« Don't mess with Texas ! », est la petite phrase d'accueil que l'on peut lire en arrivant dans le Lone Star state sur un panneau de taille raisonnable…
Il ne mentait pas, car on y a, en vrac, rencontré des Texans au caractère en acier trempé (pour ne pas dire belliqueux), dîné dans un restaurant où on vous offre 2 kg de viande, et visité un très sérieux cimetière… de Cadillac. Après cet état rude, à la topographie plus plate qu'un cheeseburger qui aurait passé une semaine sur le bitume texan, on arrivera au Nouveau-Mexique où les reliefs s'accentueront violemment. Là, des bikers authentiques, l'exotique Santa Fe et des trucks plus bling-bling qu'un président en Ray Ban sur un yacht de Bolloré nous attendent.
Calez-vous correctement dans votre siège, coupez le téléphone, ouvrez Winamp et mettez-y un bon Neil Young car le Far West commence ici. Et pour rendre hommage à un certain Sergio Leone, je vous propose un article spaghetti… Enjoy.
« Dieu que c'est plat ! », semble être une autre phrase clé de chaque touriste débarquant au Texas. Oui, avant d'être pris de vertiges dans les canyons de l'Arizona, le Texas nous offre une topographie hallucinante, où l'on ne voit tout simplement aucune colline à l'horizon ! Sur le bitume, on est constamment victimes de mirages à l'horizon, il faut prendre son temps…
On roule donc (avec notre vaillant Dodge Caliber !), aux limitations de vitesses, l'œil vissé sur la température des fluides et sur la climatisation en priant le ciel pour un peu d'air frais… Comment ne pas souder l'accélérateur dans ces plaines infinies ? Des voitures de Police bien planquées dans les fossés, telles des guépards attendant leur proie facile, nous en dissuadent rapidement.
Et quand on croise une Corvette roulant 5 miles sous la limitation, on n'a plus aucune envie de rouler vite.
On profite alors d'un paysage qui se fait de moins en moins verdoyant… avant de tomber sur McLean.
Vous rappelez-vous ces villes fantômes que l'on peut voir dans les films post-apocalyptiques ? Il faut croire que l'on pourrait y tourner une superproduction tout entière.
McLean est effectivement l'une des dernières villes du Texas à avoir été court-circuitée par l'autoroute en 1984.
La 66 y a laissé son lot de vestiges, de musées, et il est impossible de ne pas y passer. On imagine sans mal toutes ces enseignes briller de leurs innombrables néons, dont les reflets concurrençaient les chromes des Cadillac et autres Chrysler démesurées… Un enfant vient nous voir avec un teint blafard, et un maillot de la coupe du monde d'Italie en 90. George Romero aurait très bien pu se trouver dans les parages ! Flippant.
Bref, c'est un nouveau marqueur poignant d'une époque révolue, mais restons sur la route ! Même si le Texas est le 2e état le plus large d'Amérique, il est aussi le 2e plus court traversé par la Route 66 après le Kansas. Il n'y a effectivement que 255 km à y parcourir avant d'arriver au Nouveau-Mexique, ce qui ne l'empêche pas d'être fascinant…
À la nuit tombée, alors que notre moteur refroidit, on choisit de se restaurer au Big Texan Steak Ranch. 2 kg de viande vous sont offerts si vous les dévorez en moins d'une heure… j'ai calé aux alentours des 900 grammes.
Les rencontres ne m'ont pas non plus laissé sur ma faim car arrivant au restaurant au volant d'un Dodge RAM SRT-10, j'ai rencontré John.
John est un entrepreneur du Texas, spécialisé dans la pose de clôtures pour les exploitations agricoles. Le teint marqué par les coups de soleil et les interminables journées de travail, il garde l'œil vif… Notre voyage l'amuse, et il embraye directement sur notre non-participation à la guerre en Irak, juste pour nous taquiner.
Il en vient à confesser que selon lui, les étrangers sont la source de beaucoup de problèmes, et il a également un souci avec son président de la République, dont le prénom ne sonne pas très… américain. Je lui rétorque alors que l'Amérique est un melting pot et pour finir, que beaucoup de fusillades ou d'attentats sont le fait… de blancs, comme un certain Timothy McVeigh.
C'est à ce moment qu'il m'a fait comprendre que l'on n'essaye pas de convaincre un Texan, par principe. Et que de toute façon, il était armé juste au cas où on viendrait l'importuner…
Don't mess with Texas, je crois que c'est clair !
Pourtant, certains gardent quand même un certain sens de l'humour, comme Stanley Marsh 3, un millionnaire qui ne savait que faire de l'un de ses ranchs.
À quelques encablures de la sortie d'Amarillo, ce fameux Texan a décidé un jour de commissionner un groupe d'artistes nommé Ant Farm, pour lui créer un ranch de Cadillac en 1974. Ce sont donc 10 Cadillac qui sont plantées, là au milieu du désert, selon un angle très précis, celui que font les faces de la pyramide de Gizeh avec le sol égyptien. Je vous avoue que je n'ai pas fait le rapprochement tout de suite.
