop de périphériques dont la pompe de direction assistée, saute parfois si on démarre les roues braquées. Conséquence : le moteur casse. Par ailleurs, le débit de la pompe à d’huile est calculé trop faiblement, ce qui entraîne des déjaugeages en virage. Enfin, le thermostat défectueux provoque des surchauffes. Comme ces erreurs ne seront corrigées que trop lentement, la Gamma s’attire une réputation méritée de non-fiabilité.
Des correctifs sont appliqués en 1979, cependant qu’en 1980, le moteur bénéficie d’une série de 250 modifications, alors qu’une version à injection électronique vient chapeauter la gamme. Pourtant, la puissance ne progresse pas. À l’extérieur, la calandre est modifiée et des jantes de 15 pouces apparaissent.
À l’intérieur, les commandes de chauffage sont modifiées, à l’instar du levier de vitesses, alors que la monte devient digitale. La sellerie perd de son originalité, en adoptant des revêtements dessinés par Ermenegildo Zegna. Mais la messe est dite : les ventes ne remonteront jamais. La Gamma, berline et coupé, termine sa carrière en 1984. 3 546 coupés Gamma 2,5 l seront produits, 2 337 en phase 1 et 1 209 phase 2. En 2,0 l, les chiffres sont à peine inférieurs : 1 978 en phase 1 et 1 265 en phase 2. Soit un total de 6 789 autos. Un camouflet pour la dernière production 100 % Lancia…
Combien ça coûte ?
Un coupé youngtimer de haut de gamme dessiné par Pininfarina, ça doit être cher. En fait, non. On trouve la Gamma coupé en bon état dès 7 000 €, et à 10 000 €, on peut exiger une auto vraiment irréprochable. Pas de différence notable entre les phases 1 (corrigées) et les phases 2.
Quelle version choisir ?
Objectivement, les versions à injection sont moins capricieuses que celles à carburateur. Mais ces dernières, si elles ont bien reçu les correctifs, sont plutôt fiables, donc à ne pas négliger.
Les versions collector
Toute Gamma coupé en parfait état sera un collector, a fortiori s’il s’agit d’un exemplaire de la première série, à l’intérieur aux couleurs flashy typiquement seventies.
Que surveiller ?
À peu près tout, mais en premier lieu la corrosion, qui frappe un peu partout, comme sur la très grande majorité des autos des années 70, allemandes de haut de gamme comprises. Cela dit, sur ce point, la Gamma n’est pas si mal lotie, mais une inspection scrupuleuse s’impose. Les revêtements de l’habitacle résistent correctement, signe d’une qualité moins mauvaise qu’on ne l’imagine.
Sous le capot, la distribution sera à inspecter en premier lieu, surtout sur les premiers exemplaires. Elle est à renouveler tous les 40 000 km maximum. Vérifiez aussi l’état du circuit de refroidissement et assurez-vous qu’il n’y ait pas eu plus de 5 000 km entre chaque vidange du moteur, et 20 000 km pour celle de la boîte.
En 1983, une transmission automatique à 4 vitesses est arrivée en option : évitez-la, elle est très fragile, contrairement à la manuelle, robuste. L’injection électronique Bosch se révèle fiable, mais avec l’âge, des capteurs peuvent dysfonctionner. Pas de problème inhabituel sur le carburateur.
Si la suspension ne pose pas de souci particulier, l’électricité peut se livrer à quelques fantaisies, donc un contrôle strict s’impose.
Point important, les pièces spécifiques à la Gamma sont très rares (y compris les amortisseurs ou l’échappement), donc onéreuses : achetez donc l’exemplaire le plus sain et complet possible !
Au volant
J’ai pris les commandes d’un coupé de 1978, restauré. Cette voiture est toujours belle, donc on l’aborde avec une certaine délicatesse. À bord, on trouve une bonne position de conduite, mais que ce tableau de bord me rebute ! Heureusement, il est complet.
Détail : j’ai bien mis 5 minutes à décoincer l’enrouleur de ceinture de sécurité avant de commencer à rouler… Le moteur sonne très agréablement pour un 4-cylindres, et régale par sa souplesse. Mieux, il monte allègrement en régime, dans une musique métallique fort plaisante. Une réussite, qui donne plus de plaisir que bien des 6-cylindres !
Pour sa part, la boîte, douce à manier, ne mérite que des éloges. Mais la plus grande surprise vient des qualités routières. Outre une direction réussie, consistante et précise, on est surpris par les trains roulants. Alors, oui, le confort n’est pas celui d’une Citroën CX, mais il demeure très acceptable, surtout que la Gamma vire à plat et jouit d’une belle adhérence.
Elle ne glisse du nez que très tard, et surtout, accepte de survirer gentiment quand on la provoque. Malgré son âge, elle se laisse maltraiter comme une petite sportive, sans jamais se désunir. Quel plaisir ! En outre, elle freine bien vu son âge. En somme, nous avons ici un coupé vivant, performant et dynamique : il méritait bien mieux qu’un échec commercial. Il ne boit même pas trop : 10 l/100 km en moyenne.
L’alternative newtimer*
Lancia Kappa Coupé (1997-2000)
Gianni Agnelli, grand patron du groupe Fiat, se serait émerveillé devant la Kappa coupé. Provoquant l’embarras de gens de Lancia : il a flashé sur la proposition de Bertone, dénommée Kayak et non retenue. Il aurait ensuite beaucoup moins été emballé par la version de production, due à Pininfarina…
Celui-ci a peut-être été trop ambitieux. Soucieux de supprimer le montant central, il a été contraint, afin de préserver la rigidité, de raccourcir l’empattement, ce qui a déséquilibré la ligne de la voiture. Dommage, car sa ceinture de caisse cintrée et son ensemble lunette arrière/couvercle de coffre en renfoncement ne manquent pas d’intérêt. Sous le capot, on trouve initialement trois blocs : un 5-cylindres 2,4 l de 175 ch, un 2,0 l turbo de 205 ch et un 3,0 l V6 Alfa Romeo de 204 ch. Performants, ils complètent joliment le bon châssis, mais le look de la Kappa coupé rebute les acheteurs, qui restent insensibles à son habitacle très cossu.
Fin 1998, il bénéficie, comme le reste de la gamme, de légères retouches, le 2,0 l turbo passant à 5 cylindres et 220 ch : c’est le bouillant bloc du coupé Fiat ! La sauce ne prend toujours pas et le coupé Kappa quitte la scène en 2000. Produit à 3 263 unités seulement, il s’avère bien rare mais pas cher : à partir de 5 000 € en bon état.
Lancia Gamma 2,5 l (1977-1980), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres à plat, 2 484 cm3
- Alimentation : carburateur double corps
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, triangles, amortisseurs, barre antiroulis (AV), jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, biellettes transversales amortisseurs, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 140 ch à 5 400 tr/mn
- Couple : 208 Nm à 3 000 tr/mn
- Poids : 1 270 kg
- Vitesse maxi : 195 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 10 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Lancia Gamma, rendez-vous sur le site de La Centrale.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.
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