Exclusif Caradisiac: les secrets de la roue lunaire Michelin
L'INFO DU JOUR. Michelin a ouvert les portes de son centre de recherche à Caradisiac pour présenter sa roue sans air destinée à un futur rover lunaire.
Le véhicule ici présenté n'a rien à voir avec le "vrai" rover, il s'agit juste d'un prototype permettant d'accumuler les kilomètres dans des conditions difficiles. Ici une couche de 60 cm de sable ultra-fin sur lequel il s'agit de "flotter", malgré un poids d'environ 500 kilos.
Il ne paye vraiment pas de mine, ce petit hangar au toit voûté situé au cœur du site de recherche Michelin de Ladoux, à 10 km au nord de Clermont-Ferrand. De plus, il abrite un rectangle sableux d’une trentaine de mètre de long sans grand intérêt a priori. Les équipes qui y travaillent ont pourtant littéralement la tête dans les étoiles, et on les comprend, car c’est ici même que le géant français du pneumatique procède à une partie des essais dynamiques des pneus d’un futur véhicule lunaire.
Michelin participe en effet à un appel d’offres en vue d’une nouvelle mission habitée sur la lune en 2028 dans le cadre des projets Artemis de la Nasa, et travaille à la mise au point d’une roue sans air censée équiper un rover lunaire capable de fonctionner durant 10 ans et parcourir 10 000 km, dans des conditions on ne peut plus extrêmes. A titre de comparaison, le véhicule de ce type ayant le plus roulé à ce jour est l’un de ceux ayant participé à la mission Apollo 17 en 1972, et celui-ci n’aura totalisé que 36 km !
« Le cahier des charges stipule que la roue doit résister à des températures comprises entre -250 et +150°. Le véhicule va circuler sur un régolithe ultra-abrasif, une sorte de poussière s’apparentant à du talc qui s’insinue absolument partout et dont il existe trois ou quatre types. Le rover devra donc en quelque sorte flotter sur le sol, tout en étant capable d’escalader des cratères à 20 degrés de pente, l’équivalent de 36% de déclivité », détaille Sylvain Barthet, responsable des programmes de recherche avancée chez Michelin. « La vitesse maximale du Moon racer est de 15 km/h, allure à laquelle le rover de la mission Apollo passait 30% du temps en l’air du fait de la faible gravité. Cela pose un problème de déformation des roues, or plus on déforme et plus ça s’use. Enfin, les matériaux doivent résister aux radiations solaire et galactiques auxquelles est soumise la lune en permanence. »
Trois consortiums ont été retenus par la Nasa, celui auquel participe Michelin étant dirigé par la société Intuitive Machines et incluant également AVL, Boeing et Northrop Grumman Corporation. Le rover devra pouvoir transporter deux astronautes et 400 kg de charge, à quoi pourra s’ajouter une remorque supportant jusqu’à 800 kilos.
On ne saura bien sûr pas quels matériaux sont utilisés par Michelin, si ce n’est qu’il s’agit de thermoplastiques à hautes performances. Les roues telles que vous les découvrez sur nos photos sont produites par une imprimante 3D: « une imprimante peut fabriquer une roue complète par semaine », précise Bibendum. « C’est comme si toute la roue était fabriquée d’un bloc. Il n’y a pas de point singulier dans la roue qui serait susceptible de constituer un point faible. » Son diamètre s’établit à 84 cm, pour une largeur de 30 cm. La bande de roulement est formée par un tissu 3D qui ne figurera pas sur le modèle définitif, mais permet de procéder aux différents tests de mise au point. Ceux-ci ont notamment lieu dans le hangar évoqué plus haut, mais aussi sur les pentes du volcan de Lemptegy, à 15 km de Clermont. « L’idée nous en a été soufflée par le CNES », précise Sylvain Barthet. Si l’organisme spatial européen n’est pas partie prenante du projet, il en suit tout de même les évolutions d’assez près. D’autres tests ont aussi eu lieu autour de Houston, Texas, siège de la société Intuitive Machines qui coordonne le projet de Moon racer. Projet qui mobilise six personnes chez Michelin, auxquelles s’en ajoute une douzaine d’autres en support au centre de R&D. Précisons que les trois études de rovers sont subventionnées par la Nasa, qui y consacre une enveloppe de 30 millions de dollars.
Michelin saura en mai 2025 si « son » projet est retenu par la Nasa, mais il se félicite des bons échanges avec les Américains. Ce projet est éminemment bénéfique pour l'image de marque, « et c’est intéressant pour toute la courbe d’apprentissage », commente Sylvain Barthet. « Nous avons des échanges scientifiques très enrichissants avec la Nasa. » Des échanges qui concerneront de fait les pneus sans air terrestres, et notamment le projet de pneu increvable Uptis que Caradisiac avait testé l'an dernier.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération