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Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

Dans Moto / Equipement

Vincent Demeslay

Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

Certaines personnes n'ont jamais une seconde à eux. C'est le cas par exemple de Christian Haquin, que j'ai eu le plaisir de rencontrer lors de la journée de testing du nouveau Bridgestone BT-003 par Philippe Donischal. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Christian est à la fois responsable moto sur le circuit de Bresse, responsable AXO en France, pilote et instructeur lors de stage piste. Il nous en dit un peu plus sur ses différentes casquettes et sur sa vision de la moto.


Axo est une marque de vêtements italiennes qui existe depuis 1978. Tu as en charge le développement de la marque en France, comment cela se passe t-il ?


"Je roule avec du matériel Axo depuis 1993. Et puis de fil en aiguille, je suis devenu pilote Axo sur les différentes courses que je fais. Et depuis 1999 je travaille pour la marque italienne en France. Mon rôle est de développer un réseau de revendeurs à travers les professionnels de la moto tels que les concessionnaires, les accessoiristes, ou encore les chaînes nationales. Maintenant on a une bonne présence sur le terrain et Axo est très dynamique dans la compétition moto. "


C'est la marque partenaire du championnat du monde Superbike par exemple ?


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

"Oui effectivement mais nous sommes aussi partenaire du championnat du monde de motocross . On voit de plus en plus Axo autour des circuits et aussi sur les motards en Europe. Axo existe depuis 1978 donc nous allons fêter les 30 ans de la marque cette année. C'est une marque très orientée tout-terrain au départ. Et depuis 1990, une orientation a été prise vers les produits pour la route et la piste. Aujourd'hui, nous sommes les seuls sur le marché à proposer un équipement complet pour les pilotes motos que ce soit en cross, en enduro, en quad, en vitesse ou sur la route. Il y a aussi eu un développement vers le VTT. Nous avons du matériel et une collection pour les descendeurs VTT ainsi que pour l'enduro. "


En plus d'être pilote Axo , tu es également pilote pour KTM France.


"Effectivement, j'ai un contrat avec KTM depuis la sortie en France de la Superduke en 2005 pour faire les rallyes. Je fais le moto-tour et l'année dernière, j'ai fait l'épreuve de Belgique toujours pour le compte de KTM. En dehors de ça, je continue a faire quelques épreuves du championnat du monde d'endurance avec une équipe basée à Magny cours : 3D endurance sur des Kawasaki . Pour cette année, le programme est un peu plus léger puisque qu'une sportive est arrivée dans la gamme KTM. Un gros investissement a été fait pour le lancement de la RC8 donc il y a un peu moins de budget pour le rallye."


Je crois savoir que tu participes également en tant qu'instructeur aux journées K ?


"Cela fait plus de 10 ans que j'encadre les journées K avec Kawasaki avec la structure de Patrick Macchio. Je fais aussi d'autres interventions dans d'autres écoles notamment avec De Radigues. Mais j'ai aussi ma propre école, HB-performance, qui est basée sur le circuit de Bresse. "


Enfin, tu es responsable moto du circuit de Bresse. En quoi consiste ton rôle ici ?


"Je suis le responsable de la piste. Donc quand il y a des roulages, je fais un briefing le matin pour bien cadrer les journées parce que l'on veut que les journées se passent le mieux possible, sans accrochage. On veut éviter les chutes donc il m'arrive d'apporter aussi un peu de conseil pour les débutants même si l'on n'est pas dans le cadre d'un stage. Je suis là aussi pour donner des conseils aux gens qui sont demandeurs. Et puis je m'assure en permanence que la piste soit ok pour une évolution de moto. "


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"


Et tu arrives à tout faire. Tu ne dois pas avoir le temps de t'ennuyer ?


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

" Je ne suis pas tout seul heureusement. J'ai une structure avec des bureaux directement sur le circuit. J'ai une assistante Cathy qui m'aide pour les inscriptions aux stages mais également pour les commandes Axo . Et puis sur la route, il y a une équipe de commerciaux qui tourne sur le terrain. Il faut être bien organisé mais ça se passe bien. Je suis heureux de travailler dans un milieu qui me passionne toujours autant et je n'ai pas vraiment l'impression de travailler. Tu vois par exemple, en étant chez les clients, on parle course. On travaille sur les commandes bien sûr mais il y a toujours une relation très forte liée à la compétition et à mon implication dans la compétition depuis 20 ans donc c'est que du bonheur."


