Jaguar XJ6 3.6 vs Mercedes-Benz 300 SE, le grand luxe dès 4 000 €
Classe british, alliant cuir, chromes et boiseries, ou chic austère mais très qualitatif à l’allemande ? Deux façons d’envisager l’existence dans un cocon luxueux s’affrontent ici, à des prix dangereusement attractifs
Les forces en présence
Jaguar XJ6 3.6 (1986 – 1989), berline 4 portes, 6 cylindres en ligne, 3,6 l atmo, 221 ch, 1 770 kg, 219 km/h, à partir de 4 000 €.
Mercedes-Benz 300 SE (1985 – 1991), berline 4 portes, 6 cylindres en ligne, 3,0 l atmo, 188 ch, 1 520 kg, 210 km/h, à partir de 5 000 €.
Dans les années 80, les grandes berlines de luxe se vendaient encore par centaines de milliers d’exemplaires par an, et la Mercedes Classe S dominait déjà le marché. Elle avait pour elle une ligne exceptionnellement moderne et une qualité de fabrication difficile à égaler. Mais la Jaguar XJ faisait de la résistance, opposant à l’austérité teutonne un charme tout britannique. Et ce, sans démériter ni par son châssis ni par son moteur, bien au contraire. Le tout à un tarif relativement attractif dans la catégorie.
Malheureusement pour elle, elle a rencontré des soucis de fiabilité en début de vie, certes bénins mais qui ont nui à sa carrière. Sa réputation ne s’en est jamais relevée, ce qui est quelque peu injuste. En face, la Mercedes n’a jamais failli à son excellente réputation, ce dont elle a profité à plein. Mais aujourd’hui, laquelle choisir pour rouler luxueux sans se ruiner ?
Présentation : deux formes d’élégance
On a souvent été incapable de faire les choses simplement chez Jaguar. La première XJ6 est née presque par accident : au départ, ce devait être un coupé luxueux remplaçant la Type E. Puis c’est devenu une berline, la plus belle du monde peut-être, basse, racée, élégante. Elle sort en 1968, c’est un succès, et pourtant, dès 1973, les lignes de sa remplaçante sont globalement tracées.
Mais Jaguar, à l’instar de l’industrie automobile anglaise, va s’enfoncer dans une crise terrible qui, si elle ne le tuera pas, ralentira considérablement ses développements. Ainsi, celui de la future XJ6 avance-t-il très lentement.
On a beaucoup dit que sa baie moteur avait été dessinée pour surtout ne jamais recevoir le V8 Rover : c’est un peu une légende urbaine, une hypothèse lancée par un journaliste anglais et jamais démentie par la direction de Jaguar. Quoi qu’il en soit, en 1976, les études de son bloc, un 6-cylindres en ligne tout alliage codé AJ6 débutent, et il apparaît d’abord dans la XJ-S en 1983. Entre-temps, le design de la future XJ6, codée XJ40, a été gelé en 1980, et l’auto est présentée en 1986.
Si elle ressemble à celle qu’elle remplace, elle n’a rien à voir techniquement. La coque est nouvelle, la suspension aussi (elle est d’ailleurs plus simple) et elle se passe des blocs XK. Elle est disponible en deux finitions, base et Sovereign, et deux cylindrées, 2,9 l et 3,6 l. Le second, doté de deux arbres à cames en tête commandant 24 soupapes, développe 221 ch, et s’allie au choix à une boîte 5 manuelle Getrag ou une ZF automatique à 4 vitesses.
A bord, l’instrumentation est mixte, analogique et digitale, tout en s’accompagnant d’un sophistiqué système d’auto-diagnostic. L’équipement ? En version initiale, il ne comprend ni le cuir, ni les jantes en alliage, ni la clim ni l’ABS ni même la fermeture centralisée. En Sovereign, tous ces éléments sont de série, tout comme le correcteur d’assiette, la sono et les gros projecteurs rectangulaires, bien moins jolis que les quatre éléments ronds de la version de base.
Celle-ci coûte tout de même 245 500 F (soit 65 100 € actuels selon l’Insee) en 3.6, contre 318 000 F (84 300 €) à la Sovereign, voire 359 500 F (95 300 €) à la variante Daimler, encore plus luxueuse (sièges arrière indépendants, tablettes de pique-nique). Très bien accueillie, la Jag déçoit pourtant très vite, la faute à une qualité de fabrication insuffisante. Celle-ci va progresser, pour atteindre un niveau convenable en 1988. Fin 1989, les moteurs passent à 3,2 l et 4,0 l, alors que les jauges électroniques sont remplacées par des aiguilles, plus fiables. La XJ40 sera remplacée par la X300 en 1994, après avoir été produite à 208 733 unités.
Chose assez amusante, la conception de la Mercedes Classe S W126 commence juste après celle de sa rivale, en 1973. Le premier choc pétrolier influence nettement les ingénieurs, qui d’emblée vont s’attacher à développer une voiture économique à l’usage. Cela passe par une aérodynamique soignée et une chasse au kilo superflu.
