Essai - Speedbike Stromer ST3 Pinion : le vélo scooter qui n’est ni l’un ni l’autre
Strömer, constructeur suisse spécialisé dans le Speedbike (ou S-Pedelec) nous a confié un ST3 Pinion. Au programme, 45 km/h, une courroie, plus de 800 W de puissance dans la roue arrière et de la pluie, beaucoup de pluie, le tout pendant 700 km.
Il a fallu attendre deux ans et demi pour voir un nouveau speedbike en essai à la rédaction. Un vrai, dans la mesure où le Yamaha Booster dans cette configuration était incapable de réellement offrir une assistance au-delà des 35 km/h.
C’est Strömer, marque Suisse qui est devenue, en quelques années à peine, la référence du secteur qui nous a confié son modèle ST3 Pinion. Nous l’avons utilisé pendant plus d’un mois sur 700 km. Il se veut une alternative au scooter 50 cm3 (ou électrique 4 kW) avec lequel il partage la législation L1e et c’est d’ailleurs tout le problème, en plus d’une faille dans la juridiction qui l’encadre. Enfin, tout le problème, si le prix (9 353 euros sur le configurateur) est accepté.
Stomer ST3 Pinion : « On dirait un vélo croisé avec un scooter ! »
C’est la phrase qui ressort souvent à la vue du ST3. Le vélo est énorme, peu importe l’angle sous lequel il est regardé, notamment à cause ce tube oblique massif renfermant une batterie de 4,85 kg pour 980 Wh.
Lourd de 30 kg, au tube supérieur haut pour cette version « sport » (mais disponible avec un tube bas pour le modèle « confort », doté de pneus Pirelli Cycl-e ST de 27,5 pouces de type ballon et offrant une gomme un peu dure (mais nous y reviendrons dans la partie conduite), le Stromer ST3 Pinion donne une impression de robustesse.
Le cadre est en aluminium, le phare diurne y est intégré. Le phare principal est en revanche greffé et son ajustement n’est pas réalisable à la volée (il faut une clé).
Ce ST3 Pinion est doté d’une boîte de vitesses Pinion à 9 rapports, avec transmission par courroie et au moteur logé dans le moyeu de la roue arrière. Moteur qui délivre 820 W de puissance pour 44 Nm de couple. Non vous ne rêvez pas et oui, c’est peu.
Le passage de vitesse se fait via une poignée et par groupe de 3 x 3 vitesses mais nous y reviendrons également dans la partie conduite.
Ce Stromer ST3 Pinion a des airs de scooter ayant fusionné avec une moto. Les commentaires sur le design ont été unanimes : « il est beau, mais il doit être très lourd ». Les gens ne s’y trompent pas tant que ça. Avec 30 kg, il est dans le haut du panier des vélos, mais étrangement plus léger qu’un bon nombre de vélos à assistance électrique « standards » (assistance limitée à 25 km/h et moteur ne pouvant dépasser 250 W). Tout dépend si vous regardez le verre à moitié plein ou à moitié vide.
Tarif et option : comme l’impression d’être chez Porsche
Un vélo essayé est affiché à 9 353 euros sur le configurateur. La fourche suspendue par exemple, s’échange pour 990 euros de plus que les 7 290 euros de départ. La selle suspendue pour 245 euros. Le système Pinion utilisé en place d’un classique dérailleur demande une rallonge de 828 euros. Ajoutez l’ABS à ce système Pinion coûte un billet de 950 euros. Quant à la capacité de la batterie, les quelques kilomètres de plus (30 annoncés) impliquent de rajouter 340 euros de plus.
Tant et si bien que notre configuration, qui ne met pas tous les curseurs à fond, coûte 9 693 euros. C’est énorme ! Trop diront certains, trop diront beaucoup même. Pourtant, les ventes de Speedbikes sont en hausse dans tous les pays dont la législation n’est pas castratrice.
Mais en France, le ST3 Pinion se retrouve, par cette obligation de ne rouler que sur la route (et donc cette interdiction des pistes cyclables), face à nombre de scooters électriques nettement plus abordables, dont certains sont des équivalents 125 cm3.