Pour revenir au circuit de Bresse, combien accueille t-il de roulage moto par an ?


"Il y a une activité répartit entre l'auto et la moto. C'est 50/50 donc il y a autant de jour de roulage moto que auto. Il faut compter environ 120 jours de roulage ou de stage moto. De mars à octobre, il y a tous les jours de l'activité. "


Qui peut être amené à louer le circuit ?


"Il peut s'agir d'associations, des clubs ou des professionnels comme des magasins de moto qui organisent des journées de roulage pour leur clients. On a aussi des présentations par des constructeurs comme KTM qui est dernièrement venu présenter la RC8 pendant 2 jours. On a aussi des journées prévention routière avec les préfectures. Ce sont des journées organisées par les pouvoirs publics pour faire de l'initiation et de la sensibilisation pour les motards. Il y a un développement important dans la prévention. De plus en plus de gens viennent s'initier à la piste pour mieux connaître leurs motos, pour être plus zen sur la route et savoir comment réagir en cas de freinage d'urgence, réagir dans une courbe qui se referme, savoir que la moto et les pneumatiques ont une performance beaucoup plus importante que se qu'ils utilisent habituellement. Et cela dans le but de se sortir de situations délicates.


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

On a aussi une piste sécurité routière avec des ateliers bien précis sur la maniabilité, sur le freinage, sur différentes techniques de conduite ou de pilotage suivant l'objectif de la personne qui vient au stage. C'est un concept nouveau et bien précis avec une pente à 9%, il y a un plateau, un anneau avec un arrosage, des passages avec des plateaux sectionneur pour déclencher des glisses etc. Ce type de piste existe déjà en Autriche, en Allemagne, en Belgique ou en Hollande. Il y a vraiment un nouvel outil de travail important. Je pense que dans l'avenir, les permis ne vont pas être figés, il y aura toujours des remises à niveau surtout pour les conducteurs de poids lourd et pour ceux qui ont besoin de leur permis professionnellement donc la piste va répondre à ça. Elle va ouvrir cette année avec des actions dès cette semaine. Avec la préfecture de Saône-et-Loire, une sensibilisation est prévue pour les jeunes permis avec juste un peu de circuit en fin de journée comme cerise sur le gâteau mais le principal travail se fera surtout sur la piste sécurité routière. "


Combien coûte la location du circuit ?


"On a un tarif qui est lié au jour de la semaine. Bien entendu, il y a beaucoup de demandes les WE et jours fériés donc évidemment le prix de la location va être plus élevé. Mais il faut compter entre 4.000 et 7.500 € pour une journée. Attention, il est important de dire que le prix comprend la piste plus les commissaires ainsi que l'équipe médicale, un bureau de piste et des box pour les organisateurs. Certains autres circuits annoncent des tarif mais cela ne comprend que la piste. Il faut rajouter des options telles que le médical etc. Nous, au circuit de Bresse,nous proposons une location complète pour que les gens qui viennent rouler soient tranquilles. On a même une équipe d'intervention, une dépanneuse. Et puis nous avons également un restaurant et nous faisons appel à un photographe : Bruno Lyet qui vous permet ensuite d'acheter des photos de votre roulage. On ne l'impose pas si par exemple l'organisateur a son propre photographe mais dans le cas inverse, Bruno Lyet vous permettra de garder un souvenir. Vous pouvez d'ailleurs aller visiter son site web : www.photolyet.com"


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"


Penses tu que le roulage sur circuit est quelque chose qui devrait se démocratiser ?


"Par expérience et au vue des comportements des motards qui viennent pour la première fois sur circuit, je pense que ça devrait être obligatoire de venir rouler sur piste pour permettre aux gens de bien savoir freiner, de se positionner correctement sur la piste mais aussi sur la route. Je pense que ça permettrait de diminuer le nombre d'accident ou alors de minimiser la gravité lors des sorties de route. Je pense que les pouvoirs publics ne prennent pas le problème dans le bon sens. Quand je vois les journées que l'on organise avec les préfectures, les motards se font plaisir parce qu'il n'y a pas de contrainte. C'est plus de la prévention que de faire des contrôles radars à tout va et faire de la répression plus qu'autre chose."


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

Beaucoup de motards savent que Michael Schumacher vient régulièrement rouler en moto sur le circuit de Bresse. Comment en est-il arrivé là ?


"Disons que je suis un peu à l'origine de son implication dans la moto. En fait, il est venu un week-end ici pour voir le circuit. Il habite en Suisse et il a eu connaissance de la création du circuit. Donc en se promenant, il est venu le découvrir. Quand je l'ai reconnu, je suis allé vers lui, je lui ai souhaité la bienvenue et je lui ai fait visiter toute la structure et les locaux du circuit de Bresse. Ensuite, je lui ai proposé de faire quelques tours de piste avec des KTM que j'ai ici pour l'école. J'ai posé la question à l'organisateur de la journée si cela ne posait pas de problème et il a pu faire 2 * 15 minutes de roulage. Quand j'ai vu comment il roulait sur le premier ¼ d'heure, je lui ai donné quelques conseils. Il n'était pas du tout mobile. Il a tout de suite mis en application. Et dans la semaine qui a suivi, j'ai été contacté par quelqu'un de son équipe pour qu'il vienne de nouveau rouler. Depuis, il a son box ici et il vient régulièrement puisqu'il est là en un quart d'heure avec son hélicoptère. "


C'est une bonne publicité pour le circuit de Bresse ?


"Oui bien sûr. Mais c'est aussi une bonne pub pour le monde de la moto. C'est un sacré ambassadeur. Les gens sont surpris qu'une personne comme ça se passionne autant pour la moto. Cela démontre bien que la moto a des valeurs et pleins de qualités et qu'un pilote comme lui découvre ça maintenant. Et par rapport à l'auto , ça lui procure des sensations qu'il m'a dit ne plus avoir ressentit depuis un moment "


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"


Pourtant, on a entendu des personnes, comme Jean Todt par exemple, dire que ce n'était pas quelque chose de bien que Schumacher fasse de la moto. Ton avis là dessus ?


"Je trouve qu'ils ont tord. Ils ne connaissent pas la moto ou la compétition moto. Ils ne voient la moto qu'au travers de chutes spectaculaires ou du risque que procure le "2 roues". Mais vu l'aménagement des circuits, vu les nouvelles normes au niveau du dégagement, des bacs à graviers et les équipements qui ont énormément évolué, et je suis bien placé pour le savoir puisque j'ai commencé à courir il y a 21 ans. J'ai vu l'évolution des combinaisons, des casques, des gants alors oui c'est un sport à risque mais à ce moment là, la F1 est aussi un sport dangereux. Il faut garder un peu de recul et savoir où sont ses limites et ne pas griller les étapes pour placer les limites. J'admire Jean Todt mais j'ai été très déçu par sa déclaration sur la moto. En fait, je pense que la moto dérange la F1. "


A quel niveau ?


"Au niveau télégénique, c'est beaucoup plus intéressant. Les courses sont beaucoup plus animées. Quand on regarde un grand-prix à la télé, on vibre, il y a des dépassements. C'est beaucoup plus vivant qu'une course de Formule 1 : là, quand il y a un dépassement, c'est l'événement du GP. Il suffit de regarder une course de 125 ou même de motoGP cette année ou de 250 ou même de superbike, c'est encore autre chose, là il y a des bagarres. Je pense que la moto dérange : ça doit leur faire peur aux gens de la F1 que la moto prenne le pas. En Espagne par exemple, il y a plus d'engouement pour la moto que pour la F1. Ca m'a déçu que des gens comme ça crachent sur la moto sans vraiment connaître le sport moto parce Jean Todt qui dit que la moto c'est dangereux, que la moto ça tue des gens, c'est choquant. Le fait que Michael Schumacher n'arrête pas la moto et au contraire augmente son activité sportive en moto ça montre que ce n'est pas un sport si dangereux que ça parce que c'est quelqu'un qui a une notion du risque qui est plus développée que n'importe qui. C'est un beau pied de nez à des gens qui parlent comme ça sans savoir. "


Le circuit à accueilli le WERC (Week-end racing cup). C'est la première compétition moto sur le circuit. Comment cela s'est passé ?


