La diabolisation du motard jusqu'au journal télévisé
On le sait, les motards ont malheureusement une plutôt mauvaise réputation. Outre le sempiternel « tu vas te tuer » qui accompagne la grimace des proches à l'annonce de son passage du permis A, le motard est plus généralement assimilé à un sauvage inconscient qui se croit tout permis. Si pour certains quand même on n'a pas complètement tort, la société s'est chargée de faire de cette caricature une généralité. Et s'agissant des motardes, on pourrait carrément en écrire un livre en plusieurs volumes. Depuis récemment, la sécurité routière semble essayer d'estomper un peu l'image du motard toujours forcément responsable lorsqu'il est impliqué dans un accident de la route, grâce à des campagnes de sensibilisation un peu plus motard-friendly, mais force est de constater que l'étiquette est tenace. On évoque souvent le look motard full cuir et casque intégral certes peut-être peu avenant pour le commun des mortels, ainsi qu'une incompréhension de la part des non-motards sur les motivations de cette catégorie de population qui guette le moindre rayon de soleil non pas pour sortir le maillot de bain et les tongs mais plutôt pour s'enfouir sous des couches de cuir et aller respirer du gasoil avec d'autres allumés de la poignée.
Le propos peut faire sourire, or il est tout de même regrettable que sous prétexte d'incompréhension, nos congénères fassent preuve d'intolérance et de rejet envers les motards, qui, au fond, ne sont rien d'autre que des êtres humains comme les autres, si si, on vous le jure. Mais que voulez-vous ma bonne dame, c'est le jeu ma pauvre Lucette. Sous l'air tout à fait léger de mon propos se cache pourtant un réel coup de gueule. Car si la taquinerie ne va jamais plus loin que le « qu'est-ce que t'as besoin de monter sur un engin pareil ? » avec l'entourage, on n'avait pas besoin des médias pour ajouter aux éternels « oui m'sieu l'agent, un motard, c'est forcément qu'il roulait trop vite » de nos amis automobilistes qui parfois manquent – ou pas – de nous pousser malencontreusement dans le fossé en coupant la ligne blanche, tous clope au bec, portable à la main, yeux vissés sur leur gps qu'ils sont.
Et pourtant. Quelle ne fût pas ma stupeur hier soir, lorsqu'au beau milieu de la grand messe du JT de 20h sur France 2, Laurent Delahouse lance un reportage sensé dénoncer la stupidité affichée d'un jeune automobiliste qui s'était fait épinglé par la police, puis relaxé par les tribunaux, après s'être vanté, vidéo à l'appui innocemment postée sur internet, du joli 225km/h qu'il avait atteint sur voie rapide. Toute ravie que je suis de pouvoir enfin casser de l'automobiliste pour pas cher, voilà que tout d'un coup le reportage à mon goût dérape. Après avoir réglé en quelques secondes la règle de droit qui justifie une telle relaxe, on ne verra plus, sur les quelques minutes que dure le reportage, que des images de compteurs et de caméras embarquées sur… des motos. « Des vidéos qui font l'apologie des conduites à risque », « 300km/h pour ce motard sur une nationale » assène le commentateur, si tant est qu'on n'ait pas bien compris le message. Quel rapport avec la choucroute me direz-vous ? Bonne question vous répondrai-je. Si l'on a vaguement saisi que l'automobiliste en question a eu de la chance, on a surtout bien compris que décidément les motards, tous des malades. Joli détournement de sujet pour, au final, tirer encore et toujours sur l'ambulance qui a sacrément bon dos, à défaut d'avoir bonne réputation. Il va maintenant falloir rassurer mamie et expliquer aux parents que non, la vidéo l'autre soir au JT, c'était pas moi.
Un jour viendra, mes frères et soeurs, où les motards pourront enfin profiter pleinement de leur loisir préféré sans avoir les neuf dixièmes de la population à leur trousse, scrutant le moindre centimètre manquant à leur plaque d'immatriculation. Un jour viendra où nous n'aurons plus à nous déguiser en sapin de Noël clignotant pour que les automobilistes ne puissent pas dire qu'ils ne nous avaient pas vu avant de nous éjecter de la route. Oui, ce jour viendra. Mais c'est pas demain la veille.
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