Législation
La législation autour du speedbike a de quoi rendre fou. Entre la norme L1-eB qui le positionne comme un scooter 50 cm3. Le casque spécifique, les gants spécifiques, l’assurance obligatoire, la plaque d’immatriculation et l’interdiction d’emprunter les pistes cyclables, même si vous êtes responsables et roulez à 25 km/h maximum. Ces mêmes pistes cyclables sur lesquelles les vélos musculaires peuvent rouler bien plus vite. Le Speedbike est une sorte de vilain petit canard au potentiel gros comme ça.
Ce n’est pas fini ! L’assurance couvre le vélo à assistance électrique. Or, la définition d’un véhicule terrestre motorisé est un « véhicule capable de se mouvoir par la seule force de son moteur ». Ce n’est pas le cas d’un speedbike. Le moteur ne s’active que lorsque vous pédalez et ça change tout, car dans ce cas, vous devenez une personne vulnérable de la route. Comme un cycliste ou un piéton. Dans ce cas, une simple assurance appelée « responsabilité civile » souvent incluse dans votre assurance habitation suffit.
Le moindre mal vient des offres d’assurances à environ 12 euros par mois, qui ne couvrent que les tiers. Pour assurer votre monture contre le vol, vous pourrez trouver des formules à partir de 400 € par an. Pas donné, certes.
Enfin, le speedbike ne permet pas d’embarquer un passager, même un enfant sur un siège dédié à l’arrière. Là où un 50 cm3 le permet normalement. Absurde ? Absolument !
Conduite
La conduite est intéressante, car le ST3 Pinion vous demande de pédaler, littéralement. Cela se fait d’ailleurs en trois paliers : le premier vous propulse aisément à 24 km/h, le second demandera plus d’efforts (merci le capteur de couple très précis) pour atteindre les 36 km/h.
Enfin, les 45 km/h demanderont d’en rajouter une couche. Résultat, nous faisons de l’exercice, du vrai. Le palpitant travaille, vos jambes travaillent et vous vous retrouvez à transpirer un peu et à respirer fort.
Un réglage permet de rendre le capteur de couple plus sensible au moment exercé sur les pédales et offre moins de résistance dans le mode d’assistance 3 sur les 3 disponibles. L’effort nécessaire est (légèrement) moindre. Comprenez que ce Stromer ST3 Pinion propose de « prendre du plaisir à vélo » tout en roulant à 45 km/h.
Le freinage est excellent, merci les étriers à doubles pistons et le freinage hydraulique de qualité. Mais n’oubliez pas, nous sommes sur un vélo de 30 kg lancé à 45 km/h. L’énergie cinétique est bien plus importante que sur un VAE classique. Et ce « bien plus importante » se traduit, à poids équivalent (oui il existe des VAE de 30 kg pour rouler à 25 km/h) par une différence équivalente à un peu plus de 2 fois l’énergie d’un choc à 25 km/h. Un bon moyen de rappeler que ce n’est pas le poids d’un vélo qui compte, mais sa vitesse.
Les pneus sont en revanche loin d’être géniaux. Sur les 700 km parcourus, 500 environ ont été réalisés sous la pluie. En pente, à 45 km/h (et même un peu plus grâce à la sainte gravité), les freinages étaient un peu compliqués. La roue avant n’a jamais bloqué, mais celle à l’arrière si. Le vélo est équilibré ce qui évite de voir l’arrière chasser, mais il faudra avoir un peu de « bouteille » à vélo pour savoir se rattraper sans paniquer. Surtout sans paniquer.
Le poids haut sur pattes engendre une inertie qui n’est pas des plus agréables, mais qui, une fois le vélo anglé pour un virage, le place dans un rail.
Enfin, et c’était la grosse déception, le vélo manque de couple pour affronter les montées raides. Sur la montée menant d’Alfortville à Villejuif en passant par le MAC Val, le Stromer ST3 Pinion a peiné à offrir son plein potentiel de vitesse. Il plafonnait à 35 km/h pour terminer, sur une pente de 20 % certes, à un modeste 23 km/h. C’est peu et dommage. Un manque de puissance qui est totalement absent sur le plat où, en mode 3, les 45 km/h s’atteignent en moins de 7 secondes (et même 5 secondes si vous êtes en forme).
