Ces écrans qui vont tuer l'automobile...
Ce ne sont pas Christophe Nadjowski (EELV) ou Chantal Perrichon, la pollution ou les encombrements, qui vont tuer l'auto et la moto, c'est le virtuel, l'addiction aux écrans.
Jeudi soir sur France 2, Envoyé Spécial s'alarmait de l'addiction aux écrans d'enfants de plus en plus jeunes. Dès deux ou trois ans, des gamins deviennent accros aux comptines, aux jeux et aux vidéos du smartphone de Maman. Présentant de gros retards locomoteurs et de langage, ces marmots ne parlent pas, ne répondent pas, ne réagissent pas aux consignes et il est difficile de croiser leur regard. On nous explique qu'ils sont devenus dépendants à la dopamine, l'hormone de la récompense que secrète leur cerveau à chaque fois que le tout petit écran leur délivre ce qu'ils attendent. La même dopamine qui nous scotche aux like de Facebook, à Twitter, Snapchat ou Instagram.
On connaît tous des gamins de 7 ou 10 ans qui délaissent leur univers de Lego et Playmobil, de poupées et petites autos, de châteaux et pistolets pour les 40 ou 400 cm d'un écran relié au wifi. Ils ont des chambres impeccablement rangées, ne courent pas partout et on ne les entend pas vrombir ou mitrailler, ni consoler ou gronder un nounours. Ces enfants, nous dit-on, développent un imaginaire très pauvre, circonscrit à l'univers en 2 D et aux histoires toutes faites que leur fabriquent de petits malins. Ils ne savent pas jouer car ils ne savent pas inventer : on invente pour eux. En fait, pour ces enfants, les jouets sont désormais des punitions : "Lâche un peu la tablette et va jouer dans ta chambre !" ou "Tu n'as même pas fini de monter ton Lego !"
Un peu plus vieux, on les trouve accros à Youtube et aux réseaux sociaux.
Ces adolescents ne rêvent pas d'un scooter ou d'un 50 à vitesses. Pour quoi faire ? Rencontrer leurs amis ? Ils les ont dans la poche, à portée de smartphone. Aller faire un tour ? Vous plaisantez, c'est dangereux, c'est loin et puis il pleut !
C'est une nouvelle humanité que nous inventons là. Avant même le corps bionique ou le cerveau augmenté, de premières évolutions se font jour : l'adolescent d'aujourd'hui court le 1 600 m en 90 secondes de plus qu'il y a 30 ans et un quart des 16-24 ans souffriraient de myopie, deux fois plus qu'il y a 40 ans.
La fondatrice pulsion locomotrice…
A leur âge, vers 14 ans, j'éprouvais le besoin urgent et quasi hormonal d'un 103 Peugeot (ou mieux, d'une TSA !) pour échapper à l'ennui de la campagne. Je n'y ai pas eu droit. A 16 ans, je rêvais de femmes nues et d'un trail 125 que l'on persistait à m'interdire. Six mois plus tard, à force de persuasion - de harcèlement en fait - je convainquais mes parents de m'avancer de quoi acheter une Honda XL d'occasion et je bossais dur pour les rembourser. Pour ce qu'elle m'a fait découvrir, par ce à quoi elle m'a contraint, par les rencontres qu'elle m'a permises, cette petite moto orange aura été le tremplin de mon existence.
Quand je raconte cela à un ado - pour peu qu'il veuille bien lâcher une minute sa tablette ou sa manette et m'écouter - il me toise comme si je venais d'une autre planète, un peu à la manière dont je regardais mon vieux tonton qui me parlait de la restauration de son horloge franc-comtoise, autre hobby révolu. Comme si je n'avais pas idée de ce que lui vit et découvre sur son mini-terminal informatique. C'est vrai, je n'en ai aucune idée et ça me fait bailler, même si je ne me juge pas meilleur ou supérieur. Mais différent, c'est sûr, et même quasi étranger.
En miniature comme à la taille réelle, l'auto les indiffère
Pardon, je vieux-conise. Après tout, il n'est pas établi qu'un jeune doive, pour grandir et s'épanouir, désirer un véhicule à moteur. D'ailleurs, je ne suis pas certain qu'avant le XXe siècle, les enfants rêvaient de carrioles et de chevaux. Finalement, cette dangereuse passion pour l'auto et la moto qui, en Occident, dure depuis un siècle et arrive désormais à son terme, aura été un bref épisode que l'Histoire mettra plus tard dans un tiroir proche de celui de la manie des duels, laquelle aura duré bien plus longtemps.
En attendant, il va falloir envisager une reconversion industrielle dont on n'a même pas idée.
Ma jeunesse était une promesse pour l'industrie automobile - et du motocycle. J'aurai été - et je suis toujours - un bon client.
La leur ressemble à une garantie pour Google, Apple, Sony, Facebook et Microsoft. Pour la SNCF et la RATP aussi : le teenager d'aujourd'hui préfère se taper une demi-heure de bus avec son smartphone que 10 minutes à scooter. D'ailleurs, le marché du 50 cm3 est moribond et celui du 125 ne va guère mieux.
Celui de l'automobile va t-il suivre le même chemin ?
Je n'imagine pas la génération de mon préadolescent de fils s'endetter pour une voiture, fût-elle électrique et bourrée d'électronique ; en miniature comme à la taille réelle, l'objet les indiffère à un point qu'on ne saurait, ici, imaginer. Après la génération des 25-40 qui a passé son permis à reculons et n'achète que de l'occasion et des Dacia, les constructeurs vont être confrontés à celle qui ne veut pas conduire ni dépenser des sous pour ce machin encombrant, fragile et ennuyeux.
Dès lors, la voiture autonome est incontournable mais elle ne suffira pas à faire tourner les usines. Car il ne sera plus question d'acheter l'objet mais seulement de payer le service qu'il rend. La voiture autonome sera partagée, comme un VTC sans chauffeur, individuel ou collectif, du mini-module au bus à étage. Combien de voitures particulières en France dans vingt ou trente ans ? Trois fois moins qu'aujourd'hui, je prends les paris.
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