Et ce, en renforçant cette quête d’une sécurité passive maximale qu’avait débutée sa devancière W116. En cas d’impact à 55 km/h sur un bloc indéformable percuté par la moitié de la face avant, l’habitacle ne se déforme pas. Un record quand sort la Classe S en 1979, un an avant que le design de la Jaguar XJ6 ne soit figé…
L’allemande, dont la conception s’est déroulée sans anicroche, étonne par son design ultramoderne et très lisse, dû à l’équipe de Bruno Sacco. La carrosserie intègre des boucliers en polyuréthane, une première sur une Mercedes de série, et se signale par un Cx de 0.36, excellent pour l’époque. La suspension ? Elle est très similaire à celle de la W116 : bras superposés à l’avant, bras obliques à l’arrière.
La W126 est proposée en deux longueurs, et avec trois moteurs, un 6-cylindres 2,8 l et deux V8 (3,8 l et 5,0 l). Ceux-ci sont modifiés pour plus d’économie en 1981, cependant qu’apparaît en option l’airbag. Cette grande Mercedes connaît un énorme succès, et bénéficie fin 1985 d’une série d’évolutions.
Les jantes passent à 15 pouces, les boucliers descendent plus bas et sont désormais lisses, tout comme les protections latérales, cependant que la suspension est retouchée. Le bloc M110 2,8 l est remplacé par un M103 de nouvelle génération, inauguré par la gamme moyenne W124. Il est disponible en 2,6 l et 3,0 l, offrant respectivement 166 ch et 188 ch. Avec ce dernier, la 300 SE/SEL pointe à 210 km/h. Dans l’habitacle, l’équipement n’est pas extrêmement fourni : on dispose des quatre vitres électriques, des boiseries et de la sellerie velours, mais guère plus. Cuir et clim demeurent optionnels, mais au moins, l’ABS est de série.
On peut aussi obtenir des airbags frontaux. Le prix de base, en 1987, n’a rien d’amical : 284 280 F (75 300 € actuels selon l’Insee) en manuelle, l’automatique réclamant 10 200 F supplémentaires, contre 19 420 F à la carrosserie longue (+ 14 cm) de la SEL. Par la suite, la Mercedes 300 W126 va très peu évoluer, mais son équipement progresse en 1988 : clim et cuir sont de série à partir de la 300. Cette génération de Classe S est mise à la retraite début 1991. 818 105 de ces grandes autos ont été produites : un record dans la catégorie, et qui tient toujours.
Fiabilité/entretien : des mécaniques endurantes, des carrosseries qui rouillent
Son moteur ayant été déverminé par la XJ-S, la Jaguar XJ40 3.6 profite d’une bonne fiabilité mécanique. Moyennant un entretien suivi, bien sûr. Le circuit de refroidissement doit être en bon état, et les vidanges régulières. Tout au plus notera-t-on des soucis de collecteur. La boîte ZF ne connaît pas de problèmes particuliers non plus. En revanche, les roulements de pont avouent une certaine fragilité, si celui-ci n’a pas été vidangé régulièrement.
Les soucis techniques proviennent plutôt de l’électronique embarquée, à l’affichage capricieux, des vitres électriques et surtout du correcteur d’assiette. Utilisant des sphères rappelant l’hydropneumatique Citroën, il n’a pas la fiabilité du système français et fuit souvent. De nombreux propriétaires l’ont carrément ôté.
La carrosserie est sujette à la corrosion (tour de pare-brise et ailes arrière principalement), alors que dans l’habitacle, outre des boiseries qui se ternissent, et le couvercle de boîte à gants qui gondole, le ciel de toit a la manie de s’effondrer.
Etonnamment, la Mercedes avoue, elle aussi, une certaine sensibilité à la corrosion, qui attaque dans les passages de roue et sous le bas de la lunette arrière, un point difficile à vérifier. La suspension, plus simple que sur les 560, pose logiquement bien moins de soucis de fuites, et vieillira de façon conventionnelle.
Sous le capot, le moteur M103 se montre très endurant (il passe les 400 000 km parfois sans ennui majeur) s’il a été entretenu correctement. Il faiblira d’abord d’un coin du joint de culasse et des joints de queue de soupape. Attention aussi aux capteurs et à l’injecteur de démarrage. Pas de souci particulier côté boîte, si elle a été vidangée quand il le faut.
Dans l’habitacle, tout est fabriqué avec des matériaux de qualité et les ennuis sont rares. Cela dit, ils arrivent quand même : testez la clim (attention, sa remise en état coûte cher) et les diverses fonctions. La coiffe du tableau de bord finit par se fendre, mais les divers revêtements tiennent le choc.
Avantage : Mercedes. La Jaguar est fiable mécaniquement, mais la Mercedes encore plus. Elle rouille par ailleurs moins et profite d’une électricité bien plus sereine.