Une boîte de vitesses peu enthousiasmante
La boîte Pinion est clairement loin d’être la solution idéale. La transmission par courroie au moteur logé dans le moyeu de la roue arrière passe par un jeu d’engrenages qui est une réelle boîte de vitesses. Pour rester simple, les 9 vitesses sont en réalité 3 vitesses offrant chacune 3 niveaux d’intensité.
Passer de 1 à 3 se fait ne tournant la poignée et à la volée : vous n’avez pas à changer votre cadence. En revanche, les paliers, eux, nécessitent d’arrêter de pédaler. C’est contre-productif et ça coupe littéralement l’effort fourni. S’arrêter de pédaler n’est pas ralentir sa cadence. Si vous ne jouez pas le jeu, la boîte bloque et là, c’est pire.
Les étagements ne sont pas idéaux : les niveaux s’allongent tandis qu’on se rapproche des 45 km/h ce qui vous empêchera clairement de dépasser cette vitesse en pédalant. Dommage : si la vitesse de l’assistance est limitée, celle du vélo ne l’est pas. Enfin, elle l’est par les panneaux de limitation. C’est la grande différence avec un scooter 50 cm3 par exemple, qui, lui, n’aura pas la possibilité de dépasser les 45 km/h.
Le système de poignée à tourner pour passer les rapports n’est pas agréable et rappelle les vélos de supermarchés. Le pire étant le rétrogradage qui a vite fait d’atteindre la butée, nécessitant à nouveau l’arrêt du pédalage. Bref, c’est une galère. Mais Stromer en est conscient et le ST5 a corrigé le tir en intégrant le système de gâchettes (shifters) qui change tout.
Finalement, cette solution n’apporte rien d’intéressant, y compris pour l’entretien, car il faudra tout de même la faire réviser et peu d’ateliers savent s’en occuper. La proposition avec le dérailleur classique Shimano XT/SLX en 11-42 est plus avantageuse, en plus de faire économiser un peu plus de 800 euros.
Dans la circulation urbaine
La sensation au guidon est grisante. Le démarrage au feu au milieu des voitures permet de prendre une belle avance sur la majorité des engins. Les voitures comme les scooters nous jaugent mieux et dépasser un speedbike est alors plus aisé visiblement, puisque le delta de vitesse est moins prononcé. Un paradoxe ? Pas tout à fait. La réalité vient du dépassement au démarrage. L’accélération du vélo à assistance électrique classique est faible, même sur un VTTAE en mode MTB. Les voitures doivent gérer leur accélération, jauger la vôtre et dépasser. Ce n’est pas compliqué, mais force est de constater que ça gêne. Sur le speedbike, c’est différent, la vitesse de 45 km/h est rapidement atteinte, ce qui, en ville, vous place devant les voitures. Enfin devant, sur les zones 30 et 50 lorsque les vitesses sont respectées.
Même le plus lourd des vélos (ce qui n’est pas le cas ici au passage) est plus léger que le plus léger des scooters équivalents. Le ST3 ne déroge pas à la règle et manier un tel vélo au cœur d’une circulation avec un tel niveau de puissance est un régal au quotidien. Oui, les autres usagers font des erreurs, nous en faisons tous. L’idée n’étant pas de chercher le drama à poster sur les réseaux sociaux mais d’arriver entier et de bonne humeur, votre capacité à anticiper et à vous sortir d’une mauvaise passe est essentielle. Avec le Stromer ST3, c’était d’une simplicité rare. Jamais un vélo n’avait offert un tel potentiel de déplacement urbain.
Le freinage, comme mentionné plus haut, est mordant, précis, progressif. Le freinage d’urgence n’est pas un problème. Dites-vous que vous avez l’équivalent de freins équipant une moto 80 cm3 sur un vélo de 30 kg. C’est clairement le terrain de jeu préféré du ST3.