C'est donc un lieu de pèlerinage pour tous les perdus de la Route 66, et pour ceux qui veulent y laisser leur signature ! Notez que le rose fluo ressort plutôt bien !
Pour compléter toutes ces excentricités, on trouve également des panneaux de signalisation plutôt atypiques, comme « Crock of Gin », qui voudrait dire Jarre de Gin. Allez comprendre, c'est encore l'œuvre de ce bon vieux Stanley.
Évidemment, on passera tout près du célèbre Bates Motel, avec son inscription : « Each room with a shower, knives sharpened ! »
Toutes ces amuseries nous feraient presque oublier l'aridité et la monotonie du Texas. Après Adrian, nous sommes même obligés de quitter la Route 66 en terre, qui se situe sur une parcelle privée (le veinard !), pour retrouver l'I40.
Peu importe, le Nouveau Mexique nous tend ses bras, et il a bien plus à nous apporter. Ici, les couleurs passent indifféremment du vert à l'ocre, les Cactus rivalisent avec les Yuccas, et on a le choix entre Roswell au sud et Santa Fe au nord pour nous divertir !
Mais c'est sur la 66, one more time, que l'on reste… San Jon est la première ville de la Terre de l'enchantement dans laquelle nous nous arrêtons et où l'on a pu déguster le meilleur Chili de toute notre vie.
En sortant repu de notre déjeuner, nous rencontrons Jim et Franck, qui auraient aisément pu se faire passer pour 2 membres de ZZ Top !
Une chose est sûre, ils sont aussi cool et Rock&Roll que les légendaires barbus. Notre périple ne semble pas les impressionner, ils doivent avoir plusieurs dizaines de milliers de miles derrière leur guidon. Ils font le trajet en sens inverse, pour aller voir un vieux pote à New York, et ce voyage semble n'être qu'une formalité pour ces vieux briscards. Tout ce qui compte, c'est de rester sur la Route, et de profiter indéfiniment des trésors qu'elle recèle…
Mais il est temps pour nous de partir, une très longue journée nous attend avant d'arriver à Albuquerque, située à l'extrême nord du désert de Chihuahua.
Arrivés à Santa-Rosa, après avoir visité son superbe Auto Museum, nous décidons de prendre la boucle nord pour découvrir Santa Fe. Un choix qui s'avérera judicieux, car on découvre des portions de routes absolument sublimes. Les reliefs se font de plus en plus marqués et les formations sableuses et argileuses du Jurassique donnent une teinte rouge, chaude à la roche.
Par moments, nous longeons la voie ferrée qui elle ne désemplit pas, cela nous rappelle certains westerns de Sergio Leone qui commençaient… ici même.
La route se rétrécit, nous commençons à monter en altitude et en température. Plus que quelques dizaines de kilomètres avant d'arriver à Santa Fe. Les exploitations se font de plus en plus rares, c'est l'œuvre l'isolement et de la rudesse du climat !
À plus de 2 100 mètres d'altitude, la plus haute capitale d'état des USA nous accueille, voici Santa Fe.
Et là, c'est la claque. Cette ville est complètement atypique avec ces maisons en adobe, tradition qui perdure depuis les Amérindiens Pueblos !
Ville d'artiste par excellence, elle recèle d'innombrables magasins d'art et de décoration, dans un style qui mélange christianisme et art indien. On aime ou on déteste, mais cela respire l'Histoire et le lourd passé de guerre, avec les prises de possession successives des Espagnols et des Indiens. Aujourd'hui, Santa Fe profite de sa situation de carrefour régional pour affirmer son style et son influence.
Redescendons maintenant vers Albuquerque. La route se fait toujours aussi chaleureuse, et le rouge semble nous jouer des couleurs, puisqu'à une station-service, 3 magnifiques Trucks prennent la pose pour nous…
On décide alors de s'enfoncer encore un peu plus dans les portions de route enterre, qui se terminent parfois… en Dead end. La descente de la Bajada est un morceau de bravoure que nous n'avons pas voulu imposer à notre Caliber. En 4x4, y aller est une obligation.
Exténués, on décide alors de se poser, de contempler ce paysage changeant, en pensant aux merveilles que nous réservera l'Arizona, dont nous avons de sublimes prémices ici même.
Le Nouveau-Mexique mérite donc entièrement son surnom de Land of Enchantment. Ses paysages, sa culture hétéroclite, son côté destroy, son relief sont autant de raisons de retourner sur cette portion, qui fût abandonnée par la Route 66 dès 1937 ! Le contraste est flagrant avec le Texas.
La descente vers Albuquerque nous permet de reprendre notre souffle. Le caractère féerique de Santa Fe a disparu, et on comprend désormais ce qui motive nos amis bikers Jim et Franck : la route est une véritable drogue.
La semaine prochaine, nous découvrirons l'Arizona, dont le surnom est… The Grand Canyon State. Préparez-vous à changer votre fond d'écran.
Photos : Eloi Du Bois
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