Vie à bord : irrésistible Jaguar
Dans la Jaguar, à condition que ce soit une Sovereign, on tombe sous le charme de la présentation. Cuir Connoly très doux, loupe de noyer abondante et flatteuse, sellerie confortable, belle visibilité, espace aux jambes à l’arrière juste correct… On est bien dans ce cocon luxueux ! On fermera les yeux sur les quelques défauts de finition et la garde au toit n’a rien d’exceptionnel. Heureusement, l’équipement est plutôt abondant. Défaut agaçant : le coffre présente des formes alambiquées et un volume pas énorme.
La Mercedes n’exhale de prime abord pas le luxe, tellement la présentation est sobre, et pas si différente de celle d’un taxi de la marque. Mais à y regarder de plus près, tout est à sa place et fabriqué de belle manière. Les sièges se montrent fermes mais finalement confortables et l’espace disponible supérieur à celui de la Jaguar. De série, l’équipement est bien moins fourni, et le cuir pas spécialement flatteur. A la limite, le velours sera plus agréable ! La luminosité est moindre que dans la Jaguar, mais le coffre plus spacieux, même si son seuil est plus élevé.
Avantage : Jaguar. Le charme british joue à plein ici, même si tout n’est pas parfait, surtout face à l’austère Mercedes. Mais celle-ci est plus spacieuse et mieux finie.
Sur la route : une Jaguar plus dynamique
Grâce à son volant et son siège réglables en hauteur (version Sovereign), la Jaguar offre une bonne position de conduite, même si la garde au toit n’est pas énorme. L’instrumentation se révèle lisible, mais l’ergonomie du régulateur de vitesse et de la console centrale a de quoi dérouter. Heureusement, celle du levier de vitesses, circulant dans une ouverture en J est un modèle du genre. Le pire et le meilleur se côtoie donc.
Le moteur produit un son lointain mais très plaisant. Contrairement à ce que suggère son apparence, la Jaguar est une auto dynamique : son 6-cylindres se montre vif et performant. Il en va de même côté châssis : l’anglaise limite les prises de roulis et se plie très bien à une conduite active, tout en communiquant correctement via son volant, certes trop assisté et à la jante trop fine. La boîte est de son époque : très douce mais pas rapide, donc elle limite un peu la vivacité mécanique. Quant au confort, est de haut de niveau, entre la remarquable filtration des aspérités et l’insonorisation poussée.
Dans la Mercedes, le volant reste fixe et… trop grand ! Néanmoins, la position de conduite est bonne et l’ergonomie limpide. L’instrumentation se révèle très lisible et les commandes intuitives, à condition de se faire à la logique du commodo unique. Le moteur, très silencieux, n’a pas tout à fait le punch de celui de la Jaguar mais il s’acquitte bien de sa tâche, ne rechignant jamais à prendre des tours. La boîte, plutôt vive, le seconde plaisamment.
Mais, dynamiquement, l’allemande n’est pas au niveau de l’anglaise. Certes sûre, elle profite d’une direction précise, mais elle accuse plus de mouvements de caisse que la Jaguar, tout en demeurant un peu floue dans ses réactions. De plus, elle ne filtre pas aussi bien les inégalités. Elle a plus vieilli que sa rivale, mais compense quelque peu par son freinage plus efficace. Malheureusement, son insonorisation marque, elle aussi, le pas : les bruits d’air et de roulement sont plus présents dans la Mercedes, même si celle-ci demeure reposante sur long parcours.
Avantage : Jaguar. Moteur plus vif, châssis plus dynamique, insonorisation et confort supérieurs, l’anglaise remporte ici une victoire logique.
Budget : des limousines pas chères
Pas si rare, la Jaguar se trouve dès 4 000 € en bon état, mais avec plus de 200 000 km au compteur. A moins de 130 000 km, la XJ40 demandera 6 500 €, alors qu’à 10 000 €, on peut obtenir un exemplaire de 80 000 km.
La Mercedes, relativement commune sur le marché, se trouve en bon état dès 5 000 €, affichant certes près de 300 000 km. Comptez 6 500 € pour une auto de 200 000 km, 7 500 € si elle s’en tient à 150 000 km, voire 10 000 € pour 100 000 km.
Evidemment, dans les deux cas, ces montants varieront nettement en fonction de la configuration, de l’état et de l’historique.
Côté consommation, comptez 12,5 l/100 km pour la Jaguar et 12 l/100 km en moyenne pour la Mercedes.
Avantage : Jaguar. Même si elle consomme un poil plus, la XJ40 rafle la mise grâce à son prix inférieur à état équivalent.
Verdict : osez la Jaguar
La Jaguar XJ40 remporte ici une victoire méritée, due à ses performances, ses qualités dynamiques et son confort, ce, avant même de considérer le charme que lui confère sa présentation typiquement britannique. La Mercedes 300 contre par sa fiabilité, sa qualité de fabrication et son habitabilité supérieures, ce qui n’est pas rien, mais sa rivale a énormément progressé en matière de longévité face à ses devancières.
Thème | Avantage |
Fiabilité/entretien | Mercedes |
Vie à bord | Jaguar |
Sur la route | Jaguar |
Budget | Jaguar |
Verdict | Jaguar |
Pour trouver des annonces, rendez-vous sur le site de La Centrale : Jaguar XJ40 et Mercedes-Benz Classe S W126
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