Après quasiment 22 ans de commercialisation, Mazda a vendu 900 000 MX5 dans le monde. Un record pour une voiture de cette catégorie. Cependant, si elle n'a aucune concurrente à sa sortie en 1989, elle n'a rien de novateur : le petit roadster deux places propulsion a fait les beaux jours de la production britannique jusqu'à la fin des années 70 et l'inspiration de la Lotus Elan est flagrante lorsque l'on regarde la MX5 de première génération, jusqu'à son cache culbuteur. Mais Mazda a su moderniser le concept avec brio, tout en gardant une simplicité mécanique extrême garante de fiabilité et de coût réduit, une recette perpétuée jusqu'à aujourd'hui avec succès.
Pourtant, la deuxième chose qui vient en tête après la MX5 lorsque qu'on parle de Mazda, c'est le moteur rotatif, qui rime avec la marque depuis 1967 et la présentation de la Cosmo Sport. Ce choix mécanique audacieux continue d'être perpétué jusqu'à aujourd'hui avec la RX8, même si elle n'est plus commercialisée en France, en attendant sa remplaçante. Mais ce n'est pas la seule preuve de l'originalité de la marque et de la capacité de ses ingénieurs à penser autrement, même si le succès commercial n'est pas au rendez-vous : rappelez-vous de la 626 2,0D Comprex de 1992 ou de la Xedos 9 Cycle Miller de 1999.
Aujourd'hui, Mazda a pour objectif de concilier ces deux aspects avec un nouveau programme baptisé SkyActiv, dont le mot d'ordre est d'avoir une approche originale de concepts déjà existants pour améliorer ce qui a déjà été inventé, mais en gardant toujours la simplicité synonyme d'économie comme objectif. Ce programme couvre l'ensemble de la voiture, moteur diesel (SkyActiv-D), moteur essence (SkyActiv-G), transmission (automatique et mécanique) et châssis, et Mazda a invité Caradisiac a découvrir les premiers prototypes avant la commercialisation du premier véhicule issu de ce programme attendue en début d'année prochaine.
Pour le développement des moteurs, les ingénieurs de chez Mazda ont voulu adapter au diesel les qualités de l'essence et inversement, en se focalisant sur le taux de compression avec un certain talent en aboutissant à un chiffre identique pour les deux, 14:1, ce qui constitue un double record mondial pour une voiture de tourisme: le plus bas pour un moteur diesel et le plus haut pour un moteur essence.
Pour le diesel, cela permet d'avoir une combustion mieux maîtrisée avec une réduction de la température et un taux d'expansion plus élevé, et d'augmenter le temps nécessaire pour obtenir un mélange air/carburant optimal. Combustion mieux maîtrisée veut aussi dire combustion plus propre, et donc notamment moins de NOx (ce qui permet de se passer de système de post-traitement coûteux et nécessitant de l'entretien) mais aussi de particules et de CO2. Autre avantage : avec un taux de compression moindre, le moteur et les pièces qui le composent n'ont plus besoin d'être aussi rigides, ce qui permet de gagner 10% du poids. Mais cela présente aussi un défaut : le démarrage à froid peut s'avérer difficile car il faut tout de même que la chambre de combustion atteigne une certaine température pour que le mélange s'enflamme. Pour cela, Mazda a adopté un système de levée variable des soupapes à l'échappement permettant une mise en température plus rapide, des injecteurs piezo multi-trous et des bougies de préchauffage en céramique. Au final, Mazda annonce des consommations et des émissions de CO2 réduites de 20% par rapport au MZR-CD 2,2 l mais les performances du SkyActiv-D ne sont pas oubliées pour autant, avec un turbo double étage permettant d'obtenir 175 ch à 4 500 tr/min et 420 Nm à 2 000 tr/min, avec un régime maxi de 5 200 tr/min.
Du côté de l'essence, augmenter autant le taux de compression (celui de la Ferrari 458 est de 12,5:1) n'est pas non plus sans risque : la plus forte pression et la température accrue dans les cylindres peuvent générer cliquetis et perte de couple. Mais là encore, Mazda a trouvé des solutions qui semblent pourtant incroyablement simples : la forme allongée du collecteur d'échappement 4-2-1 favorise l'écoulement des gaz résiduels et évite ainsi leur retour dans la chambre de combustion, l'injection directe, le calage séquentiel de la distribution par le système SV-T, des pistons à cavité spéciale pour une combustion plus rapide et une réduction de l'alésage pour améliorer l'efficacité thermique. Au final, le 2,0l SkyActiv-G développe 165 ch à 6 000 tr/min et 210 Nm à 4 000 tr/min, avec une hausse de couple de 15% en milieu de plage par rapport au MZR 2,0l qu'il remplace, et une consommation et des émissions de CO2 réduites de 15%. Et oui, malgré ce taux de compression stratosphérique, Mazda annonce qu'il fonctionne tout de même avec du Sans Plomb 95.
