A l’été 2001, lorsque Renault commercialise l’Avantime, ils n’avaient même pas dix ans. « Ils », ce sont une poignée d’étudiants en troisième année à Strate Collège (à Sèvres, dans les Hauts-de-Seine), référence française des écoles de design. Leur dernier « cadeau » de Noël ? Revisiter le premier (et seul) coupéspace de l’histoire automobile en le propulsant directement… en 2022. Un cas qui a le mérite d’être connecté aux réalités industrielles, à croire Philip Nemeth, responsable de la section transport de l’école : « Dire aux étudiants « on s’en fiche des contraintes, travaillons sur la mobilité en 2200… », c’est facile. Mais moi j’ai des gens d’Audi, de Skoda qui exigent d’eux qu’ils sachent concrètement ce qu’est une voiture. L’Avantime était un cas intéressant non seulement pour son design, deux volumes assemblés, mais aussi pour les contraintes techniques qu’il avait imposées à l’époque : reprise de la plateforme de l’ancien Espace III, portes à double charnière… Et puis, c’était intéressant de plancher sur la marque. En 1995, c’était un fantasme pour tous les étudiants en design de travailler pour Renault, c’était « the place to be » ! Depuis quelques années, c’est une marque qu’ils ne regardent plus, c’en est presque choquant tant leurs concept-cars, de la Laguna à l’Ondélios en passant par l’Initiale, ont marqué. »
Treize binômes, chacun comprenant un designer pour l’extérieur, l’autre pour l’intérieur, ont donc cogité sur le thème du coupé monospace du futur. Un projet en forme de réhabilitation pour cette Renault à la naissance difficile, chahutée par les reports de production, handicapée par les soucis de qualité et finalement sacrifiée lorsque Lagardère clôt brutalement l’activité production de véhicules de série de Matra, début 2003. Seuls 8 500 Avantime auront été assemblés, à l’arrêt des chaînes. Douloureux socialement pour Matra, l’échec sera double pour Renault, puisqu’il marquera, avec la déconfiture cumulée de la Vel Satis, le début d’une grande austérité philosophique, le musellement de l’audace, la fin d’un certain courage industriel.
Adrien Acquitter et Nicolas Fourny et leur Avantime tout en fluidité.
Si la mémoire de l’Avantime est entretenue par de nombreux passionnés (www.amicale-avantime.com), la nostalgie n’a pas trop sa place chez les designers, encore moins chez les étudiants. Tout juste peut-on pointer, à travers quelques projets, des références au bicolorisme de l’Avantime de 2002 (groupe 8) ou à ses feux arrière d’inspiration « cerf-volant » (groupe 6). D’une manière générale, les étudiants n’ont pas hésité à innover, comme le duo Baiguini/Lienhart (groupe 4) et leur projet doté de thermoplastique photoluminescent ou bien les groupes 11 et 13 qui ont fait à très juste raison le choix de la compacité : l’Avantime originel, encombrant et peu maniable, serait bien inadapté aux hypercentres de 2022.
Parmi les projets les plus remarqués, on notera le « R-Venge » (groupe 1) d’Antoine Pelleau et Benjamin Pérot, un projet de « cassure », dixit ses auteurs, celle de la quarantaine. Difficile d’oublier également l’incroyable éclaté de construction de Clément Porée et Evangeline Beraut (groupe 5) et la vision fluide, monolithique d’Adrien Acquitter et Nicolas Fourny (groupe 7), qui ont accouché d’un Avantime mono-matériaux, sans frontière définie entre l’acier et les vitrages, mais avec une opacité variable. Leurs sketches, simples et enlevés, ont forcé l’admiration de Thierry Métroz, l’actuel patron du style Citroën DS et designer de l’Avantime lorsqu’il était chez Renault, invité de marque du jour. A n’en pas douter, la relève est assurée !
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