Essai Honda CBR 600RR 2007 : The Answer
Honda avait légèrement pris du retard sur ses modèles supersports et hypersports au cours de ces dernières années. Privilégiant le confort et la facilité de prise en main, il en était tout autrement pour la concurrence. Elle était sans merci. Aucun compromis n'était d'usage, seule la course aux millisecondes motivait ces concepteurs de machines de plus en plus radicales. Affûtées, précises et gavées de puissance, elles étaient tellement taillées pour la piste qu'elles avaient réussi à faire la différence. La marque ailée allait-elle accepter cet affront ? C'est mal la connaître.
Hmmmmmmm qu'il sent bon l'air de la reprise des essais, en ce doux mois de mars 2007. Pour repartir du bon pied et attaquer la saison dans les meilleures conditions, rien de tel qu'un aller direct pour Manosque, au temple Honda de Chomat Moto. Le maître des lieux, Pierrot, n'a pas pris une ride, et rajeunit même d'année en année. L'accueil est toujours aussi bon enfant, à base de crochet au ventre et de tirage de lobe d'oreille. Même pas le temps de demander si l'on peut goûter au nouveau cru 2007 supersport qu'il nous tend déjà les clés du dernier 600RR, accompagné d'un large sourire, faisant naître dans nos yeux des étincelles tel l'œnologue devant un verre de Saint-Émilion Grand Cru Château Ausone 1964 ! Pas de temps à perdre, on enfile les casques et on se rue vers les dégustations.
Calmons nous, même si l'idée de faire rugir ce nouveau moteur nous donne des fourmis dans la main droite, procédons tout d'abord à l'inspection d'usage. La belle robe rouge et noire, typique du modèle, se pose sur un tout nouveau carénage, soulignant la ligne agressive du RR. En plus, ce modèle bénéficie de quelques accessoires comme les clignotants avant parfaitement intégrés. Le look d'ensemble du 600RR est conservé avec l'échappement qui se loge toujours sous la selle. De ce fait, il faudra trouver une alternative pour ranger votre antivol et votre tenue de pluie parce que le coffre sous la selle passager n'est toujours pas prévu. Ce qu'il frappe l'œil au premier regard, c'est donc ce lifting qu'elle a subi. 155 kg à sec, 14 kg de moins que la version précédente qui n'était déjà pas bien lourde. J'avais essayé la version 2003 et je la trouvais déjà agile comme un vélo, qu'est-ce que ça va donner cette fois ci ? Ceci a été possible par un nouveau châssis plus étroit et un moteur plus compact.
De toute façon, toute la partie cycle a été revue. Le bras oscillant a été rallongé de 5 mm. La nouvelle fourche de 41 mm est désormais à cartouche. L'amortisseur arrière est désormais intégré au bras oscillant. Les freins sont toujours les radiaux 4 pistons de 310 mm.
La tête de fourche a été entièrement revue, avec une entrée d'air forcée qui rappelle celle du VTR SP2, directement reliée à la boîte à air. De chaque côté, on retrouve les phares qui lui donnent ce regard tranchant, taillé pour avaler la piste. Le moteur a été revu aussi, pour une plus grande disponibilité de couple à mi-régime grâce, entre autres, à un système d'alimentation qui actionne un deuxième injecteur par cylindre. Plus léger de 2 kg, il développe 2 cv de plus que son prédécesseur et gratifie aussi d'un gain de couple de 0,1 N.m. Mais bon, tout ça, c'est sur le papier. Il faut l'essayer pour savoir si c'est du vent ou pas.
Dans un souci de gain de poids, le carénage global représente une surface bien moindre que le modèle précédent. Les flancs sont ajourés pour se restreindre à masquer le strict minimum, on frise l'exhibitionnisme et l'atteinte à la pudeur. Alors qu'auparavant, un sublime feu à led était parfaitement intégré dans la coque arrière, juste au dessus du pot, il n'en est plus rien pour le modèle 2007. Désormais, avec un arrière affiné, c'est le silencieux qui vient en lécher le haut, et un feu tout à fait traditionnel vient faire son apparition au dessous, porté par le garde boue. Une prise de décision de la part des designers qui reste difficile à expliquer.
Ma première impression après avoir mis mon séant sur la selle est de la trouver moins compacte que l'ancienne. Les chiffres me contredisent puisque l'empattement global a été raccourci, mais je ne peux me soustraire à cette sensation. Le modèle 2003 me donnait l'impression d'avoir les poignets près du corps, très basculé en avant, et la tête quasiment au dessus de la roue avant. Ici, ça n'a rien à voir. C'est du Honda tout craché. Les commandes tombent pile poil sous les mains, mes jambes se logent contre les flancs de la belle et sa taille de guêpe. Le réservoir est très affiné ce qui promet de très bonnes sensations sur les changements d'angle. Mon a priori est qu'une fois de plus, Honda a préféré le confort aux performances, et ce n'est pas pour me déplaire puisque je me trouve très bien à son guidon.
Au poste de commande, là encore, un tout nouveau bloc compteur compact et profilé. On y retrouve le traditionnel compte-tour analogique, très lisible, qui occupe le centre du tableau. A gauche se trouve le premier compteur digital incluant la jauge à essence segmentée et l'heure. A droite, le deuxième écran digital affiche la vitesse, les deux trips partiels et le total. Le shift-light qui était disponible sur l'ancienne version n'y est plus sur ce modèle. Au dessous, vous retrouvez comme sur le 1000RR l'HESD : l'amortisseur de direction électronique Honda qui durcit la direction au fur et à mesure que votre tachymètre s'emballe.