Au rayon transmission, Mazda proposera aussi deux nouvelles boîtes de vitesse, la SkyActiv-Drive automatique et la SkyActiv-MT mécanique. Pour la première, encore une fois, les ingénieurs de chez Mazda ont voulu avant tout mettre l'accent sur la simplicité : pas de DCT ni de CVT ni de boîte mécanique robotisée. La question de base était simple : pourquoi une boîte automatique « classique » change lentement de rapport, mange de la puissance et consomme plus par rapport aux dernières technologies ? Parce qu'elle patine. Pour corriger cela, ils ont augmenté la plage de lock-up de 64 à 89%, ce qui a permis de réduire la consommation de 4 à 7% et un nouveau module de commande hydraulique assure des vitesses de passage de rapport supérieures à celles d'une boîte à double embrayage. Passons maintenant à la SkyActiv-MT. Toute personne ayant déjà pris le volant d'une Mazda MX-5 sait déjà que Mazda en connaît un rayon sur le sujet quand il s'agit de faire une boîte mécanique précise et sportive et le constructeur a décidé d'étendre ces caractéristiques à toute sa gamme en commençant par réduire la course de 50 à 45 mm. Mais la volonté était aussi de réduire le poids et le volume de la boîte : pour cela Mazda a décidé d'utiliser un pignon commun pour la première et la marche arrière, ce qui permet de supprimer le renvoi, et pour la seconde et la troisième, ce qui réduit la longueur de l'arbre secondaire de 20%.
Pour la caisse et les suspensions, les ingénieurs Mazda gardent encore leur volonté de simplicité sans utiliser de matériaux couteux comme l'aluminium en repartant d'une feuille blanche : la structure n'est plus un mélange de pièces courbes et discontinues, mais rectilignes avec des supports de suspension avant et arrière interconnectés, ce qui n'est pas sans rappeler les bons vieux châssis en H, ce qui permet de réduire la quantité de matière utilisée sans compromettre la rigidité, ce à quoi contribue aussi une plus forte proportion d'acier haute résistance. Au final, Mazda annonce une rigidité supérieure de 30% et un poids réduit de 8% pour la caisse. Pour les suspensions, la MX5 a été une nouvelle fois la source d'inspiration, avec une volonté d'insuffler le fameux « Jinba Ittai » (symbiose entre le conducteur et son véhicule) à l'ensemble de la gamme. Malheureusement, cela passe par des objectifs antagonistes : agilité à faibles vitesses, stabilités à hautes vitesses et confort. Pour y parvenir malgré tout, l'angle de chasse des roues avant a été augmenté, les biellettes de suspension arrière redisposées, le rapport de la démultiplication de la direction modifiée et les bras tirés arrière ont été relevées de 43 mm pour réduire l'effet de plongée au freinage. Là encore, du poids a pu être enlevé en optimisant la structure et l'assemblage. Au final, c'est ainsi 100 kg qui ont pu être gagné, ce qui correspond exactement à ce qu'Audi a obtenu sur la dernière A6 par le généreux emploi d'aluminium.
Voilà pour la théorie et le déluge de chiffres, mais comment cela se traduit dans la réalité ? Nous avions pour le découvrir à notre disposition le circuit de RennArena, à Palma de Majorque, et des prototypes sur base Mazda 6 amplement scotchés et rivetés en différentes configurations. Peut-on vraiment avouer que l'on a pris du plaisir sur un circuit à bord d'une berline diesel à boîte automatique ? C'est pourtant le cas : le moteur diesel SkyActiv-D surprend par son envie déconcertante de prendre des tours... comme un moteur essence et par le punch de ses 420 Nm, la voiture se montre agile et légère malgré sa taille et la boîte automatique souple mais rapide, même si on ressent toujours un léger à-coup au démarrage et que je ne comprends toujours pas pourquoi elle s'entêtait à tomber un rapport de trop à l'amorce d'un certain pif-paf. Voyons maintenant ce que ça donne avec la boîte mécanique : on retrouve bien en effet les sensations de celles de la MX5, précise et avec des débattements courts, ce qui permet de s'habituer rapidement à la conduite à droite. L'essai du SkyActiv-G se fera malheureusement après un véritable déluge sur une piste poussiéreuse : au moment de prendre la piste, cela tourne au festival de glisse à cause de l'absence d'antipatinage sur les prototypes. Impossible dans ces conditions de prendre toute la mesure du moteur essence qui se montre toutefois particulièrement souple à bas et moyens régimes avant que les pneus déjà fatigués par une matinée d'essai sous un soleil de plomb partent en fumée, avec une boîte de vitesse automatique un peu perdue dans ces conditions extrêmes.
Nous attendons de pied ferme les premiers essais sur routes ouvertes pour confirmer ou non ces premières impressions, mais il faudra attendre pour cela le Mazda CX5, premier véhicule issu du programme SkyActiv, qui sera dévoilé dans sa version définitive au prochain Salon de Francfort avec une commercialisation prévue début 2012.
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