Autonomie et temps de charge
Comptez 60 km d’autonomie pour une charge complète en 4h17, et un 20-80% en 2h20, ce qui est raisonnable. En revanche, les 60 km offerts avec la batterie de 983 Wh fournie sont tout juste corrects. Certes l’énergie demandée à 45 km/h est importante, et les accélérations consomment beaucoup d’électrons, mais pour un engin de 30 kg, nous nous attendions à un peu plus.
Mais c’est le système d’ouverture de la trappe et surtout de retrait de la batterie qui ne nous ont guère séduits. Bien que se retirant par le côté, le système choisi n’est pas idéal. Il faut déverrouiller via le menu la trappe. Ensuite, il faut presser fort sur le bouton à gauche et le bouton à droite. La trappe, très fine ne s’ouvre que sur une trentaine de degrés. Il faut ensuite coulisser le long de cette lamelle la batterie pour l’extraire. Même en prenant le coup de main, c’est délicat.
Mais surtout, cette trappe ne se referme pas après. Imaginons le vélo dormant à l’extérieur, sous la pluie. La trappe à batterie est à la merci des intrusions aqueuses.
Application, démarrage et système connecté
C’est désormais courant, Stromer propose une application. Elle permet de déverrouiller le vélo depuis le smartphone. Mais un système de code à 5 chiffres directement à entrer sur l’écran tactile du vélo est faisable.
Il est possible de paramétrer à peu près tout, y compris au niveau de l’assistance et donc du pédalage.
La connexion est simple et rapide, l’application n’a pas rencontré de bug. Mais aucune association avec Stravia n’est possible. Elle est donc totalement dispensable au quotidien. Ce qui n’est pas un mal. À vouloir tout rendre connecté, on en oublie qu’il s’agit d’un vélo. Bon point pour Stromer donc, avec une application qui offre des options intéressantes sans en rendre le vélo dépendant.
Enfin, Stromer garantie à vie le traçage GPS. Une option facturée chez les autres constructeurs. Une e-SIM est intégrée au vélo, avec sa propre alimentation, elle aussi intégrée et non amovible. Pas de système d’alarme en revanche mais est-ce dissuasif ?
Conclusion
Notre avis est assez complexe. Durant le mois d’utilisation, nous avons constaté que pour réellement profiter du speedbike, il fallait enfreindre la loi, faute de quoi, des scooters électriques, un peu moins chers font aussi bien (voire mieux).
Le ST3 Pinion s’en sort plutôt bien au milieu de la circulation, notamment lors des démarrages au feu rouge pendant lesquels il est possible de prendre une bonne longueur d’avance sur les automobiles. Il est maniable, l’adhérence est correcte mais mériterait de meilleurs pneus.
En dépit de la législation, le ST3 Pinion souffre de quelques défauts qu’il est difficile de pardonner à ce niveau de prix (système de boîte à revoir, inertie du moteur, manque de couple en montée, autonomie tout juste correcte), mais sans jamais vous mettre en défaut.
L’application est correcte sans réinventer le genre, l’écran tactile (plutôt intéressant) est mal exploité, le système de retrait et d’insertion de la batterie mal pensé et peu pratique. La molette pour le passage de vitesses comme le fonctionnement en groupe de 3 vitesses vraiment frustrant.
C’est dommage, car le vélo est agréable et même jouissif à rouler. Il permet de réellement pédaler, de transpirer même, de se déplacer vite, d’être stocké dans un local vélo (là où c’est nettement moins simple pour un scooter), de moins consommer d’énergie (pour la même autonomie, un scooter électrique demande 2,5 kWh, soit 2,5 fois plus d’énergie).
Puis il est amusant, grisant à utiliser et c’est un argument important dans le monde conformiste d’aujourd’hui.
Caradisiac a aimé
- Look
- Maniabilité en milieu urbain
- La qualité de fabrication
- La vitesse de déplacement
- Système connecté et traçage GPS non payants
Caradisiac n'a pas aimé
- Législation castratrice
- Système Pinion perfectible
- Molette de passage des vitesses
- Pneus manquant d'adhérence
- Prix dissuasif compte tenu des limitations légales
- Il faut enfreindre la loi pour réellement en tirer parti
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