Allez, on a assez humé le bouquet de ce nouveau cru, goûtons-en désormais les saveurs. Un tour de clé, une pression sur le démarreur et le moteur s'éveille. L'échappement est entièrement d'origine et pourtant, il n'en est pas pour autant avare en décibel. On quitte la concession, direction Valensole. Dès le premier rond point, la maniabilité de l'engin se manifeste. Elle tombe sur l'angle comme si le cale-pied voulait à son tour goûter au bitume. Ca en est presque déstabilisant au début. Je laisse le moteur chauffer tranquillement, alors que Nico en fait de même derrière moi au guidon de sa grande sœur, la 1000RR.
Quelques ronds point plus loin, les voitures ont disparu, la route large et sinueuse se dévoile. Voyons ce que ça donne. A ce moment-là, j'ai le souvenir précis du modèle que j'avais essayé en 2003, très compact et très agile, qui disposait d'un échappement LeoVince offrant un son de Moto GP, une zone rouge à 15 000 tr/min et une montée en régime linéaire et dépourvue de véritables sensations en dessous 9 000 tr/min.
Pour tester ce nouveau moteur, rien de plus simple, on ouvre. Et là, surprise. Que dis-je, émerveillement. C'est bien un 600 4 cylindres qui s'agite sous moi, mais bien décidé à mettre un terme à mes a priori. Il me donne un à-coup significatif de la présence de couple dès 4 000 tr/min pour pousser dans les tours, là où il ne se passait strictement rien sur le modèle précédent. Le bruit d'origine est tout simplement dantesque, à se demander comment il peut être homologué. Le compte-tours grimpe et la moto pousse de plus en plus. Le passage des rapports se fait tout en souplesse grâce à la boîte typique de la marque ailée. Inutile de préciser le sourire figé, j'aime avoir tort.
Freinage un peu musclé sur le premier virage, les étriers 4 pistons donnent un très bon feeling, la moto ne bronche pas et s'arrête en quelques mètres. De plus, le frein arrière permet de corriger très subtilement les distances et le transfert de poids, c'est parfait. Un coup de hanche et elle plonge docilement vers la corde. Plus que docilement, c'est presque de la télépathie. Groupé dans l'intérieur du virage, la moto est d'une rigidité exemplaire. Le train avant remonte parfaitement les informations d'adhérence et laisse penser qu'il y a encore beaucoup de marge avant de la mettre en défaut. La réaccélération montre toute la souplesse du moteur, qui reprend les tours sans rechigner et nous extirpe de la courbe. Je n'ai même pas eu à changer de rapport, j'ai déjà la prochaine courbe dans ma ligne de mire. Qu'est-ce que c'est que cet ovni ?
Voilà une série de sinueux qui se préparent. Arrivée en approche de virage vers les 12 000 tr/min, il suffit de lâcher les gaz, le frein moteur est suffisant pour ralentir la bête et engager le virage d'un mouvement de sourcil. Une fois l'enchaînement négocié, on peut ouvrir en grand sans appréhension, tout coule comme sur un doux nuage. Pas la pression d'un décrochage de roue arrière, pas de prise de tête sur le fin dosage adhérence/puissance, on s'en donne à cœur joie et elle repart juste comme il faut. C'est vraiment appréciable parce que ce n'est pas pour autant avare en sensation.
Bon bien sûr, venant d'un 1000, ça manque un peu de watt, mais j'étais tellement resté sur mon idée qu'elle n'aurait rien dans le sac si on ne la fait pas hurler dans les tours que je suis tout simplement ébahi. Et quand justement, on va la chatouiller dans les tours, elle ne rigole plus du tout, ça pousse comme il faut, bien au-delà que ne l'impose la raison. Ca donne des frissons tellement l'échappement monte dans les aigus, on n'a pas perdu le charme des 4 pattes de moyenne cylindrée. Une large plage de plaisir est donc disponible, toujours dans un esprit de stabilité et de quiétude.
Plus les virages passent, plus la vivacité et le caractère joueur de ce 600RR m'enivre. Elle ne fait jamais de mauvaise surprise. D'une stabilité déconcertante, elle est véritablement un jouet pour grands enfants. Son comportement moteur se rapproche bien plus d'un 750 que d'un traditionnel 600 supersport. Elle me le prouve à chaque relance, à chaque relâchement des gaz. Rien à voir avec ce que j'ai pu connaître. Le bridage qui l'handicape de 20 cv gêne forcément les grosses pointes mais en tout cas, sur route ouverte, c'est largement suffisant pour s'amuser et se faire plaisir.
Voilà, je pense que c'est le mot qui convient : se faire plaisir. Le CBR 600RR 2007 rassemble toutes les qualités d'une supersport pour qu'un pilote prenne son pied à son guidon. Inutile d'avoir une expérience de pistard derrière soi, elle est d'une vivacité encore plus affirmée, précise comme une lame de rasoir, un moteur d'une souplesse étonnante qui va faire très très mal à ses concurrentes directes Yamaha R6, Suzuki GSX-R 600 et autre Kawasaki ZX-6R. Les débutants apprécieront sa facilité de prise en main et l'assurance qu'elle offre au pilote. Les confirmés se réjouiront du caractère exploitable qu'elle présente, pouvoir ouvrir sans arrière pensée et en y prenant même beaucoup de plaisir. Vous vous offrirez ce joli jouet pour un modique chèque de 11 000 €. 2007, définitivement une très grande année pour le 600RR, qui a su conserver et améliorer les grandes valeurs de son cépage et qui ne fait que se bonifier avec l'âge. Un modèle de garde qui vieillira bien, j'en suis certain !
Merci encore à Pierrot et l'équipe de Chomat Moto pour cet essai. Si vous voulez les joindre, voici leurs coordonnées :
Chomat Moto
79, av De Lattre de Tassigny
04100 Manosque
Tél : 04-92-87-55-44
Site : www.chomat-moto.com
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