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

"Ce qu'il y a des très positifs, c'est que la première expérience avec l'organisation de Marc Mothré a été une réussite. Il n'y a eu aucun débordement. Les gens ici au circuit sont plutôt du milieu auto donc ils ne savaient pas comment aller être l'ambiance et le comportement des motards qui se sont très bien comportés. Quand le Directeur du circuit est arrivé le lundi, il pensait que l'équipe de nettoyage était déjà venue dans le paddock alors que ce n'était pas le cas. Les motards ont laissé un paddock nickel et ils ont nettoyé les box. Ils ont été très responsables et c'est une bonne chose pour l'avenir de la moto sur le circuit de Bresse. Côté circuit, le retour des pilotes a été très positif aussi. C'est un circuit technique. C'est vrai que pour des 1000, les virages arrivent très vite, il y a peu de temps de récupération mais par contre, techniquement, les pilotes ont été unanimes : il est intéressant, sécurisant, il n'y a pas d'endroit où il y a un risque de percuter un mur ou des pneus, il y a de grands dégagements partout. On a eu une seule évacuation de tout le week-end : ce n'est rien. L'équipe d'intervention et l'urgentiste pensaient qu'il y allait avoir beaucoup d'interventions sur la piste et il y en a eu moins que lors d'une journée de roulage donc c'est une bonne surprise de ce côté là aussi "


Est-ce une volonté de voir d'autres courses se dérouler sur le circuit de Bresse ?


"Ce sont des choses qui sont envisageables sans problème. Le seul souci, c'est au niveau de l'homologation du circuit. Nous avons droit à 4 week-end de course dans l'année maximum, auto et moto confondu. On a déjà des courses autos organisées ici donc je pense que 1 voir 2 courses moto par an sur le circuit de Bresse sera un maximum. Par contre organiser une course Promosport dans les 2 années à venir, c'est un objectif réalisable et plus tard pourquoi pas le championnat de France superbike .


En parlant d'homologation, comment se passe la relation avec les riverains ?


Interview de Christian Haquin : "le circuit, ça devrait être obligatoire"

"Nous avons été d'entrée de jeu agressé par les riverains. Enfin dès l'ouverture plutôt. Le projet a 10 ans maintenant. Pendant toute la période des études, des enquêtes publics et des travaux aucune association ni personne ne s'est levée contre la création du circuit. Mais une fois ouvert, il y a eu une montée de bouclier contre le circuit par certains riverains. Le circuit a ouvert en mars 2006 donc on entame la 3e année d'exploitation. Au début, il y a eu une association qui avait été créée lors de la construction de l'A39 contre celle-ci et qui était en sommeil. Elle a été remise en vigueur lors de l'ouverture du circuit. Elle nous a pas mal cassé les pieds. Nous avons monté des dossiers avec la préfecture, c'est monté jusqu'au ministère. Il y a même eu une procédure en conseil d'état et le jugement a été très favorable au circuit. Par conséquent, nous avons des règles de niveau sonore à respecter. Nous faisons un travail draconien : Nous contrôlons toutes les motos qui prennent la piste au sonomètre. Ensuite, nous avons 3 capteurs sonores répartis en bord de piste, à 400 et à 800 m du circuit qui enregistre 24/24h le niveau sonore. Ensuite, on envoie chaque trimestre tous les relevés que l'on a fait à la préfecture . Toutes les listes des motos qui ont pris la piste avec l'équipement d'échappement et le niveau de bruit de chaque moto sont aussi transmises à la préfecture. Cela fait un travail administratif énorme mais nous faisons un travail de qualité et nous contrôlons tout ce que nous faisons. Par conséquent, nous ne sommes pas embêté. Le sous-préfet nous a encore conforté dans notre démarche. Au départ, nous avons eu des plaintes en gendarmerie alors qu'il n'y avait pas d'activité sur le circuit donc nous avons aussi à faire à des gens de mauvaise foie. Maintenant, ça s'est calmé et ça se passe très bien. Il faut aussi savoir qu'il y a une association qui a été créée en faveur du circuit qui compte 5 à 6 fois le nombre de signatures des gens qui sont contre donc il faut relativiser. "


Pourtant un circuit automobile ou pour les motos amène quelques choses à une région ?


"Il est vrai qu'économiquement pour la région, c'est énorme ce qu'apporte le circuit. C'est aussi quelque chose qu'il ne faut pas oublier. Les hôteliers et les restaurateurs complètent leurs établissements avec les gens qui viennent rouler sur le circuit. Et puis il y a eu une vingtaine d'emplois qui ont été crée ce n'est pas négligeable. "


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